Nomadland (id.) – de Chloé Zhao – 2020
Grande actrice, grande cinéaste, grand sujet… Voilà un chef d’œuvre qui n’a pas volé sa pluie de récompenses (Lion d’Or, Golden Globe et Oscar du meilleur film, rien que ça). Chloé Zhao, pourtant, choisit une approche plutôt casse-gueule pour évoquer ces nouveaux nomades qui vivent sur les routes des Etats-Unis dans leurs fourgons aménagés, allant d’un petit boulot à un autre au gré des saisons et des perspectives. Ce pourrait être complaisant, ce pourrait être édifiant, voire lénifiant. Mais non : Nomadland est simplement d’une justesse absolue, avec une émotion, immense, qui jamais ne force le passage.
Joli parti-pris aussi : celui de confronter la formidable Frances McDormand (et David Strathairn) à d’authentiques « nomades », qui tiennent tous leurs propres rôles. Le procédé n’est ni nouveau, ni unique (Emmanuel Carrère a fait un choix similaire avec son Ouistreham, tout récemment), et peut lui aussi être casse-gueule (Clint Eastwood s’y est lamentablement vautré avec son 15h17 pour Paris), surtout que les nomades en question n’ont rien de faire-valoir : Chloé Zhao les filme avec la même intensité, la même profondeur que son actrice principale.
C’est qu’ils ont une histoire, ces nomades, et que cette histoire, quelle qu’elle soit, est inscrite sur les visages et les allures, dans les regards plein de vie, mais voilés par des souvenirs qui n’appartiennent qu’à eux. Si le film est si beau, si bouleversant même, c’est parce que la réalisatrice filme ses personnages comme autant d’individus ni plus grands, ni plus médiocres que d’autres. Jamais d’en haut, toujours à hauteur d’âme. Et non, ce n’est pas si courant.
Aucun jugement, aucune complaisance, aucun misérabilisme, ni aucun angélisme. Ce mode de vie nomade est pour tous la conséquence d’accidents et de drames de la vie. Mais c’est un mode de vie accepté, séduisant par certains aspects, et même revendiqué par certains comme une manière de renouer avec les racines de l’Amérique. On n’a d’ailleurs pas vu si souvent une telle manière de filmer l’Amérique, à la fois très inscrite dans une réalité sociale dévastatrice, et intemporelle par la beauté sidérante des paysages, qui jouent un rôle central dans le film.
Frances McDormand, actrice décidément immense (troisième Oscar, comme une évidence) incarne avec une intensité et un naturel proprement sidérants cette Amérique des oubliés. La solitude, la douleur du souvenir, les doutes et la peur de l’avenir… et l’extrême pudeur de ces femmes et de ces hommes qui ont décidé de vivre malgré tout. Avec honnêteté et ferveur. C’est sublime, de ces films qu’on n’oublie pas.
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