Tous les matins du monde – d’Alain Corneau – 1991
D’un réalisateur de polar, amoureux de jazz, on n’attendait pas un film comme Tous les matins du monde, adaptation par lui-même d’un roman de Pascal Quignard. Pourtant, et si c’était le plus beau film d’Alain Corneau ? Il y a trente ans, le film avait valu à la viole de gambe une popularité inédite depuis trois bons siècles. Aujourd’hui, l’effet que procure l’instrument reste le même : un étrange envoûtement à la douleur affleurante.
Le film n’est pas parfait. Il souffre par moment d’un certain académisme, et surtout d’une voix off platement écrite, sans poésie, lourdement explicative, heureusement fort bien dite par Gérard Depardieu père. Depardieu qui ouvre le film par un très long gros plan fixe sur son visage, longtemps silencieux, et totalement fascinant autant que repoussant. Le visage d’un homme vieillissant, replié sur un passé qui resurgit douloureusement.
L’histoire est racontée dans un long flash-back, d’où cette voix off un peu envahissante : la rencontre du très jeune Marin Marais (Depardieu père et fils, dans une belle double-interprétation, comme un émouvant passage de flambeau), musicien doué mais sans âme, avec un vieux maître insaisissable, Sainte-Colombe, vivant en reclus avec ses deux filles, depuis la mort de sa femme. Sainte-Colombe, c’est Jean-Pierre Marielle, dans l’un des rôles de sa vie, magnifique en musicien incapable de partager ses émotions autrement que par la musique.
La mise en scène de Corneau est à l’image de ce personnage. Austère, souvent peu aimable lorsqu’il s’agit de filmer la vie. Intime et chaleureuse lorsqu’il s’agit de filmer la musique. Là, la caméra se rapproche au plus près, et grâce à la superbe lumière d’Yves Angelo, dévoile la vérité de personnages par ailleurs très fermés. Ce qui s’en dégage, c’est une émotion profonde, doublée d’une authentique humilité de la part du cinéaste. C’est beau.
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