Silence (id.) – de Rupert Julian – 1926
Rupert Julian est un cinéaste de premier plan (il vient de signer Le Fantôme de l’Opéra) lorsque Cecil B. De Mille, producteur, lui confie la réalisation de Silence, film qui a pendant des décennies rejoint la triste liste des films muets disparus. Ça, c’était jusqu’à ce qu’une copie soit retrouvée dans les archives de la Cinémathèque française. C’était en 2014, et la copie en question était dans un état miraculeusement bon, et complète : un peu plus courte que la version originale américaine, mais telle que prévue pour le marché français.
Surtout, le film est d’une grande beauté, profondément émouvant, et formellement assez bluffant. H.B. Warner (qui s’apprêtait à devenir Jésus Christ pour De Mille dans Le Roi des Rois) y est un condamné à mort que son avocat tente de faire parler à quelques heures de son exécution : pourquoi accepte-t-il de se sacrifier pour un autre, alors qu’il est évidemment innocent ?
L’homme refuse obstinément de parler. Mais à mesure que l’heure fatidique approche, le temps qui s’égrène implacablement occupe toutes ses pensées. Sur son visage en très gros plan se superpose à l’image du balancier d’une horloge, et à celle de la corde qui se balance au même rythme… Il stoppe le balancier, mais un autre balancier continue le mouvement en surimpression. Implacable et formidable montage qui introduit le long flash-back qui constitue l’essentiel du métrage.
Julian y dévoile la même maîtrise que dans son Fantôme…, avec cette capacité d’associer l’émotion à la plus grande des tensions. Il utilise merveilleusement les éléments de ses décors pour souligner la force implacable du destin : les barreaux de la prison sur le visage de Warner, la fenêtre qui le sépare de sa fille : cet enfant qu’il a eue avec la femme qu’il aimait et dont le destin l’a privé.
Ce saligaud de destin, qui n’épargne rien à ce brave homme qui accepte tous les coups du sort avec une grandeur d’âme immense, mais en accusant le coup. L’acteur semble d’ailleurs réellement vieillir au fur et à mesure que les années s’écoulent, grande composition d’acteur. On ne dira rien de la longue séquence finale, si ce n’est qu’elle d’une force immense, et qu’on en sort avec le sentiment d’avoir vu un grand film qui revient de loin.
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