Hitchin’ Posts (id.) – de John Ford – 1920
Je croyais ce Hitchin’ Posts totalement perdu, comme l’immense majorité des Ford de cette époque, voilà que je découvre qu’il n’en est rien… enfin pas totalement : de ce film qui devait durer quelque chose comme cinquante minutes, il en subsiste trois (minutes), précieusement conservées par la Library of Congress, et dans un état assez exceptionnel.
Trois minutes, c’est peu, et ça ne permet évidemment pas d’appréhender l’ensemble de l’histoire. Mais en l’état, ce fragment peut se suffire à lui-même. Le découvrir est en tout cas enthousiasmant… et très frustrant. Parce que ces trois minutes sont absolument magnifiques, laissant penser que Ford est déjà au sommet de son talent. Et que si tout le film était de ce niveau, alors Hitchin’ Posts avait tout du chef d’œuvre.
En quelques secondes seulement, Ford plante une atmosphère profondément nostalgique : celle du Sud de l’après-guerre civile, où les anciens riches propriétaires sont réduits à jouer leur avenir aux cartes. On découvre ainsi deux d’entre eux jouant une main fatidique. L’un gagne (beaucoup), l’autre perd (gros). Les deux hommes réagissent avec une même grandeur, une même humanité qui dit beaucoup de tout ce que la guerre leur a enlevés…
La scène se passe sur un bateau à vapeur avançant au rythme lent du fleuve, ce genre de bateaux et de rythmes que Ford retrouvera dans Steamboat Round the Bend quinze ans plus tard. Et le décor est tout sauf anodin. Après la défaite lourde de conséquence du propriétaire, un plan de coupe montre une jeune femme sur le bord du fleuve saluant le passage du bateau, geste léger qui contraste avec le drame qui se noue.
Quant au vainqueur, Ford le film à la porte de la cabine, les rives du fleuve défilant lentement en arrière-plan dans une image visuellement splendide, qui dit aussi beaucoup du rythme de la vie, du temps qui passe lentement mais inexorablement. C’est beau, simple, et ça prend aux tripes. Enthousiasmant et hyper-frustrant, donc : un fragment fordien de plus dont on sort en espérant qu’un jour, peut-être, un miracle permette de découvrir la suite de cette merveille.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.