Top Gun : Maverick (id.) – de Joseph Kosinski – 2020-2022
De cette suite incroyablement tardive (36 ans, quand même, entre leurs sorties en salles respectives), Tom Cruise fait son premier film 100 % nostalgique. Au choix : du pur fan-service, ou une mise en abîme de l’obsolescence programmée vers laquelle la star elle-même se dirige inexorablement. En fait non, pas « au choix » : Top Gun 2 est tout ça à la fois.
A vrai dire, on a rarement vu un film répondre à ce point à toutes les attentes des fans… Côté surprises, on repassera donc. Mais qu’importe, vraiment : la sortie (et le triomphe) de ce « Maverick » rappelle à quel point le premier Top Gun reste en dépit de ses outrances un authentique film culte, et à quel point Tom Cruise reste une star comme il n’en existe plus beaucoup (plus du tout?).
Le côté fan-service, donc, atteint des sommets que même les plus grands fans n’espéraient sans doute pas. Le film s’ouvre ainsi exactement de la même manière que celui de Tony Scott : même musique, mêmes images de l’animation sur le pont d’un porte-avion, même carton d’introduction… 36 ans après, l’effet est étonnant, procurant un petit picotement, à mi-chemin entre l’excitation et la nostalgie.
Et puis Tom Cruise apparaît, dans un hangar aux murs tapissés de photos de sa jeunesse et de ses amis d’hier (du premier Top Gun, donc) : le regretté Goose, et Iceman, dont la présence flottera constamment sur cette suite. Le premier par la présence de son fils, devenu lui-même pilote et en rébellion contre celui qui fut le meilleur ami de son père. Le second par la présence fantomatique de Val Kilmer, en rémission d’un cancer de la gorge, et à qui le film réserve une fort jolie scène, forcément très attendue.
Cruise a le même sourire éclatant, mais le regard un peu fatigué. La même folie, mais la conscience bien présente que le temps lui est compté. Ce qu’on ne cesse d’ailleurs de lui rappeler. Et ce que les réminiscences du passé ne cessent de lui rappeler, tant elles sont nombreuses : le fils de Goose (Miles Teller, très bien) qui se met au piano d’un bar pour jouer « Great Balls of Fire » comme son père autrefois ; une partie de foot américain sur la plage qui évoque furieusement une célèbre partie beach-volley ; des combats de coqs entre jeunes pilotes ; une moto qu’on chevauche sans casque au soleil couchant ; une maison sur la plage…
Autant de moments qui confrontent joliment Maverick – et Tom Cruise – au temps qui passe. Une scène, surtout : celle de la première soirée au bar, où le héros jadis si arrogant et populaire se fait (littéralement) mettre à la porte de ce grand moment de camaraderie, et se retrouve seul dans la nuit, face à ses fantômes. C’est beau. Un peu triste, un peu amer, mais beau.
Bien sûr, Joseph Kosinski (qui avait déjà dirigé Tom Cruise dans Oblivion) se contente en grande partie de marcher dans les traces de Tony Scott. A l’opposée d’un Denis Villeneuve qui, lui, s’appropriait l’univers de l’autre frère Scott (Ridley), faisant de son Blade Runner 2049 une relecture à la fois fidèle à l’esprit mais totalement réinventée du Blade Runner original, Kosinski n’invente rien. A une exception près quand même, et elle est de taille : les séquences aériennes.
On nous les promettait inédites et spectaculaires, c’est même pour les peaufiner que le premier report de sortie avait été décidé, des mois avant la pandémie. Elles le sont, et bien plus encore. Le dernier tiers du film est largement dominé par ces séquences, proprement ahurissantes tant elles sont immersives. Tout le film, à vrai dire, est construit pour préparer cette mission qui semble suicidaire : détruire un stock d’uranium dans un « pays voyou » jamais nommé (zéro prise de position géopolitique).
Le résultat est bluffant, sidérant même, surtout que, comme tout bon « Tom Cruise movie », il n’y a quasiment pas de CGI à l’horizon. Face à ces séquences, la romance avec Jennifer Connely passe franchement au second plan, derrière la relation avec le rejeton de Goose aussi. Au passage, c’est assez étonnant de voir comment la grande scène d’amour est traitée : avec une sagesse qui frise à la pudibonderie, quand celle avec Kelly McGillis flirtait avec l’érotisme soft. Ce détail dirait-il quelque chose de notre époque ?
Ce serait malhonnête d’affirmer que Top Gun : Maverick est plus réussi que le premier Top Gun, tant Kosinski construit son film en fonction de celui de Scott. Mais quand même, même avec zéro surprise, même avec un cahier des charges épais comme un annuaire de 1986, voilà un vrai grand blockbuster, enthousiasmant et même euphorisant par moments, comme on n’en fait plus. De quoi titiller notre fibre nostalgique. Plus que jamais, Tom Cruise occupe une place unique, et décidément indispensable dans le cinéma hollywoodien.
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