Lady Paname – de Henri Jeanson – 1950
Immense dialoguiste, Henri Jeanson passe à la mise en scène avec ce Lady Paname. Ça peut faire peur : Michel Audiard, grisé par ses succès, se perdra en passant derrière la caméra, oubliant qu’un scénario, aussi génial puisse-t-il être, n’est pas grand-chose sans la vision d’un cinéaste. Mais surprise. Pour ce qui restera une expérience unique dans l’impressionnante filmographie de Jeanson, cette fantaisie prenant pour décor le Paris bohème des années 1920 est une vraie bulle de plaisir.
Les dialogues, bien sûr, sont brillants. C’est le moins qu’on pouvait attendre du scénariste des Amoureux sont seuls au monde, sommet de la collaboration entre Jeanson et Louis Jouvet. Mais formellement, le film est également très réussi. Presque parfait même, s’il n’y avait dans la première partie du film ce dialogue hostile platement filmé en une série brutale de champs-contrechamps entre Suzy Delair et Henry Guisol, ce compositeur qu’elle déteste si fortement que ça ne peut pas être autre chose que de l’amour.
Mais à part ce très court passage raté, un détail, Lady Paname est un film d’une maîtrise impressionnante. Oh ! Il n’a rien de tape à l’œil : le film est une bluette, une fantaisie, un tourbillon de vie et de passions où les destins se croisent et s’entrechoquent dans le décor fascinant des coulisses d’un music-hall autours desquelles tous les personnages évoluent.
A commencer par Suzy Delair donc, jeune chanteuse piquante et irrésistible, propulsée par le fruit du hasard (ou du destin) tête d’affiche, au même titre qu’un vieux beau touchant interprété par l’excellent Raymond Souplex. Et son « ange gardien », réjouissant Louis Jouvet, fidèle d’entre les fidèles de Jeanson, qui réussit à être extrêmement juste et fin en en faisant des tonnes, grandiose en jouisseur qui réussit à convaincre sa femme que c’est lui rendre hommage que de flirter avec une jeunette qui a la beauté de ses vingt ans.
C’est vif, joyeux, plein de vie, souvent drôle, avec une émotion qui surgit parfois sans qu’on s’y attende, comme lors de ce déchirant « Je ne t’aime pas » autour duquel tout semble s’arrêter, et où le cœur se serre soudain. Pas pour longtemps : rien ne peut être vraiment tragique dans ce Paris joliment fantasmé décidément plein de vie.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.