J’aurai ta peau (I, the jury) – de Harry Essex – 1953
Deux ans avant le formidable Kiss me deadly d’Aldrich, c’est Harry Essex qui, le premier, a porté à l’écran les aventures du détective privé Mike Hammer. Son film est d’ailleurs adapté du tout premier roman de la série. Et ne comptez pas sur moi pour résumer l’histoire, d’une complexité assez abyssale. Disons juste que Hammer enquête sur la mort d’un de ses amis, qui lui a sauvé la vie pendant la guerre. Que les cadavres pleuvent à chaque rebondissement. Et qu’il y a beaucoup de rebondissements.
On aurait envie de l’aimer ce film, parce qu’il y a là à peu près tout ce qu’on attend d’un film noir. Un détective hard-boiled, quelques fusillades, une violence brute, une certaine atmosphère aussi, et quelques seconds rôles plutôt très convaincants, à commencer par le pote flic de Hammer, joué par l’excellent Preston Foster. On remarquera aussi la présence dans un petit rôle d’un ersatz de Sydney Greenstreet et du vrai Elisha Cook Jr… Parce que Essex lorgne assez clairement du côté du Faucon maltais, qui mettait en scène un autre privé célèbre (Sam Spade), une intrigue à tiroirs à peu près aussi complexe, et une femme fatale bien gratinée.
Il y a aussi quelques très beaux moments, que l’on doit à la puissance formelle des images. Grâce soit une nouvelle fois rendue à John Alton, immense directeur de la photo, qui nous gratifie de jeux d’ombres vertigineux lors de la séquence la plus mémorable du film : une bagarre hyper percutante dans une cage d’escalier tout en grilles, en lignes de force et en vides vertigineux. Une belle scène de bar aussi, une manière de filmer les rues la nuit et d’installer le sentiment de danger. Visuellement, le film est une grande réussite.
Mais il y a un mais, et il est de taille. Et il s’appelle Biff Elliot, acteur débutant dont c’est le premier (et dernier) rôle majeur, et qui se révèle assez dramatique en Mike Hammer, qu’il transforme en gamin attardé et totalement hystérique, parlant et bougeant trop vite, gueulant ses répliques comme un gosse capricieux. Dans le film d’Aldrich, Ralph Meeker donne à Mike Hammer toute sa dimension dangereuse, son penchant pour une violence sèche et expéditive. Ici, on a droit à une véritable erreur de casting qui plombe le film, tant l’interprétation est à côté de la plaque, faisant d’un noir prometteur un quasi-nanar désagréable.
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