La Chatte – de Henri Decoin – 1958
Comparer La Chatte à L’Armée des ombres est évidemment tentant. Parce que les deux films mettent en scène un réseau de la Résistance bien organisé et n’hésitant pas à se salir les mains, loin de l’héroïsme trop facile que retient volontiers la mythologie. Et parce que le film de Decoin et celui de Melville se concluent sur des scènes étonnamment similaires.
La Chatte n’a toutefois pas le réalisme extrême du film de Melville. Il y a là une vérité indiscutable cela dit : Decoin filme le drame qui se noue au plus proche des personnages et de leurs tourments. Mais beaucoup plus que Melville, il s’autorise un recours à des artifices purement cinématographiques assez ambitieux.
On retiendra notamment l’étonnante partition sonore de Joseph Kosma. On hésite même à utiliser le mot « musique », tant le compositeur habituellement si romanesque livre ici une composition quasi-expérimentale, avant-gardiste en tout cas, qui relève d’avantage de l’atmosphère sonore que de la bande originale classique. Cinq ans avant Les Oiseaux, on n’est pas si loin du travail qu’y mènera Bernard Herrmann.
Le film de Decoin a d’ailleurs avec celui d’Hitchcock un autre point commun : celui de centrer son histoire sur une jeune femme au regard troublant, plongée dans une violence qui la dépasse. La veuve d’un résistant en l’occurrence, qui a assisté impuissante à la mort de son mari dans une séquence inaugurale brillante et glaçante, avant de prendre sa place au sein de la Résistance, d’abord pour une mission à hauts risques.
Cette mission, le vol de documents secrets dans un site très sécurisé, est un autre très grand moment de cinéma, admirablement mis en scène dans un décor de studio restreint mais formidablement utilisé : le recoin d’une rue sans charme, qui devient un lieu central où l’on assiste, ou « d’où » l’on assiste au drame qui se noue.
Dans le rôle central de « la chatte », cette jeune femme devenue malgré elle figure de la Résistance, mais qui tombera amoureuse d’un officier allemand se faisant passer pour un journaliste suisse, Françoise Arnoul dévore l’écran, émouvante et sexy en diable : un cocktail que Decoin va passer une grande partie du film à mettre en valeur. Il le fait tantôt avec sensibilité, tantôt avec un rien de complaisance (la scène de la palpation). L’actrice est en tout cas troublante et parfaite dans ce rôle.
Librement inspiré d’une histoire vraie, La Chatte est un beau film. Imparfait, certes, mais rempli de grands moments de cinéma, de bons seconds rôles (il y a Bernard Blier, alors…), de suspense et d’émotion. Pas L’Armée des ombres, non, mais passionnant à plus d’un titre.
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