La Dernière Séance (The Last Picture Show) – de Peter Bogdanovich – 1971
Ah ! Le Texas vu par Larry McMurtry. Le (grand) écrivain le connaît bien, cet état rural dont il ne cesse d’évoquer les immensités poussiéreuses et l’ennui sidéral qui y règne. Dans La Dernière Séance, on atteint des sommets, dans cette petite ville sans charme, sans vie, sans horizon, sans même la moindre distraction, si ce n’est un cinéma et un billard en fin de course, et un petit resto à l’avenant.
Il y a les jeunes qui passent le temps comme ils le peuvent, sans même rêver à un meilleur avenir. Il y a les quadragénaires qui oublient dans le vin qu’ils n’ont plus la force d’espérer un meilleur avenir. Il y a le jeune simple d’esprit qui balaye inlassablement une rue balayée par les vents et la poussière du désert. Il y a le sexe terne, les sentiments tristes, les passions calculées. Blurp.
Pas joyeuse, cette Amérique là, c’est le moins que l’on puisse dire. Une sorte de revers du rêve américain, ou de cette imagerie hollywoodienne dont Peter Bogdanovich est un si grand connaisseur. Ce n’est pas un hasard s’il confie le rôle de Sam, le vieux sage de la bourgade, à Ben Johnson, vétéran fordien. Pas un hasard non plus si on voit dans la devanture du cinéma l’affiche de Wagon Master.
Et cela fait un drôle d’effet de voir cet acteur que l’on a aimé dans les grands et beaux paysages de John Ford se réfugier « pour profiter du paysage », non pas au bord d’un lac, mais d’une sorte de réservoir boueux bordé de vagues buissons épineux, d’une laideur presque gênante. Pour le glamour hollywoodien, on essaiera autre chose…
Bogdanovich révèle surtout les talents de Cybil Sheperd (parfaite en jeune peste en quête d’un homme qui assurerait son avenir, aidée par sa mère, Ellen Burstyn) et Jeff Bridges. Dans le rôle principal, Timothy Bottoms est formidable (les trois se retrouveront vingt ans plus tard dans Texaville, suite tardive que tournera Bogdanovich), le sourire enfantin et le regard éteint d’un paumé dont la jeunesse s’évanouit au fur et à mesure qu’il perd tous ceux et tout ce qui le raccrochaient à un semblant de vie.
La Dernière Séance est un film assez radicalement pathétique, avec sa galerie de personnages rongés par l’échec. C’est d’une tristesse abyssale, et aussi d’une très grande justesse. Mais définitivement à proscrire un soir de cafard.
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