Armageddon Time (id.) – de James Gray – 2022
Il a fallu des voyages dans la jungle (The Lost City of Z) et dans l’espace (Ad Astra) pour que James Gray se décide à revenir à New York. Et ce retour se fait avec le plus intime, le plus personnel de ses films. Tellement personnel, même, qu’il en est troublant, tant on a le sentiment, scène après scène, que ce sont ses propres souvenirs d’enfance que nous livre le cinéaste, qui semble totalement libéré de toute contrainte de genre, ou d’efficacité immédiate.
James Gray nous plonge dans le New York de 1980, et suit l’histoire d’un gamin du Queens que sa famille cherche à protéger du monde extérieur, mais qui s’attire quelques ennuis avec son copain de classe, qui se trouve être noir, et du Bronx… Si on ajoute que le gamin a l’âge que Gray avait à cette époque, qu’il est roux et malingre, et qu’il rêve de devenir artiste dans une famille qui ne l’est ni de près ou de loin… Difficile d’y voir autre chose que la vision de Gray de sa propre enfance.
Qu’importe d’ailleurs la part de pure fiction. Le cinéaste nous offre une évocation de cette époque charnière pour lui, qui est aussi une époque charnière pour New York et pour l’Amérique, cette époque « d’Armageddon », pour reprendre le titre du film, où s’affrontent tous les possibles des dernières années, et les changements effrayants qui s’annoncent avec le triomphe attendu de Reagan et du libéralisme galopant.
Armageddon Time n’est d’ailleurs pas un film politique, mais James Gray y dévoile une nostalgie profondément intime, et profondément émouvante. Il y rend aussi un hommage appuyé, et plus ou moins conscient semble-t-il, à un cinéaste qu’il a souvent cité comme une référence : Truffaut bien sûr, et particulièrement Les 400 coups. Son héros a à peu près le même âge qu’Antoine Doinel, se retrouve confronté à des incertitudes très similaires… et quand il cherche à s’évader, c’est en volant un ordinateur, qui fait furieusement penser à une certaine machine à écrire.
Sans préjuger de ce que sera The Fabelmans de Spielberg, on jurerait qu’Armageddon Time emprunte les mêmes voies : celles d’un cinéma introspectif, comme si ces (grands) cinéastes ressentaient le besoin de partager une époque fondatrice de leur jeunesse. C’est beau, particulièrement lorsque Gray invoque la figure de ce grand-père joué avec une bouleversante bienveillance par Anthony Hopkins. Et ça nous renvoie tous à nos propres nostalgies. Grand film intime.
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