La Ronde – de Max Ophuls – 1950
Après sa brillante carrière aux Etats-Unis, Max Ophuls rentre en France où il entame une brillante dernière partie de carrière avec cette adaptation libre d’un livre d’Arthur Schnitzel, dont il fait une œuvre aussi légère que vertigineuse, sur le désir amoureux autant que sur la création artistique.
Le principe de La Ronde est simple : une femme couche avec un homme qui en rencontre une autre qui tombera sous le charme d’un autre… jusqu’à ce que le dernier maillon de la chaîne couche avec la première, bouclant ainsi une ronde amoureuse. Le grand amour en prend un sacré coup : les couples qui se forment et se déforment sont davantage basés sur le désir physique et le dépit que sur les beaux sentiments.
Et au fur et à mesure que cette ronde tourne, c’est une sorte de comédie humaine qui se dessine, tantôt attachante, tantôt mesquine, incarnée par une galerie de vedettes extraordinaire : Simone Signoret, Serge Reggiani, Danielle Darrieux, Daniel Gélin, Gérard Philipe… Un casting qui explique en partie l’énorme succès qu’a connu le film à sa sortie. Acteurs formidables, à l’image de Fernand Gravey, délectable en mari fat qui s’écoute prononcer de grandes phrases vides. « C’est profond, ce que je dis là ! »
Mais si La Ronde reste un immense chef d’œuvre, et s’il procure autant de plaisir, c’est pour la mise en abîme de la mise en scène, et le vertige formel que procurent les parti-pris d’Ophuls. L’image est superbe, hyper stylisée, tout en jeux d’ombres et en cadres désaxés. Le film joue brillamment avec les décors, dont on découvre l’envers, et même les projecteurs, en suivant le maître du jeu : Anton Walbrook, inoubliable en… en quoi ?…
Narrateur, chef d’orchestre, incarnation du metteur en scène, ou du spectateur, c’est selon : sa présence omniscience, sa manière d’interagir à la fois avec le spectateur et avec les personnages, entonnant le beau thème musical, fait pencher ces petites histoires du côté de l’allégorie, ou de la fable. Il donne à cette ronde une allégresse teintée d’amertume, absolument irrésistible. Envoûtant.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.