Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour juin, 2022

Little Big Man (id.) – d’Arthur Penn – 1970

Posté : 16 juin, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, PENN Arthur, WESTERNS | Pas de commentaires »

Little Big Man

Avec ses trois westerns, Arthur Penn a imposé un ton très personnel, qu’il n’a cessé de radicaliser. Douze ans après Le Gaucher (son tout premier film) et six ans avant Missouri Breaks, Little Big Man est le plus ample des trois : une grande fresque mi-rigolarde, mi-tragique, qui offre un regard nouveau sur à peu près tout ce qui fait la légende de l’Ouest.

Le film commence de nos jours (en 1970, donc). Dans ce qui doit être une maison de retraite, un journaliste interroge un très vieux résident qui affirme avoir 121 ans, et être l’unique survivant blanc de la bataille de Little Big Horn. La caméra braquée sur son visage raviné par des rides profondes, il raconte… Début d’un long flash-back, fait d’épisodes successifs (et chronologiques) de la jeunesse de Jack Crabb.

A travers ces épisodes, ce sont autant d’aspects de la mythologie de l’Ouest qui sont évoqués. On découvre d’abord le héros âgé d’une dizaine d’années, seul survivant avec sa sœur d’une famille d’immigrés massacrée par des Indiens, et bientôt recueilli par d’autres Indiens plus amicaux. Dès cette première séquence, le ton adopté par Penn surprend : à la violence extrême de la situation, le cinéaste oppose une ironie et un humour décalé qui maintiennent constamment une certaine distance.

Il ne se départira jamais de cette distance, qui semble être celle du temps qui a poli les souvenirs du vieux Crabb. Dustin Hoffman en est un interprète idéal, parfaite incarnation d’un anti-héros qui traverse l’histoire en marche, toujours bien présent, mais toujours un peu à la marge, toujours d’avantage témoin qu’acteur, toujours étranger : blanc au regard des Indiens, Indien au regard des blancs…

Ni vraiment lâche, ni vraiment courageux, il renonce à son destin de fine gâchette en se comparant à un Wild Bill Hickock trop à l’aise avec la violence. Il assiste sans rien tenter au massacre d’un village indien. Il pousse incidemment un Custer imbu de lui-même vers ce qui sera le tombeau d’une certaine illusion américaine. Au fil de son incroyable vie, Crabb ne cesse d’être ballotté par l’histoire et les rencontres qui l’aident à perdre toutes ses illusions (Faye Dunaway, incroyable en épouse nymphomane d’un prêcheur puritain).

Little Big Man est un film monumental par ce qu’il raconte, et pourtant modeste dans l’esprit. Un peu à l’image de l’interprétation qu’en fait Dustin Hoffman d’ailleurs. Avec ce mélange d’humour et de gravité, avec cette histoire pleine de sangs et de cadavres racontée avec beaucoup de recul, Arthur Penn évite l’émotion facile, et regarde la mythologie américaine avec une honnêteté qui dit aussi beaucoup de l’Amérique de la fin des années 60 et du début des années 70, bousculée par les luttes sociales et les scandales politiques.

Le Démon des armes (Gun Crazy) – de Joseph H. Lewis – 1949

Posté : 15 juin, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LEWIS Joseph H. | Pas de commentaires »

Le Démon des armes

Il a plutôt un bon fond, Bart, depuis qu’il est tout petit. Mais allez savoir pourquoi, il a toujours eu un penchant très appuyé pour les armes. Les lance-pierres quand il était gosse, puis la carabine que lui a offerte sa sœur, et puis les pistolets, qu’il ne pouvait s’offrir, et qu’il a fini par voler dans la vitrine d’un armurier. C’est la scène d’ouverture, d’une beauté et d’une puissance assez exceptionnelles.

Mais quand même, il a toujours un bon fond, Bart. Après la maison de correction, après l’armée, il retrouve ses amis d’enfance avec l’envie de s’installer, et de mener une vie normale et rangée. Mais il y a toujours cette passion des armes. Alors quand il rencontre la belle Annie Laurie, tireuse d’élite dans un cirque, c’est le coup de foudre, la rencontre de deux doubles qui s’attirent et qui ne tardent pas à prendre la route ensemble.

La belle ne le cache pas : « je ne suis pas bonne, je ne l’ai jamais été ». Mais lui s’en moque, et il se laisse entraîner dans une virée sans retour. Entre eux, c’est de la dynamite. Une passion dévorante et explosive. Littéralement. « We go together, Annie. I don’t know why. Maybe like guns and ammunition go together. »

Comme Phil Karlson, Joseph H. Lewis est un maître de la série B noire, brillant, mais que la postérité n’a pas élevé au niveau qu’il mérite. Gun Crazy est l’un de ses très, très grands films. La seule séquence d’ouverture suffit à confirmer définitivement le sens visuel du gars, la puissance de son style, complètement au service de la narration, de l’immersion du spectateur.

Lewis ralentit le rythme ou l’accélère en fonction des émotions, de l’excitation ou de la peur de ses personnages principaux, précurseurs de Bonnie et Clyde. Particulièrement de Bart, à qui John Dall (le cynique et morbide interprète de La Corde) apporte un mélange d’assurance, de fragilité et de fièvre. C’est son point de vue à lui que privilégie Lewis, faisant du personnage de Peggy Cummings, superbe, à la fois un symbole de la pureté de la jeunesse et de danger.

La séquence du braquage meurtrier est particulièrement réussie, parce que la caméra ne s’attarde que sur ce que Bart voit vraiment. La peur, le danger, la vitesse, l’excitation, mais pas la mort, qu’il ne découvre ou dont il n’accepte vraiment l’idée que bien plus tard, lorsqu’il a le temps de se poser des questions sur lui-même.

Tout est beau dans ce film serré et implacable, comme une spirale infernale ou comme un rêve éveillé qui conduit, comme il se doit, dans une sorte d’entre-deux baigné de brume, conclusion presque surnaturelle qui rapproche ce film noir du conte. Morbide et romantique.

De sang froid (In cold Blood) – de Richard Brooks – 1967

Posté : 14 juin, 2022 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, BROOKS Richard | Pas de commentaires »

De sang froid

Le livre est un chef d’œuvre, bien sûr. Le film est pas mal non plus. Richard Brooks, grand cinéaste, réussit le prodige de signer une adaptation très fidèle dans l’esprit et dans la forme au livre de Truman Capote (ce dernier a d’ailleurs participé au scénario), et dans le même temps un film qui existe par lui-même, avec ses propres parti-pris.

C’est flagrant dans la première partie, où Brooks choisit un montage parallèle qui met en perspective les retrouvailles entre les deux futurs tueurs et le quotidien de la famille qu’ils vont décimer. Ce parti-pris fait monter la tension jusqu’à l’insoutenable (Brooks n’élude pas les règles du film de genre), et rend surtout palpable l’humanité de tous les protagonistes. Humanité bienveillante pour la famille Clutter, humanité troublante et même dérangeante pour Perry et Dick, qui préparent leur horrible crime avec un naturel glaçant.

Avec le rôle du journaliste joué par Paul Stewart, Brooks adopte ce qui était le point de vue de Truman Capote : celui de l’écrivain qui se transforme à l’occasion d’un terrible fait divers en enquêteur des âmes. L’histoire est tirée d’une tuerie bien réelle : le meurtre de quatre membres d’une même famille par deux jeunes hommes, crime hallucinant commis sans haine apparente, et pour un profit minable. Les raisons du crime, sa description quasi-clinique, et surtout ses effets sur la communauté qui en a été le théâtre, sur les enquêteurs et sur les tueurs eux-mêmes… Capote disséquait ce fait divers et en faisait un grand livre sociétal.

Brooks prend le même chemin, en allant parfois plus loin encore. Tout en utilisant les artifices du 7e Art, il tend vers un cinéma vérité radical, tournant dans la maison où a vraiment eu lieu le crime, ainsi que dans l’authentique salle de tribunal où s’est déroulé le procès, offrant leurs propres rôles à plusieurs jurés du procès et au bourreau notamment, ne filmant qu’avec les lumières naturelles… d’où une impression claustrophobique étouffante dans la cave, avec un réalisme poisseux qui annonce avec des années d’avance Le Silence des Agneaux.

La construction du film est elle aussi formidable, toute en ellipses brutales (le soir du crime, l’arrestation), qui mènent inexorablement vers cette scène de tuerie autour de laquelle tout le film s’articulait, sans jamais en rien montrer jusqu’à l’arrestation des deux protagonistes joués par Robert Blake et Scott Wilson, deux jeunes acteurs formidables qui donnent corps à ces monstres pathétiques. La séquence de la tuerie, à la froideur clinique, est glaçante et pathétique. Elle laisse une amertume dont on a bien du mal à se débarrasser. Grand film.

Polar (id.) – de Jonas Akerlund – 2019

Posté : 13 juin, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, AKERLUND Jonas | Pas de commentaires »

Polar

Encore tout enthousiasmé par Drunk et Mads Mikkelsen, révélation bien tardive pour moi, j’enchaîne avec ce que j’ai sous la main, en l’occurrence une production Netflix aux antipodes, que le grand Mads a tourné juste avant le film de Vinterberg. Quelques points communs, quand même : dans les deux films, il interprète un homme taiseux à la croisée des chemins, et dans les deux cas il y dévoile ses immenses qualités d’acteur physique.

Voilà pour les points communs. Pour le reste, c’est le grand écart. Adaptaté d’un webcomic espagnol apparemment culte (je confesse une inculture absolue sur le sujet), réalisé par un Suédois surtout connu pour ses clips, le film affiche une hyperviolence totalement décomplexée et un mauvais goût assumé et assez extrême. Pour faire simple, Polar serait une sorte de rencontre improbable entre Reservoir Dogs (pour la violence brute), Hudson Hawk (pour l’humour régressif et les méchants caricaturaux) et John Wick (pour l’action pure coupée de tout réalisme).

Que ce soit assumé et décomplexé ne rend pas le film moins con et moins désagréable pour autant. Parce qu’il l’est, avec une misogynie hallucinante et une complaisance pour la violence comme on n’en a pas si souvent vu. Tout ça pourrait faire rire, même d’un rire jaune et crispé, mais même pas. Jonas Akerlund donne l’impression d’inventer son film au fur et à mesure, selon l’humeur du jour. Alors il oscille entre un ton très comics noir à la Sin City, et une noirceur plus ancrée dans la réalité, entre la farce solaire et le drame glacial. Une constante, hélas : la complaisance.

Au cœur de cette chose assez pénible, une confirmation aussi, et quand même : Mads Mikkelson est grand. Lui est formidable, réussissant à glisser une humanité et une drôlerie à un personnage hyper violent et d’une noirceur insondable. Il fallait le faire.

Drunk (Druk) – de Thomas Vinterberg – 2020

Posté : 12 juin, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, VINTERBERG Thomas | Pas de commentaires »

Drunk

J’entre dans Drunk avec un peu de réserves sur l’approche esthétique de Thomas Vinterberg. J’en sors galvanisé, enivré même, sans vouloir faire de jeu de mot tout pourri, emporté par la justesse du ton, par sa liberté aussi, par l’intensité de Mads Mikkelsen dans tous les registres, et par l’extraordinaire séquence finale, sublime point d’orgue d’un film à la fois sombre et euphorisant.

Tout part d’une curieuse théorie, selon laquelle il manquerait à l’homme 0,5 gramme d’alcool par litre de sang pour être en pleine possession de ses moyens. Une théorie évoquée comme ça à l’occasion d’un repas entre amis, que l’un des convives décide illico de tester. Qu’a-t-il à perdre, lui qui vit depuis des années comme un zombie, étranger à lui-même et à ceux qui l’entourent ?

Et ça marche, le prof bordélisé, mari et père de famille rasoir, redevient rapidement l’homme plein de vie et de folie qu’il était autrefois. Ses amis décident de le suivre dans ce qu’ils voient comme une expérience sociale. Et de pousser l’expérience un peu plus loin, jusqu’à flirter dangereusement avec l’alcoolisme le plus dévastateur.

L’alcoolisme fait des ravages, c’est un fait que le film de Vinterberg n’élude pas. Mais mieux vaut ne pas y chercher de dimension moralisante : l’alcool est aussi (surtout ?) filmé dans son aspect festif et désinhibiteur. A vrai dire, Vinterberg se moque bien du politiquement correct ou de délivrer un quelconque message pro ou anti alcool.

A vrai dire, toujours, l’alcool n’est pas le sujet du film, même s’il est omniprésent, occupant même une place de plus en plus importante à l’écran, dans l’action, et dans l’esprit des personnages. Le vrai sujet, c’est la difficulté à être, et surtout à rester soi-même. Les quatre personnages principaux sont des quadragénaires bien installés, chacun à leur manière, dont les rêves sont derrière eux, et qui n’ont pas su garder la folie de leur jeunesse.

Avec sa caméra très libre, Vinterberg filme au plus près des visages, révélant les failles béantes et les souffrances de ses personnages. Mikkelsen est extraordinaire dans le rôle de cet homme éteint et conscient de l’être, un fantôme plein de douleur qui se réveille à la vie grâce à cette « expérience », avant de sombrer dans une autre forme d’oubli. C’est tout à la fois déchirant, drôle, tragique, ironique, mais toujours vrai, et toujours sensible.

Sensible, comme cette manière de s’intéresser à des personnages un peu paumés : un gamin binoclard constamment sur la touche des matchs de football, un étudiant rongé par la peur d’échouer, un père débordé par sa famille, un quadra plein de regrets… Il y a là de la vie, des sentiments, de la cruauté aussi, et une empathie constante.

Et il y a cette ultime séquence, musicale, courte mais euphorisante, portée par une caméra soudain virtuose, et par un Mads Mikkelsen hallucinant dont on réalise à quel point il est aussi un acteur physique d’une intensité folle. Avec lui, on sort de ce film plein de vie, plein d’envie.

Le Mur du son (The Sound Barrier) – de David Lean – 1952

Posté : 11 juin, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, LEAN David | Pas de commentaires »

Le Mur du son

David Lean qui s’enflamme pour l’univers des pilotes d’essai ? Le postulat semble improbable, tant on garde l’image d’un cinéaste dont les œuvres les plus célèbres sont portées par la lenteur. C’est oublier un peu vite que Lean n’a pas toujours été ce réalisateur des grandes fresques contemplatives, que ses débuts ont été marqués par l’univers pas si éloignés de la marine (Ceux qui servent en mer), et qu’il aimait aussi passer d’un univers à l’autre.

Entre deux formidables adaptations de Dickens (Oliver Twist et Great Expectations) et l’ère des grands voyages (inaugurée avec Vacances à Venise), Lean tourné une poignée de films un peu oubliés, mais qui confirment l’étendue de son talent, du dramatique Madeleine à la comédie Chaussure à son pied. Le Mur du son, le plus méconnu peut-être de ses films, est à la fois inattendu et très leanien.

La plus belle idée du film, c’est d’avoir privilégié le point de vue d’une femme (Ann Todd, déjà à l’affiche des Amants Passionnés et de Madeleine), fille, sœur et épouse de pilotes, qui ne comprend pas les motivations de ces hommes qu’elle aime pourtant. Ce regard perplexe (au mieux) donne un relief particulier aux relations entre le riche patriarche Ralph Richardson et son fiévreux beau-fils Nigel Patrick, tous deux excellents.

Ce n’est évidemment pas Top Gun, ce n’est pas non plus Les Ailes (référence incontournable du film d’aviation), mais les séquences aériennes sont particulièrement réussies. Sans grands effets spectaculaires, mais en choisissant de filmer les exploits aériens au plus prêt des visages, Lean crée habilement la tension, chaque séquence aérienne enrichissant la suivante.

Sans doute ces séquences ont-elles moins intéressées le cinéaste par elles-mêmes que par les thèmes qu’elles trimballent : l’obsession de pilotes qui mettent sciemment leur vie sur la balance pour être les premiers à franchir cette barrière du son, ultime saut dans l’inconnu pour ces pionniers tardifs de l’aéronautique. En tout cas jusqu’au prochain saut vers l’espace, que les dernières images annoncent comme une étape logique et incontournable, parce que l’homme est fait pour se confronter à l’inconnu. Et si ça, ce n’est pas un thème leanien…

L’équipée sauvage (The Wild One) – de László Benedek – 1953

Posté : 10 juin, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, BENEDEK Laszlo | Pas de commentaires »

L'Equipée sauvage

Ah ! Brando tout de cuir vêtu, les lunettes de soleil sur le nez, le cul sur sa moto… Une image 100 % mythique, de celles qui font la grandeur d’Hollywood. Fut un temps où des tas d’ados avec un poster du genre dans sa chambre, souvent sans même avoir vu le film, qui a toujours été considéré comme très inférieur aux grands chefs d’œuvre auxquels on associe le génie de Brando immédiatement, Un tramway nommé Désir et Sur les Quais.

L’équipée sauvage a été tourné à mi-chemin entre les deux films d’Elia Kazan. Et s’il n’a pas tout à fait la même puissance, le film est assez fort. Et loin de l’image assez stéréotypée à laquelle son imagerie tout-cuir le réduit trop facilement, il frappe surtout par la bienveillance de son regard. Qu’il filme les habitants de cette petite ville à l’ancienne très attachée à sa tranquillité, ou cette bande de motards un peu écervelés, László Benedek ne verse jamais dans le jugement facile, et encore moins dans le manichéisme primaire.

La relation entre Marlon Brando, chef de bande un peu fatigué, et Lee Marvin, frère ennemi d’une bande rivale, est réjouissante, et illustre bien la bienveillance et la justesse du regard de Benedek : ces deux là sont constamment prêts à s’entre-tuer, mais on sent pourtant tout aussi bien les sentiments fraternels et presque tendre qui les unissent.

Le film appartient à son époque. Deux ans avant La Fureur de Vivre, il symbolise une autre forme de la jeunesse mal dans sa peau et dans son Amérique. Il rappelle d’ailleurs que James Dean, qui incarne pour l’éternité cette jeunesse rebelle à l’autorité, est arrivé après Marlon Brando, pour qui il ne cachait pas son admiration. Brando, le gros dur qui ne sait pas laisser transparaître sa fragilité… La fin du film, sans parole, tout en regards, est un très joli moment de cinéma.

The Nice Guys (id.) – de Shane Black – 2016

Posté : 9 juin, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, ACTION US (1980-…), BLACK Shane | Pas de commentaires »

The Nice Guys

On connaît par cœur la recette du buddy movie, et ce n’est pas Shane Black qui l’a inventée. Certes. Mais il lui a quand même donné quelques-uns de ses fleurons : L’Arme fatale (son premier scénario), Le Dernier Samaritain (sa première production), Au-revoir à jamais (son premier bide), et Kiss Kiss Bang Bang (sa première réalisation)… Une liste impressionnante pour les amateurs de films d’action esprit eighties.

The Nice Guys invoque très clairement cet esprit, comme un retour aux sources après un passage par chez Marvel (Iron Man 3). Et on ne s’en plaint pas. Parce que non, il n’a pas inventé le buddy movie, mais c’est tout comme quand même, tant il a donné ses lettres noblesses à ce mélange d’action et d’humour, basé sur l’éternel modèle du duo mal assorti.

D’un côté : un détective privé pas très efficace, pas très honnête, pas très courageux et pas très bon père. De l’autre : un gros bras dont le boulot est… d’être persuasif, mais qui ne rêve que de s’installer en bon privé. Les deux se rencontrent autour de la disparition d’une jeune fille, liée de manière inattendue à la mort pas très accidentelle d’une star du porno, dans le Hollywood des années 70. Et leur rencontre donne le ton : le premier, Ryan Gosling, se fait rudement rudoyer par le second, Russell Crowe.

Un bon buddy movie repose souvent sur la qualité des acteurs. On est servi, ici : Ryan Gosling qui passe la plus grande partie du film à s’en prendre plein la gueule ; Russell Crowe qui passe la plus grande partie du film à se résigner avec lassitude à être violent… Les deux sont totalement réjouissants, dans un registre auquel ils ne sont pas franchement habitués. La magie opère parfaitement entre eux.

L’histoire n’a aucun intérêt, et s’avère même assez con. Mais Shane Black sait que tout ce qui compte, c’est le rythme, les scènes d’action au bon moment, et les punchlines. En vrai métronome de sa spécialité, il emporte le morceau dès les premières minutes, et ne relâche jamais l’attention. The Nice Guys apporte au spectateur exactement ce qu’il attend, avec un vrai sens du spectacle et une certaine authenticité dont on réalise à quel point ils manquent dans le tout venant du blockbuster hollywoodien actuel.

Manon des sources – de Claude Berri – 1986

Posté : 8 juin, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, BERRI Claude | Pas de commentaires »

Manon des Sources

Après avoir dit tout le bien qu’on pense de Jean de Florette, il ne reste pas grand-chose à ajouter sur sa suite, ou plutôt son prolongement. Manon des Sources est véritablement la deuxième partie de la même histoire, une seconde époque comme on disait autrefois. On retrouve donc les mêmes avec quelques années de plus : Ugolin, le Papet, et la petite Manon, devenue une jeune et jolie sauvageonne qui hante les collines et le cœur d’Ugolin.

Le premier film était cruel. Le second tire plutôt vers le pathétique, confrontant les deux dernières générations de Soubeyran à l’horreur de leurs actes. Daniel Auteuil, superbe en amoureux transi qui ne réalise pas l’absurdité de convoiter une jeune femme orpheline par sa faute. Et Yves Montand, qui n’a peut-être jamais été aussi bouleversant que dans cette scène toute simple sur un banc de pierre, où il comprend… trop tard… tellement trop tard.

On retrouve dans Manon… la même vérité que dans le premier film, avec peut-être un brin d’ironie en plus. La romance entre Manon (Emmanuelle Béart, révélée par ce rôle) et le jeune instituteur (Hippolyte Girardot) est plutôt anodine, mais Berri semble se réjouir à décrire les réactions des villageois après que l’eau s’est tarie, révélant les mesquineries et égoïsmes de beaucoup. Et la séquence de la procession avec ce semblant de miracle enfonce le clou avec un joyeux cynisme.

C’est à peu près le seul passage où le mot « joyeux » peut être utilisé d’ailleurs. La conclusion de cette saga pagnolesque laisse plutôt un goût amer, celui d’une tragédie au long cours assez terrible et assez passionnante.

L’Intrus (Intruder in the dust) – de Clarence Brown – 1949

Posté : 7 juin, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BROWN Clarence | Pas de commentaires »

L'Intrus

Formidable brûlot antiraciste que signe Clarence Brown, avec cette adaptation très réussie de Faulkner, tournée entièrement en décors réels, sur les lieux mêmes qui ont inspiré l’écrivain. L’Intrus est un grand film, et c’est dans les détails que ça se joue, plus que dans l’histoire elle-même, suspense assez convenu autour d’un noir accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, et promis à un lynchage dans les règles par une foule très remontée.

Le coup de la masse hargneuse prête à tous les débordements, on nous l’a déjà fait souvent, de Furie à L’Etrange incident. L’Intrus s’inscrit dans cette (prestigieuse) lignée, avec une dimension raciale qui est tout sauf anecdotique. Clarence Brown filme la ségrégation et les difficiles rapports entre blancs et noirs avec une grande sensibilité, captant la frontière invisible qui freine les meilleures volontés.

C’est cette réconciliation difficile entre des citoyens aux histoires si différentes que met en scène le film, dans cette petite ville, dont les vrais habitants font de la figuration. Ce qui, le sachant, donne une dimension troublante aux scènes de foule, les regards semblant confirmer l’impossibilité du dialogue entre blancs et noirs. C’est dans ces regards que se trouve la force du film, dans ces visages captés par les phares d’une voiture à travers des portes entrebâillées, dans une phrase que ne prononce pas le faux coupable pour se disculper.

Ce faux coupable, c’est Juano Hernandez, acteur découvert chez Oscar Micheaux, et que l’on retrouvera peu après en partenaire de John Garfield dans l’excellent Trafic en haute mer (d’après To have and have not d’Hemingway, que Faulkner avait adapté une première fois pour Hawks, sous le titre Le Port de l’angoisse). Sa présence, taiseuse et un peu raide, a une force assez impressionnante.

Pas de grande star à l’affiche, mais une distribution parfaite, de Charles Kemper en meneur de foule à Porter Hall en patriarche fatigué, en passant par David Brian en avocat qui se demande pourquoi il n’arrive pas à communiquer avec le noir qu’il doit défendre. Et puis le trio de choc, qui aura seul le courage d’affronter la foule : un gamin (Claude Jarman Jr, le fils de John Wayne et Maureen O’Hara dans Rio Grande), un employé noir dépassé par les événements (Elzie Emanuel) et une vieille dame très digne (Elizabeth Patterson). Les voir tous les trois déterrer un cadavre en pleine nuit, effrayés par les bruits environnants, est un grand moment de cinéma.

123
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr