L’Affaire des poisons – de Henri Decoin – 1955
Decoin s’empare de la fameuse affaire des poisons qui a bousculé la cour de Louis XIV. Des faits réels reconstitués à partir d’archives retrouvées tardivement, affirme un carton avant le générique de début, à la manière des dossiers secrets du FBI qui étaient alors en vogue à Hollywood.
Le film est en tout cas l’occasion de constater que la reconstitution d’époque n’est sans doute pas le domaine dans lequel Decoin est le plus à l’aise. Le film n’est pas inintéressant, loin de là. Il y a même quelques images très fortes, particulièrement liées au travail de la police : un bonnet de bébé que l’on déterre d’une sépulture improvisée, une planque face à la boutique de suspects… Il y a là une manière étonnamment moderne de présenter la routine de l’enquêteur, interprété par Pierre Mondy.
Le contraste entre ses méthodes d’investigation et l’usage de la torture est particulièrement saisissante, comme le sont les deux séquences d’exécution qui ouvrent et referment le film, se répondant avec une grande cruauté et avec une ironie mordante, dans sa manière de présenter le bon peuple de Paris.
Mais cette reconstitution a ses limites, parce qu’elle souffre de décors trop théâtraux, de couleurs trop vives, et de l’impression globale d’être dans un sorte de vision schématisée de ce Paris de Louis XIV. Cela dit, cette limite ressemble de plus en plus à un parti-pris, avec une certaine radicalité pas totalement convaincante, mais intrigante.
Le film vaut pour son atmosphère, pour la mesquinerie de ses personnages, envieux et haineux, pour leur rapport au bien, au mal et à la religion. Paul Meurisse en prêtre adorateur du diable, Viviane Romance en diseuse de bonne aventure, et surtout Danielle Darrieux, pour la dernière fois devant la caméra de son ancien pygmalion, formidable dans la peau de la Montespan, cette ancienne favorite supplantée dans le cœur du roi par une jeune femme beaucoup plus jeune qu’elle.
Mine de rien, avec ce personnage, Decoin fait de son film une étude cruelle et cynique sur la place de la femme dans cette société, sur ce temps qui passe, impitoyable. Bancal, mais plutôt séduisant, au final.