Comme les grands (No greater glory) – de Frank Borzage – 1934
De L’Heure suprême à L’Adieu aux armes, le pacifisme de Borzage ne fait guère de doute. No greater glory, film nettement plus obscur dans son abondante (et passionnante) filmographie, s’inscrit dans cette veine, mais avec un parti-pris beaucoup plus surprenant. Pour mettre en valeur l’absurdité de la guerre, Borzage filme l’affrontement de deux bandes de gamins se battant pour un terrain vague dans la ville.
Le procédé en soi n’est pas le plus fin du monde. Ce parallèle entre la Grande Guerre encore si proche et des batailles d’enfants peut sembler bien péremptoire, surtout que le scénario va très loin dans l’analogie et le pathos, jusqu’à un final tragique dont on peut souligner l’audace et la sincérité, ou mettre en doute le bon goût. Ou reconnaître que ces deux propositions se valent également.
Mais plusieurs aspects font clairement basculer le film du côté de la fable cruelle mais humaine. D’un côté, l’humanité, justement, qui domine encore chez ces enfants qui, bien que prêts à tout pour défendre leur terrain sans charme, ont gardé leurs cœurs grand ouverts et regardent leurs adversaires avec une étrange affection… variation enfantine et presque naïve d’un thème cher à Renoir.
Borzage capte l’innocence toujours présente dans ces regards déterminés. L’amour, aussi. Il capte aussi, et c’est l’autre belle réussite de ce film, les regards des adultes, vétérans des tranchées. Avec une piquante ironie d’abord : le film commence sur le front de 1918, avec un soldat hurlant sa haine de la guerre et du patriotisme… le plan suivant montrant le même soldat, redevenu professeur après la guerre, assurer à ses élèves que rien ne vaut le patriotisme, et que la guerre est le meilleur moyen de l’exprimer.
Un autre moment, moins ironique et plus anodin en apparence, est remarquable. Alors que les enfants n’ont plus que le mot « guerre » sur les lèvres, le gardien du terrain, un vétéran à qui manque un bras, souffle ce simple mot, « guerre », comme abattu par l’obstination des plus jeunes de répéter les erreurs/horreurs de leurs aînés. Un simple mot, et peut-être le plus beau moment du film, le plus borzagien, le plus déchirant.
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