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Archive pour octobre, 2022

La Couleur de l’argent (The Color of Money) – de Martin Scorsese – 1986

Posté : 21 octobre, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, CRUISE Tom, NEWMAN Paul, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

La Couleur de l'argent

L’idée même de séquelle semble totalement étrangère de l’œuvre de Scorsese. Il y en a pourtant bien une, si si : La Couleur de l’argent, suite très tardive de L’Arnaqueur, l’un des grands rôles de Paul Newman dans les années 1960. Ironiquement, c’est avec ce rôle déjà tenu vingt-cinq ans plus tôt (et les suites sont également rares dans la filmo de l’acteur : à part La Toile d’Araignée, suite de Détective privé, je n’en vois pas d’autre) que ce dernier décrochera son unique Oscar.

La Couleur de l’argent est un cas unique dans la filmo de Scorsese. C’est aussi l’un de ses films les plus mal aimés. Pour lequel j’ai pourtant toujours eu une grande affection, pour plusieurs raisons. Et d’abord, peut-être, parce qu’il est assez fascinant de revoir si longtemps après un personnage découvert à une époque où on ne parlait pas encore de saga ou d’univers étendue. Revoir le personnage d’Eddie Felson si longtemps après est passionnant. Et puis Scorsese et son scénariste Richard Price proposent du personnage une évolution très convaincante : vingt-cinq ans après ses déboires, l’ancien champion de billard a remisé la queue sans vraiment s’éloigner des salles de billards, où il écoule ses livraisons de whisky.

Il a vieilli bien sûr, il est un peu fatigué, sa vue a baissé, et il semble s’être rangé. Fini pour lui les arnaques d’autrefois. Jusqu’à ce qu’il rencontre un jeune joueur de billard nettement plus frimeur que lui au même âge, mais tout aussi doué, qui lui redonne l’envie de regoutter à la fièvre du jeu et des petites arnaques. Mais les temps ont changé : sa vision de l’arnaque était inséparable d’un amour du jeu. Il découvre que le cynisme domine tout.

Les prestations presque opposées de Newman et de Tom Cruise incarnent parfaitement cette évolution. Tom Cruise, tout juste sorti du triomphe de Top Gun, qui dévoile déjà ses ambitions, prenant le contrepied de ce que le public attend de lui. Et dans un rôle radicalement différent, il se glisse dans l’univers d’un grand, et donne la réplique à un autre grand, au sommet. Leurs face à face sont formidables

Scorsese filme chaque partie de billards comme si elle était le reflet des tensions des personnages. Le face-à-face tardif entre Eddie et Vincent est particulièrement puissant, véritable guerre d’ego où chaque coup est rendu. Il y a beaucoup de parties dans le film, et jamais le moindre signe de redite. Scorsese fait avec le billard ce qu’il avait fait avec la boxe dans Raging Bull : chaque « combat » est hyperstylisé, et souligne la dramatisation du moment. Du pur cinéma.

Entre la vie et la mort – de Giordano Gederlini – 2022

Posté : 20 octobre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GEDERLINI Giordano | Pas de commentaires »

Entre la vie et la mort

Un jeune homme se suicide en se jetant sous les roues d’une rame de métro. Le chauffeur n’a que le temps d’apercevoir le visage du malheureux : celui de son propre fils, qu’il n’a plus revu depuis des années. Beau point de départ pour un polar âpre et très ancré dans le réel, qui ne manque ni de bonnes intentions, ni de bons moments. L’une des belles idées aussi, est d’avoir fait du personnage principal, le conducteur rongé par la culpabilité et le besoin de comprendre, un immigré : un Italien solitaire, ayant fuit en France on ne sait quel passé.

Sans doute le film aurait-il d’ailleurs gagné en laissant planer le mystère des origines. La peinture de cet homme seul et déraciné, vivant dans un appartement sans charme dans un immeuble sans charme, luttant seul pour se rendre justice, était suffisamment forte pour se suffire à elle-même. Toute la première partie, assez opaque dans le fond mais remarquablement intense, est d’ailleurs très réussie, et passionnante. Et l’acteur espagnol Antonio De La Torre apporte ce qu’il faut de mystère et de rage ravalée à ce personnage d’écorché.

Parallèlement sa quête de vengeance, le réalisateur filme le travail de la police : une flique sur la corde (Marina Vacth) surveillée par son supérieur qui est aussi son père (Olivier Gourmet), plaçant définitivement le thème de la paternité au cœur du film. Un peu superflu pour le coup, surtout que cette relation père-fille là, si intense soit-elle, a un petit côté déjà-vu, et n’apporte pas grand-chose.

Dans sa dernière partie, le réalisateur chilien Giordano Gederlini verse aussi un peu dans les facilités qu’il avait soigneusement évitées jusque là, faisant de son polar très noir un revenge movie assez classique dans le fond. Toujours avec cette patte hyper-réaliste et très noire qui donne tout de même un liant à ce film qui esquisse trop de pistes pour être totalement convainquant.

Revoir Paris – d’Alice Winocour – 2022

Posté : 19 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, EFIRA Virginie, WINOCOUR Alice | Pas de commentaires »

Revoir Paris

Un attentat. Pas L’attentat. Pas tout à fait. Bien sûr, l’ombre pesante du 13 novembre est là, mais Alice Winocour fait un tout autre choix que la reconstitution fidèle des faits. Le bar où se déroule la tragédie est donc une sorte de condensé de toute l’horreur de ces tueries du 13 novembre. C’est un parti-pris fort, il y en a bien d’autres.

Le plus fort, sans doute, c’est de ne montrer non pas ce que le personnage principal a vu, mais ce dont elle se souvient. Le film, raconté à la première personne, commence pourtant au présent. Ce fameux soir de quasi-insouciance, où la légèreté semble être omniprésente. La caméra d’Alice Winocour capte cette légèreté par bribes, suivant le regard un peu absent de sa narratrice.

L’horreur surgit avec la soudaineté d’un coup de foudre. Ou plutôt d’une rafale. On n’en voit par grand-chose finalement, juste ce que le regard caché capte à travers la fumée, la poussière et les corps qui tombent. Et puis plus rien. « Après ça, je ne me souviens de rien » lance-t-elle en voix off, cette voix off qui reviendra régulièrement, plurielle, seules incartades hors du point de vue unique de cette femme au cœur des attentats.

Cette femme qu’incarne Virginie Efira avec la justesse et l’intensité dont je ne me lasse pas de vanter l’immensité. Une bonne fois pour toutes : elle est non seulement la plus grande actrice française du moment, la plus grande actrice tout court du moment, elle est aussi de l’étoffe d’une Vivien Leigh, capable comme elle d’incarner tous les degrés de la passion, de la légèreté ou de la douleur, avec une même justesse absolue. Bon. J’aime cette actrice, avec une ferveur que je n’avais plus ressenti depuis bien longtemps. Point.

Virginie Efira est donc de toutes les scènes, et elle incarne formidablement ce film, que la scénariste et réalisatrice bâti presque comme une enquête, mais dénuée de tout effet facile. En tentant de reconstituer les faits précis de cette soirée d’horreur, la jeune héroïne tente de se reconstruire elle-même. Et Alice Winocour évoque l’impossibilité de revenir en arrière, la rupture totale qu’un événement à ce point traumatique représente. Au fur et à mesure que les détails reviennent, tout ce qui a été la vie d’avant s’estompe pour disparaître.

Le mari impuissant, joué par Grégoire Colin, s’éloigne peu à peu, en même temps que le grand blessé joué par Benoît Magimel (décidément revenu au sommet) prend une place grandissante. Ce glissement se fait avec une délicatesse extrême. Délicatesse et pudeur : Alice Winocour marche sur le fil, mais ne glisse jamais, maintenant constamment cet équilibre de l’émotion, sans verser vers le larmoyant. Et avec quelques superbes idées narratives, comme cette visite en forme de retrouvailles devant les Nymphéas…

Revoir Paris est la première fiction inspirée par ces attentats du 13 novembre 2015. On pouvait raisonnablement craindre le pire, dans un cinéma français peu habitué à se pencher si tôt sur les traumatismes nationaux. Mais il y a une telle pudeur dans le traitement, et en même temps une telle envie de cinéma, que l’émotion qui s’en dégage, qui est immense (toujours le cœur serré au moment où j’écris ces lignes), n’est jamais mortifère.

Il y a une formidable soif de vie dans ce vie. Et la scène finale, dont je ne dirai rien ici, est d’une simplicité, d’une justesse et d’une beauté rares. Revoir Paris est extrêmement fort, mais c’est aussi un film qui vous réconcilie avec la vie, l’espoir et, oui, une certaine forme de légèreté.

Un homme à la hauteur – de Laurent Tirard – 2016

Posté : 18 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, EFIRA Virginie, FANTASTIQUE/SF, TIRARD Laurent | Pas de commentaires »

Un homme à la hauteur

Une belle blonde rencontre un homme qui serait parfait… s’il ne mesurait pas un mètre trente-six. Parti-pris décalé et séduisant pour cette comédie romantique par ailleurs très classique dans sa forme. Un parti-pris qui transforme le film en une sorte de fable maligne et sympathique sur l’acceptation de la différence, sur le regard des autres.

Virginie Efira est parfaite dans le rôle… Non, arrêtons là : Virginie Efira est parfaite, point. Elle est parfaite comme est l’est toujours, et je commence à réaliser que je suis incapable d’évoquer Virginie Efira sans tomber en pâmoison devant sa présence, sa profondeur, son intelligence de jeu, sa justesse tout simplement. Une actrice de la trempe de Vivien Leigh, dont on sait qu’elle va transcender chacun de ses rôles.

C’est donc le cas une nouvelle fois avec cette avocate brillante, belle, grande, charismatique, troublée par ses propres sentiments pour un homme à la taille d’enfant, tiraillée entre sa volonté de ne pas se plier au regard des autres, et le regard des autres. Tantôt intense, tantôt vaporeuse, elle est merveilleuse, émouvante dans cette salle de cinéma où son regard passe par tous les états, drôle lorsque ce même regard tombe pour la première fois, en deux temps, sur cet inconnu à la voix si pleine de promesse.

Jean Dujardin aussi est excellent, à la fois flamboyant et plein de failles, parfait dans le rôle de cet homme trop petit, mais tellement digne comme en témoigne son fils. Une sorte de symbole de la différence, du handicap. Et qu’importe si les trucages, mélange de simples jeux de caméra et de mise en scène, et de rares effets spéciaux (à la manière du Seigneur des Anneaux) sont un peu approximatifs, voire carrément voyants (on jurerait que Dujardin danse à genoux), on croit à cette différence de taille. Magie du cinéma…

Charmante comédie romantique donc, que Laurent Tirard réalise plutôt joliment, créant quelques belles scènes d’atmosphère (Viriginie Efira entrant dans une pièce sombre entourée par un halo de lumière et de brume) et de beaux moments de comédie. Mais à l’opposée de Contre-enquête, Un homme à la hauteur est nettement mieux réalisé qu’il n’est écrit. C’est même là que le bât blesse : dans une écriture qui frôle souvent la caricature, ou la bien-pensance. Pas de quoi gâcher le plaisir procuré par les acteurs.

Contre-enquête – de Franck Mancuso – 2007

Posté : 17 octobre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, MANCUSO Franck | Pas de commentaires »

Contre-enquête Dujardin

On s’attend toujours à être secoué par un film évoquant la mort d’un enfant. En guise se secousses, on se contente de légers frémissements dans ce premier polar réalisé par Franck Mancuso. Surtout connu pour être le scénariste de 36 quai des Orfèvres, le film d’Olivier Marshall, Mancuso est clairement plus à l’aise pour imaginer une histoire dense et tortueuse que pour la mettre en scène.

Réalisé par un cinéaste plus chevronné, Contre-enquête aurait pu être un excellent film. Sur le papier, il a tout ce qu’il faut pour cela : l’histoire de ce flic ravagé par la mort de sa fille est plutôt bien écrite, privilégie l’introspection à l’action, et réserve un retournement final que, franchement, on ne voit pas arriver. C’est même assez passionnant de voir ce père détruit entretenir une liaison épistolaire avec l’homme qui a été condamné et emprisonné pour le meurtre de sa fille, et qui finit par se convaincre de son innocence.

Et puis il y a Jean Dujardin, pour qui ce film constitue une nouvelle étape charnière, juste après le premier OSS 117. Même s’il était déjà apparu dans un polar très noir et réussi (Le Convoyeur), c’est la première fois qu’il porte sur ses épaules un film aussi sombre, avec un personnage aussi troublé. Et il se révèle, déjà, d’une grande intensité et d’une grande justesse. L’acteur habité d’Un balcon sur la mer ou Möbius est déjà là.

Mais ça ne suffit pas, hélas. D’abord parce que tous les acteurs ne sont pas de la trempe de Jean Dujardin. Laurent Lucas est troublant en meurtrier présumé, Aurélien Recoing parfait en flic empathique. Mais beaucoup de seconds rôles sont pour le moins approximatif (mon dieu, la plaidoirie de l’avocat!), et surtout, Mancuso se révèle incapable de filmer convenablement un dialogue lambda.

Mancuso peine à donner du rythme à son film. Dans la première partie surtout, où tout semble faux, pas dans le ton. C’est bien dommage, parce que quelques belles images nocturnes, ou quelques plans sur le visage hanté de Dujardin laissent imaginer ce qu’aurait pu être le film entre les mains d’un cinéaste plus doué : autre chose que ce petit polar prenant et souvent plaisant, mais aussi maladroit et très frustrant.

El Buen Patrón (id.) – de Fernando León de Aranoa – 2021

Posté : 16 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, DE ARANOA Fernando León | Pas de commentaires »

El buen patron

Il serait parfaitement heureux, ce patron paternaliste, si des petits riens ne venaient pas gâcher la perfection qu’il mérite pourtant si fort… Parce que c’est quand même un type très bien : un patron qui aime ses employés comme ses propres enfants, un ami fidèle et dévoué, un bon mari qui s’autorise quelques liaisons parce qu’il en a bien le droit, juste pour ça. Bref, un type parfait. A ses propres yeux.

El Buen Patrón, comédie cynique et réjouissante, fait de ce patron plus que le personnage central : le véritable narrateur. Et comme il a les traits de Javier Bardem, et que l’acteur prend visiblement un plaisir fou à incarner ce personnage, eh bien le plaisir est totalement communicatif. Pas toujours aisé, encore moins politiquement correct, mais communicatif. Il est très drôle, Bardem, lorsqu’il affiche ce sourire complice et compréhensif alors que toute son existence ne tourne qu’autour d’une obsession : se débarrasser de tout ce qui vient troubler son existence.

Et c’est quand il s’apprête à être récompensé pour l’excellence de son entreprise que les emmerdes s’accumulent. Un employé gênant qu’il a écarté se met à manifester et à camper à l’entrée de la boîte. La jeune et jolie stagiaire qu’il met dans son lit s’avère être la fille d’un proche coupe d’amis. Et ce subalterne qu’il considère comme son meilleur ami depuis toujours finit par confronter sa propre vision de leur amitié avec la sienne. Et non, ça ne colle pas.

Fernando León de Aranoa filme ce qui ressemble à une véritable descente aux enfers, avec une ironie irrésistible, et avec des changements de tons parfois assez radicaux. Entre la farce frôlant avec le burlesque, et la critique sociale souvent acide voire violente, le film réussit à trouver un équilibre assez miraculeux, évitant constamment de sombrer de l’un ou l’autre côté. Jusqu’à la fin, immaculée et profondément cynique, et ce sourire d’un Bardem franchement grand.

First Cow (id.) – de Kelly Reichardt – 2019

Posté : 15 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, REICHARDT Kelly, WESTERNS | Pas de commentaires »

First Cow

La première scène de First Cow a l’air totalement anodine, voire inutile. De nos jours, une promeneuse découvre au bord d’une large rivière les ossements de deux personnes, gisant côte à côte à quelques centimètres de profondeur… Rien de plus, si ce n’est ce gros bateau qui descend lentement le long du cours d’eau. Elle n’a l’air de rien cette introduction, suivie aussitôt du « vrai » début du film, pas loin de deux siècles plus tôt dans l’Oregon des pionniers.

Elle n’a l’air de rien, mais elle pèse constamment sur ce beau film de Kelly Reichardt, nous glissant bien plus que la fin tragique promise aux personnages principaux : avec ce gros bateau lancé dans une course lente mais inarrêtable, et avec ce paysage dont on réalisera tardivement qu’il a beaucoup évolué en 200 ans, c’est comme si la cinéaste nous faisait toucher du doigt le temps lui-même et le côté inéluctable voire anecdotique des événements.

La cinéaste sait comme personne filmer le temps qui s’étire, et rendre perceptible le sentiment de toute puissance de la nature, ou de l’environnement. La rencontre des deux personnages principaux est toute auréolée de ces deux aspects. Elle se déroule dans une forêt sombre et humide, loin des décors habituels du western, genre dont la réalisatrice ne garde à peu près rien des codes. Et ce sont deux individus dont on ressent profondément l’immense solitude qui se trouvent. Littéralement.

Cookie le cuisinier un peu paumé, et King-Lu le Chinois en quête de fortune, n’ont a priori rien en commun si ce n’est d’être livrés à eux-mêmes dans un environnement particulièrement hostiles. Ensemble, ils vont d’abord rompre leur solitude, et puis rêver d’un lendemain plus heureux, qu’ils pensent toucher du doigt lorsque le miracle se produit : l’arrivée d’une vache dans la propriété d’un homme riche et puissant. La première vache de l’État, que les deux hommes commencent à traire en cachette la nuit, pour confectionner des gâteaux que les colons s’arrachent bientôt.

La beauté du film, tiré d’un roman de l’éternel complice de Kelly Reichardt Jonathan Raymond, repose avant tout sur l’humanité que sait capter la cinéaste, et sur sa manière de donner corps à son décor, cet Oregon du début du XIXe siècle que l’on a le sentiment de découvrir tel qu’il était, grâce à un extraordinaire sens du détail. Ni héroïsme ni spectaculaire dans ce western, mais une tension constante, et surtout une manière de filmer l’amitié et l’espoir, la peur et la fatigue. Superbe.

Samouraï, vol. 2 : Duel à Ichijôji (Zoku Miyamoto Musashi : Ichijôji no Kettô) – de Hiroshi Inagaki – 1955

Posté : 8 octobre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, INAGAKI Hiroshi | Pas de commentaires »

Duel à Ichijoji

Le ton a changé : Takezo lui-même, désormais appelé Musashi Miyamoto, est devenu un autre, moins chien fou, presque apaisé, mais pas encore sage. Il est plus posé en tout cas, et le rythme que donne Hiroshi Inagaki à cette première suite de La Légende de Musashi suit cette évolution : l’intrigue est plus resserrée, moins folle, mais tout aussi passionnante.

A vrai dire, cette intrigue se résume assez facilement à un affrontement, un duel que recherche le héros face au maître d’une école renommée, et que les élèves de ce dernier ne cessent de retarder en trompant Musashi. Rien de plus, rien de moins, ou presque. Au fil de ces rendez-vous manqués, sans en avoir l’air, Musashi verra ses certitudes éprouvées, modifiées, bouleversées.

Tous les combats, et ils sont nombreux, sont traités avec une inventivité et une science du mouvement absolument magnifique. L’histoire est violente bien sûr, avec des morts innombrables. Pourtant, tout le film repose sur l’attente, l’idée de cette violence, et pas sur sa représentation ou sa mise en image.

Très souvent d’ailleurs, cette violence est hors champs : c’est le cas du tout premier combat, à la tension extrême, tout en observation jusqu’à ce qu’un mouvement soudain pousse les deux protagonistes en dehors du champs de la caméra, juste le temps de frapper le coup mortel.

La violence peut même être littéralement effacée par une ellipse audacieuse : un autre combat, entre Musashi et le frère du maître qu’il veut affronter, n’est filmé que dans ses prémisses, avant que l’on découvre l’issue avec un plan du perdant amené mort à son frère.

Toshiro Mifune, moins chien fou mais toujours aussi intense, incarne parfaitement la dualité de cet homme désireux de s’élever au-dessus de la simple condition humaine en consacrant sa vie au sabre, et la femme qu’il aime, Otsu, petit minois de tragédienne décidément craquant.

Les femmes sont d’ailleurs très présentes autour de lui : trois prétendantes, qui apparaissent toutes comme des femmes martyrs victimes des désirs guerriers des hommes. Hiroshi Inagaki se montre en revanche nettement plus cruel avec les figures de mères. Il y en a deux, toutes deux horribles : l’une prête à pousser son fils au crime et à la tromperie, l’autre abandonnant sa fille après l’avoir poussée dans les bras et le lit d’un riche prétendant.

La vision de l’humanité n’est d’ailleurs guère reluisante, et tranche radicalement avec la nature qui, elle, semble plus belle et spectaculaire encore que dans le premier film. Moins hostile en tout cas, plus protectrice, jusqu’à devenir le décor d’un rêve éveillé qui ne peut durer. En tout cas pas avant le troisième et dernier film de la trilogie. Vite… la suite.

* Voir aussi La Légende de Musashi et La Voie de la lumière

Samouraï, vol. 1 : La Légende de Musashi (Miyamoti Musashi) – de Hiroshi Inagaki – 1954

Posté : 7 octobre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, INAGAKI Hiroshi | Pas de commentaires »

La Légende de Musashi

C’est une sacrée année que vit Toshiro Mifune en 1954 : à peine sorti des Sept Samouraïs (un obscur petit film que je vous encourage à découvrir!), le voilà qui enchaîne avec ce premier volet d’une trilogie, adaptation d’un roman inspiré de la vie d’un célèbre guerrier japonais.

Ce premier volet s’inscrit déjà dans un vrai parcours, avec une évolution passionnante du personnage principal : Takezo, jeune villageois un peu fruste qui décide de partir faire la guerre pour pouvoir revenir chez lui couvert de gloire et entouré de serviteurs. Un jeune homme fougueux aussi, à qui Mifune apporte une intensité impressionnante, véritable boule d’énergie et de fureur qui ne demande qu’à exploser.

Mais le destin prend un malin plaisir à confronter Takezo à l’échec et à la frustration, à l’image de cette bataille filmée à l’économie, dont on ne voit guère qu’une déroute à laquelle notre héros assiste avec rage. Filmée à l’économie donc, mais impressionnante tout de même. Hiroshi Inagaki choisit le plus souvent des plans fixes et soigneusement composés, qui rappellent constamment la place de l’homme dans son environnement, nature splendide mais peu accueillante qu’il filme en décors naturels ou en studio avec la même recherche esthétique.

Des cadrages très travaillés, des couleurs puissantes qui marquent la rétine, une nature constituée d’obstacles omniprésents… Une splendeur, visuellement, qui ne cesse de se renouveler et d’évoluer au fil du voyage (physique et intérieur) de Takezo, au fil de ses rencontres avec un moine qui paraît bien cruel et inflexible d’abord, et au fil de sa relation avec la jolie Otsu, on assiste au passage de la révolte à la sagesse.

Formellement, c’est une splendeur, qui n’oublie jamais d’être spectaculaire : les scènes d’action, nombreuses et inventives, mettent parfaitement à profit l’impressionnante présence de Toshiro Mifune. Et c’est surtout beau et émouvant, premier acte passionnant d’une trilogie dont il me tarde désormais de voir la suite.

* Voir aussi Duel à Ichijoji et La Voie de la lumière

Les Mois d’avril sont meurtriers – de Laurent Heynemann – 1987

Posté : 6 octobre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, HEYNEMANN Laurent | Pas de commentaires »

Les Mois d'avril sont meurtriers

Vu il y a bien longtemps, ce polar m’avait laissé une forte impression, qui se confirme largement à la revoyure. Les Mois d’avril sont meurtriers, adapté d’un roman de Robin Cook, est moins un film policier classique que le portrait assez envoûtant d’un homme qui surnage : un flic, joué par un Jean-Pierre Marielle impérial, qui tente de surmonter la mort de sa fille grâce à son boulot.

Il est grand, Marielle, dégageant une émotion immense en ne l’affichant jamais : digne, presque monolithique, y compris dans sa manière de parler à sa fille disparue dans une voix off qui rythme le film. Un homme dont les fantômes font partie intégrante de sa vie, et qu’il n’affronte qu’à distance : sa femme internée dans un asile et à qui il se contente de rendre des visites muettes, et sa fille dont il ne fleurit la tombe que par l’intermédiaire du gardien du cimetière.

C’est un polar, avec meurtres sordides et recherche de meurtrier, mais ce n’est clairement pas ça qui intéresse Heynemman et son coscénariste Bertrand Tavernier, dont il fut longtemps l’assistant avant de passer derrière la caméra. Le film, à vrai dire, se concentre largement sur le face à face étonnant et fascinant entre le flic et le suspect dont il se persuade bientôt qu’il est l’assassin, joué par un très suave Jean-Pierre Bisson.

Etonnant duo, formé par un suspect qui semble sortir de sa torpeur grâce à ce flic qui le harcèle, et par le policier qui lui s’enferme peu à peu dans des tourments internes qu’il cherche à maintenir à distance. Et auxquels Heynemman donne une forme fascinante : les grands décors vides dans lesquels Marielle se retrouve souvent seul, entouré de vastes surfaces monochromes et de formes géométriques sans aspérités.

Ce décor rend palpable la douleur et la profonde solitude que n’affiche pas le flic Marielle. Il fait des Mois d’avril sont meurtriers un polar qui ne ressemble à aucun autres, dérangeant et fascinant, et passionnant.

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