Fat City / La dernière chance (Fat City) – de John Huston – 1972
La filmographie de John Huston est pleine de paumés, de ratés, de losers, de laissés-pour-compte. Mais des ratés aussi peu flamboyants que les boxeurs de Fat City, il n’y en a pas des masses. En signant « son » film de boxe, ce sport qu’il a pratiqué passionnément pendant sa jeunesse et qu’il rêvait depuis longtemps de porter à l’écran, Huston adopte une radicalité exemplaire, un réalisme absolu totalement dénué du romantisme habituellement lié au « noble art ».
Ni noblesse, ni romantisme dans le parcours de ces deux jeunes boxeurs qu’interprètent Stacy Keach et Jeff Bridges. Le premier n’a pas encore 30 ans, mais il est déjà revenu de tout : boxeur sur le retour, abîmé par une expérience malheureuse, il a raccroché les gants depuis près de deux ans. Le second est beaucoup plus jeune, et ne monte sur le ring que grâce à sa rencontre avec le premier qui voit en lui un futur champion. Un futur champion qui enchaîne les défaites avec une régularité remarquable.
Huston filme ces deux personnages avec un tel souci de vérité que son film flirte parfois avec la comédie : les échecs répétés de ces deux-là, le systématisme avec lequel leurs espoirs se fracassent à la dure réalité de la vie et de l’échec… Même les nez déformés à force d’être cassés finissent par entraîner des rictus, voire des rires nerveux. On sent bien que l’espoir auquel se raccrochent vaguement les personnages, sans y croire eux-mêmes, n’est que chimère. Mieux vaut en rire qu’en pleurer…
Huston, on le sent, invoque ses propres souvenirs, l’atmosphère de ces combats amateurs sans gloire et sans fortune, où des jeunes gens sans horizon se jettent à corps perdu parce que c’est leur seule manière de se raccrocher à l’espoir d’une autre vie, loin de ces petits boulots qu’ils sont obligés d’enchaîner pour survivre. Mais les miracles, c’est bon pour le cinéma, pas pour la vraie vie. Ici, même la victoire n’a rien d’héroïque ou de galvanisant : « J’ai été mis KO ? » interroge l’un des boxeurs tellement sonné par le lourd combat qu’il vient de mener qu’il ne réalise pas que c’est lui qui a gagné…
La toute dernière scène, sans rien en dévoiler, enfonce le clou avec un mélange d’amertume et de bienveillance qui sied parfaitement au cinéma de Huston. Point d’horizon, point de miracle à attendre, mais des personnages confrontés à la réalité de leur condition. Et le regard tendre et dur à la fois du cinéaste, acéré, pertinent, fascinant.
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