Jean de Florette – de Claude Berri – 1986
Il n’y a pas grand-chose, jusqu’au milieu des années 1990, qui annonçait que Claude Berri allait se spécialiser dans ce qu’on a appelé le cinéma de patrimoine. Avec un beau classicisme, et un souffle tragique imparable, il signe en tout cas l’une des meilleures adaptations de l’œuvre écrite de Marcel Pagnol, fidèle au roman (lui-même adapté du film réalisé par l’écrivain en 1952).
Difficile de dire ce qui est le plus réussi dans ce film, qui fut un énorme succès populaire. Peut-être est-ce la manière dont Berri capte l’atmosphère de cette Provence des années 1920, et de cette vie que la modernité n’a pas encore transformée. La chaleur, la beauté enivrante des paysages, la rudesse des sentiments, et ce manque d’eau qui, même lorsqu’on regarde le film un soir de pluie, procure un vrai malaise.
Peut-être est-ce aussi l’évidence de sa distribution, pourtant totalement inattendue. Daniel Auteuil en jeune montagnard de retour du service militaire, qui rêve de cultiver des œillets, et Yves Montand dans le rôle de son vieil oncle, propriétaire solitaire qui décide de cacher la source présente sur les terres héritées par un jeune citadin, pour le forcer à les lui vendre.
Auteuil en Ugolin, Yves Montand en « Papet »… Difficile d’imaginer d’autres qu’eux dans ces rôles, auxquels on a désormais tendance à les associer d’emblée. Le premier était pourtant alors un pur acteur de comédies, et le second un acteur-chanteur qui n’avait encore jamais joué le grand âge. Quant à Depardieu dans le rôle du citadin bossu, il est comme on s’y attend : immensément puissant, et immensément fragile.
Jean de Florette, premier volet d’un diptyque qui se conclura avec Manon des sources, frappe par la justesse de rapports humains pourtant rudes et taiseux. Par la mesquinerie des êtres, mais aussi par la vérité qui se dégage de ces quelques scènes qui se déroulent « au village », avec ces conversations captées et ces regards fuyants. En dépit d’une fin qui semble quelque peu précipitée (et qui contraste avec la manière qu’avait jusque là Berri de mettre en scène l’attente), ce cinéma de patrimoine passe franchement bien l’épreuve du temps.
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