Le Serment de Pamfir (Pamfir) – de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk – 2022
Il y a d’abord ce masque sous lequel apparaît le personnage principal, qui le renvoie d’emblée à une mythologie basée sur le rapport aux forces de la nature. Il y a aussi cette présence animale, et les grognements qu’il pousse en faisant l’amour à sa femme. Il y a encore cette omniprésence de la forêt, la manière dont il se fond en elle en la traversant au pas de course, sa marchandise de produits de contrebande sur le dos…
Voir un film ukrainien en 2022, ce n’est pas une expérience qu’on aborde de manière anodine. On s’attend, bien sûr, à ce que la géopolitique y tienne une place centrale. Et là repose la première surprise de ce Serment de Pamfir. Le film n’est pas coupé du monde, loin de là : la question des frontières est omniprésente, centrale même. Mais si la situation sociale est abordée, point de trace en revanche de la menace russe. Le film, c’est vrai, a été tourné plusieurs mois avant le début de la guerre.
Il n’empêche : ce conflit pèse forcément dans la manière dont on perçoit le film aujourd’hui. Il en trouble la perception, poussant à chercher des signes qui n’y sont pas. Le Serment de Pamfir est de fait un film moins influencé par l’actualité que par l’héritage culturel du pays. Le rapport aux anciens est omniprésent, et difficile : le rapport au père d’abord, et surtout, mais aussi le rapport aux traditions, souvent ancestrales. C’est d’ailleurs autour d’un carnaval aux codes assez insondables que se termine le film, carnaval annoncé dès la toute première scène.
Le Serment de Pamfir est aussi un vrai film de genre, puissant et passionnant, qui flirte souvent avec les codes du western : pour son rapport à la nature donc, mais aussi pour sa tension, et les rapports de force entre les personnages. Ce Pamfir qui cherche avant tout à être un bon mari et un bon père, et qu’un incident amène à se confronter au potentat local, très westernien. Le film a aussi la simplicité du western, voire la même propension à réduire certains personnages à ce qu’ils incarnent.
Ce pourrait être sa limite, mais le personnage principal est tellement fort (dans tous les sens du terme) qu’il dépasse de loin toutes les facilités scénaristiques. Et il y a la forme : ces très longs plans séquences d’une beauté foudroyante, la caméra mobile créant constamment un mouvement qui emporte tout, jusqu’à cette fameuse scène du carnaval, virtuose et immersive, qui semble concentrer en un unique lieu toute la vie de cette région, pendant que Pamfir finit par ne plus faire qu’un avec la nature qui l’entoure, jusqu’à s’enfoncer inexorablement dans ses entrailles.
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