Un père (The Good Provider) – de Frank Borzage – 1922
Bon… Je pense que voilà la preuve définitive absolue que Frank Borzage est l’un des cinéastes les plus sensibles de toute l’histoire du cinéma. Le simple fragment de 7 minutes disponible, le seul qui semble avoir survécu de ce long métrage, suffit pour tirer des torrents d’émotion. Et c’est avec une économie de moyen remarquable que Borzage (qui, certes, ne pouvait pas savoir que ne subsisteraient que ces sept précieuses minutes) réussit cet exploit.
Je ne m’avancerai pas à préciser de quoi parle le film. Ce qu’on peut en comprendre d’après cette unique séquence est assez simple : dans une famille bourgeoise, le dialogue est rompu entre le fils devenu jeune homme et le père vieillissant, malgré les efforts de la mère. Efforts vains, comme on peut le voir au début de cette scène. Le fils s’en va, bravache mais pas radicalement braqué. Le père reste, assis sous son porche. La mère le rejoint. La suite est un long dialogue du vieux couple, que la caméra cadre en plan moyen.
C’est simple, direct, et pourtant d’une beauté qui vous saisit les triples. Peut-être par la grâce de ce plan qui soudain devient large, soulignant en une poignée de secondes la solitude qui entoure désormais ce couple de parents dont les enfants s’éloignent. Peut-être aussi grâce à ce plan soudain rapproché sur la main du père qui, avec maladresse et hésitation, saisit celle de sa femme qui ne s’y attendait plus… Peut-être simplement pour l’émotion retenue qui transparaît de ces regards qui ne se croisent pas.
Borzage saisit tout ça, toutes ces émotions changeantes et profondes, avec cette délicatesse et cette sensibilité exacerbées qui sont sa marque. Bien sûr, ce fragment donne une furieuse envie de découvrir un jour The Good Provider. Mais même comme ça, cet éclat brillant suffit à rappeler à quel point Borzage est grand.
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