Fight Club (id.) – de David Fincher – 1999
Il a plutôt pas si mal vieilli ce film étendard d’une génération, qui a toujours divisé les admirateurs de David Fincher. D’un côté, ceux qui ne jurent que par cette critique acide et très punk du consumérisme. De l’autre, ceux qui estiment que le cinéaste s’est pour une fois laissé débordé par l’esthétique clipesque qui a fait sa réputation avant qu’il ne se mette à faire (avec le talent qu’on lui connaît) du cinéma.
La vérité est sans doute entre les deux. On a bien droit de préférer le versant « grand cinéaste classique » de Fincher, qui a donné ce que j’estime être ses grands chefs d’œuvre, de Zodiac à Mank. Et de trouver que ce Fight Club flirte par moments avec un maniérisme appuyé. Mais tout de même, malgré ses défauts, malgré le tape-à-l’œil que Fincher n’évite pas toujours, il faut bien reconnaître que tout ça est assez brillamment mené, avec un sens du rythme impeccable, et une maîtrise impressionnante du langage cinématographique.
Saluons aussi l’enthousiasme salutaire avec lequel Fincher plonge dans le politiquement incorrect. Bien sûr, on est avant 2001, et le monde n’est pas tout à fait celui qu’il sera après les attentats du 11 septembre. Mais quand même : c’est dans l’esprit d’un type qui devient un gourou terroriste qu’il nous plonge, sans autre filtre que celui de l’écran, et sans rien faire pour le rendre antipathique. Un trip sous acide dont on finit par réaliser qu’il ne nous sort jamais de l’esprit malade du « héros ».
Edward Norton trouve là l’un de ses très grands rôles, celui d’un Américain bien sous tous rapports : employé modèle d’une grande société d’assurance, et consommateur modèle qui remplit son appartement modèle de meubles design dont il n’a évidemment pas l’usage. Un homme au bord de la rupture surtout, incapable de trouver le sommeil, qui finit par trouver la « drogue » dont il a besoin : participer à des thérapies de groupes en se faisant passer pour un grand malade.
Le voir câliner un grand gaillard souffrant d’un cancer des testicules et pleurant sur son épaule nous tire des sourires qui, par la même occasion, nous plongent dans un malaise qui ne fera que se renforcer. Sa rencontre explosive avec un alter ego féminin (Helena Bonham Carter), avec laquelle il se partage les maladies, enfonce le clou. Et quand apparaît Tyler Durden, on comprend qu’il n’y a plus de demi-tour possible. Tyler Durden : représentant en savon… et bien plus qu’un alter ego en l’occurrence, rôle cultissime pour Brad Pitt, déjà grand.
Voir Fight Club pour la première fois est une expérience assez forte. Le revoir est pas mal non plus, et permet de détecter les nombreux signes que glisse Fincher pour annoncer dès les premières minutes la grande révélation finale, signes parfois à peine visibles. L’effet de surprise est bien un peu émoussé, et Fincher a fait tellement mieux depuis. Mais quand même, revoir Fight Club plus de vingt ans après confirme que le gars a décidément un talent fou.
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