Retour à l’aube – d’Henri Decoin – 1938
Elle est simple, cette histoire : la jeune et jolie femme du chef d’une petite gare découvre la ville et ses tentations, au risque de se perdre. Simple, et semblable à tant d’autres films qui opposent l’innocence des jeunes filles de la campagne au cynisme des citadins.
Le fond du film n’est guère différent. Mais pour ce qui est de la forme… Decoin signe une petite merveille, à la fois légère et grave, anodine et d’une intensité folle. La jeune fille, c’est Danielle Darrieux forcément, la muse incontournable du réalisateur à cette époque (à moins que ce ne soit le contraire). Le couple représente alors une sorte d’idéal de cinéma, et Retour à l’aube est l’un de leurs chefs d’œuvre.
Elle est merveilleuse, Darrieux, dans le rôle de cette jeune innocente confrontée aux tentations, aux doutes, aux drames, en une seule soirée qui vaut une vie, tout ça à cause d’un train raté pour deux minutes. « Deux minutes m’ont perdue… On croit que ce n’est rien, deux minutes… » Le regard de Darrieux, ses lèvres en suspension, ses cris paniqués… Le genre de rôle qui suffit à faire la réputation d’une actrice. Elle en aura d’autres, des rôles marquants, mais celui-ci est magnifique.
Decoin, grand cinéaste et grand amoureux, ne la quitte pas un instant. Il la filme avec passion. Il filme aussi l’effet qu’elle fait sur les autres et c’est aussi beau : les regrets des employés d’un hôtel qui la regardent partie les menottes aux poignets, les réflexions pleines de désirs de riches peu reluisants, le trouble de policiers pas si inflexibles, celui d’un grand voleur et grand séducteur, et la vulnérabilité tardive d’un mari pas si froid…
Il est beau ce film, parce que Darrieux est grande, et parce que Decoin, cinéaste décidément précieux et trop peu reconnu, filme chaque situation, si anodine soit-elle, comme s’il s’agissait du sommet du film. C’est la marque de ses plus belles réussites. C’est de cette passion totale que naît les torrents d’émotion que suscite Retour à l’aube. Une merveille. Point.
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