Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour décembre, 2021

Terreur à Silver City / La Ville d’argent (Silver City) – de Byron Haskin – 1951

Posté : 21 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, HASKIN Byron, WESTERNS | Pas de commentaires »

Terreur à Silver City

C’est bien la première fois que Byron Haskin me procure autre chose qu’un aimable ennui. Ce western porté par Edmond O’Brien (comme Les Rivaux du rail l’année suivante) séduit même dès ses toutes premières images, d’abord par l’originalité de ses cadres, puis par la vivacité de ses scènes de poursuite. Deux qualités que Haskin ne cessera de renouveler jusqu’à la fin du film.

Edmond O’Brien, justement, se révèle contre toute attente un excellent choix pour ce personnage sans cesse rattrapé par un méfait commis par amour. Oh ! Pas un meurtre, non : la seule hypothèse que notre héros aurait pu tuer un homme lui tire un sourire amusé. C’est que la violence, si vive soit-elle, est (en tout cas jusqu’à la dernière partie du film) bon enfant. Joyeuse, presque.

La plupart du temps, c’est à coup de poings, de barres de bois, ou de cailloux qu’on règle ses comptes. Malgré une poignée de scènes franchement rigolardes (lorsque notre héros récupère ses hommes ivres dans le saloon et les entasse dans un chariot), l’action ne porte pourtant pas à rire. Dès la première séquence, qui se conclue par une très spectaculaire course-poursuite à cheval puis sur un train en marche, une belle intensité se dégage de ce western.

O’Brien, donc, est un bon choix parce qu’il a à la fois la tête bonhomme d’un gars bien, et la carrure volontaire d’un homme que rien n’arrête. Le contrepoint parfait à Yvonne de Carlo, dont les yeux verts et les tenues vives sont superbement mis en valeur par les belles couleurs du film. Femme de tête dont chaque apparition donne littéralement un coup de fouet au récit.

Elle est la fille d’un mineur ayant découvert un très riche filon, et qu’Edmond O’Brien accepte à contre-cœur d’aider. Bien sûr, ce filon va éveiller bien des convoitises, notamment celle d’un riche propriétaire assez loin des poncifs du genre, campé avec sa malice habituelle par le très Irish Barry Fitzgerald.

Tout n’est pas parfait dans ce film : la petite frappe est assez caricaturale, le personnage de l’ancien ami paraît bien brouillon. Mais les qualités l’emportent largement : la beauté des scènes de nuit, l’originalité du ton, la vivacité de l’action, ou la course-poursuite finale, superbe et impressionnante, qui passe par l’intérieur d’une scierie, Edmond O’Brien flirtant dangereusement avec les machines en marche. Et puis un film où les deux personnages féminins (l’autre étant jouée par Laura Elliott) tiennent tête aux hommes en gueulant plus fort qu’eux ne peut pas être foncièrement mauvais.

Le Fils préféré – de Nicole Garcia – 1994

Posté : 20 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, GARCIA Nicole | Pas de commentaires »

Le Fils préféré

Après avoir découvert Un balcon sur la mer, revoir Le Fils préféré confirme que Nicole Garcia est une cinéaste à l’univers singulier, à la fois très grande directrice d’acteurs et réalisatrice classique et intense. Le film m’avait déjà fait forte impression lors de sa sortie en salles (j’étais alors bien jeune). Le genre de films dont on garde des sensations, des émotions, plus de vingt-cinq après, sans l’avoir jamais revu entre-temps.

Le revoir est une heureuse surprise, parce que tous les vagues souvenirs dont on se disait qu’ils avaient sans doute été sublimés par le temps s’avèrent en deçà de ce qu’est vraiment Le Fils préféré : un beau film d’une remarquable sobriété, l’œuvre d’une cinéaste qui sait capter la vérité d’un personnage comme personne. Par petites touches, sans avoir l’air d’y toucher, elle nous cueille avec un geste, un regard, un plan même pas serré sur un visage…

Gérard Lanvin trouve là son plus beau rôle, et il n’a sans doute jamais été aussi bien, aussi juste que devant la caméra de Nicole Garcia. Comme Jean Dujardin dans Un balcon sur la mer, peut-être. Jamais en tout cas ni l’un ni l’autre n’a été filmé de cette manière là, avec cette fragilité que l’œil de la réalisatrice sait capter derrière la force apparente. Les deux personnages ont bien des points communs, réunis par les mêmes failles, qui les ramènent à des souvenirs d’enfance qui ne sont peut-être pas ce qu’ils semblent être.

Le poids du passé est un thème majeur pour Nicole Garcia. Le rapport au père aussi, et il est central ici. Pendant une grande partie du film, le « fils préféré » part à la recherche de son père en compagnie de ses frères (Bernard Giraudeau et Jean-Marc Barr, belle fratrie) qui ont coupé les ponts depuis longtemps avec leur géniteur, et qui entretiennent les uns avec les autres des rapports pour le moins complexes. Comme souvent, Nicole Garcia flirte avec le film noir, pour mieux cerner les failles et l’humanité de ses personnages, et la complexité des liens familiaux.

Elle le fait avec délicatesse et intensité, et ce regard si juste et perçant. Dès ce deuxième film (après Un week-end sur deux), Nicole Garcia s’impose comme une grande cinéaste au classicisme séduisant. On sort de son film gagné par une émotion belle et puissante. C’est superbe.

Les Rodeurs de l’aube (Rage at dawn) – de Tim Whelan – 1955

Posté : 19 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, WESTERNS, WHELAN Tim | Pas de commentaires »

Les Rodeurs de l'aube

Un peu mal fichu, mais souvent très original, ce western porté par Randolph Scott. Original, notamment parce que la star n’apparaît qu’après un tiers du film, après une longue partie quasi-exclusivement consacrée aux grands méchants : les frères Reno, figures historiques (forcément très romancées), précurseurs des James, des Younger ou des Dalton. C’est un carton d’inauguration qui le précise, inscrivant d’emblée le film dans une longue tradition westernienne consacrée aux vrais visages de l’Ouest… à la sauce hollywoodienne.

Scott, ici, est un agent secret chargé d’infiltrer la bande des Reno, et qui tombe amoureux de leur jeune et charmante sœur. Pour le côté documentaire, on repassera. Pour l’efficacité pure en revanche, on est plutôt comblé. Tim Whelan (obscur réalisateur qui aurait participé au tournage du dernier Laurel et Hardy à la triste réputation, Atoll K) est certes un cinéaste très inégal, y compris au sein d’un même film, capable d’enchaîner trois scènes plan-plan avant d’avoir un éclair de génie, mais il fait le job plutôt efficacement. Il signe un honnête western qui se regarde avec un plaisir constant, et avec un enthousiasme intermittent.

Ce n’est pas tant dans l’action pure que Whelan fait des étincelles : elle est rare et un peu molle. Mais à quelques moments, il se révèle un metteur en scène inspiré et original. Une scène, surtout, réveille l’intérêt après une première partie en demi-teinte : l’interrogatoire de Randoph Scott qui, assis sur une chaise au milieu du cadre, regarde avec un sourire amusé ses geôliers tourner autour de lui dans un étrange ballet, ironique.

Il y a comme ça une poignée de plans qui donnent un ton différent au film. Pas tout à fait suffisant pour en faire une grande réussite, c’est vrai. Mais il faut aussi reconnaître que le jugement du film que l’on peut en avoir aujourd’hui est biaisé par la vision tronquée qu’il en reste, après que l’image a été rabotée il y a quelques décennies pour mieux passer à la télévision. Comme beaucoup de westerns désormais invisibles dans leur version originelle. Même dans ces conditions, Rage at dawn a bien des qualités.

Le Singe qui parle (The Monkey talks) – de Raoul Walsh – 1927

Posté : 18 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Le Singe qui parle

Voilà une curiosité à plus d’un titre. D’abord parce que le film est particulièrement méconnu dans l’œuvre foisonnante de Raoul Walsh, et qu’il n’en reste qu’une copie légèrement incomplète et surtout en très mauvais état. Et puis parce qu’on se demande un peu ce que Walsh est venu faire dans cette entreprise si improbable.

En fait non, on imagine bien ce qui a pu séduire le cinéaste : cette amitié indéfectible entre hommes, qui donne d’ailleurs sans doute le plus beau plan du film. Un plan tout simple, d’une sobriété qui tranche radicalement avec l’exubérance générale : l’un des personnages principaux qui jure à son meilleur ami, en lui posant une main sur l’épaule, que lui-même ne déclarera pas sa flamme à la femme qu’ils aiment tous les deux tant que l’autre n’aura pas pu retirer son masque de singe…

Et là je sens bien qu’il est temps d’évoquer l’histoire de The Monkey talks. On a donc quatre hommes qui se retrouvent sans le sou après que la police a saisi le cirque dans lequel ils travaillaient, et qui décident de s’unir à la vie à la mort autour d’une idée géniale : et si on faisait passer l’un de nous pour un singe qui parle ? Fortune assurée… On appelle ça une idée « What the fuck », et c’est un Français qui l’a eue : René Fauchois, l’auteur de la pièce (à succès), qui sera aussi celui de Boudu sauvé des eaux.

Avec un tel postulat, difficile de prendre le film vraiment au sérieux. Surtout que le dernier tiers est une succession de rebondissements plus improbables encore. On y voit un vrai singe par lequel des jaloux aigris remplacent le faux. Le vrai singe qui s’échappe très habilement, libère un lion féroce, et agresse la jolie héroïne de l’histoire… On assiste à ça assez fasciné, un peu par le rythme impeccable (on n’en attend pas moins de Walsh), beaucoup par ce grand n’importe quoi totalement revendiqué.

Pourtant, The Monkey talks ne penche jamais vraiment du côté de la franche rigolade. Ce qui domine malgré tout, et c’est là surtout qu’on reconnaît la touche du cinéaste, c’est la force de cette amitié masculine qui tremble à peine devant les charmes pourtant bien réelles des deux personnages féminins : la douce Olive Borden (vue l’année précédente chez Ford dans Trois sublimes canailles), et la vile Jane Winton (second rôle dans L’Aurore), toutes deux également sexy.

Les plus beaux moments du film n’évoquent d’ailleurs clairement pas la comédie : un superbe travelling vertical très romantique, ou une attaque filmée de manière très dramatique en ombre chinoise… The Monkey talks est une œuvre bien mineure dans la carrière de Walsh. Mais même là, l’intensité de son regard est bien présente.

Mr. Majestyk (id.) – de Richard Fleischer – 1974

Posté : 17 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, FLEISCHER Richard | Pas de commentaires »

Mr Majestyk

Mr. Majestyk est à la fois très con, et très réussi. L’un des derniers excellents films de Fleischer avant une fin de carrière assez problématique, et l’un des meilleurs « véhicules » pour un Charles Bronson au sommet, qui venait de tourner le premier Justicier dans la ville. Tout en reprenant le thème du citoyen qui n’est jamais mieux protéger que par lui-même, le film de Fleischer est nettement plus intéressant, et percutant, que celui de Michael Winner.

S’il y a une comparaison à faire, elle se tournerait plutôt vers Rambo, dont Mr. Majestyk est probablement une influence majeure. Dans les deux cas, le héros est un vétéran du VietNam qui ne demande rien à personne, mais qui devient la proie de prédateurs… avant de renverser la situation et de devenir lui-même le chasseur, en utilisant le terrain qui l’entoure. On l’imagine bien : avec son visage rude et sa carrure massive, Bronson fait un pré-Rambo très convainquant.

Il parle peu, Bronson, mais c’est hélas encore trop. Taiseux, il est un parfait en vétéran avide de tranquillité. Quand il ouvre la bouche, c’est pour sortir une réplique lourdement cool qui ruine immanquablement la crédibilité de son personnage. C’est étonnant (le scénar est signé Elmore Leonard, pas un manchot pourtant), et c’est très con, donc. Etonnant aussi : le personnage du flic (joué par Frank Maxwell), qui semble avoir 20 ans de trop pour l’être (flic), et qui se contente d’apparaître de loin en loin en traversant l’écran tranquillement, les mains dans les poches. « Vous ne voulez pas connaître ma version ? » s’étonne Bronson. Ben non…

Assez con aussi, le grand méchant, tueur bas du front (Al Lettieri, une gueule à défaut d’être un grand acteur) qui prend constamment les plus mauvaises décisions, et qu’un génial avocat réussit à blanchir malgré une évasion très sanglante. Evasion qui constitue le premier gros coup de fouet du film : là, avec une violence aussi cinglante que sèche, Fleischer rappelle brillamment qu’il a été l’un des grands spécialistes du film noir sec et tendu au tournant des années 1950.

Mais c’est surtout dans sa manière d’inscrire le thriller dans un contexte westernien que Fleischer marque des points avec son film. Le décor principal d’abord, autour d’immenses champs de pastèques dépouillés de tout attrait de carte postale. Bronson est l’interprète idéal dans cette Amérique profonde très éloignée du folklore hollywoodien habituel. Rien de glamour ici : juste l’Amérique laborieuse, dont Bronson est une parfaite incarnation.

Dans ce décor westernien, Fleischer signe une longue séquence de poursuite assez formidable, entre canyon et grandes étendues désertes. Cette scène, brillamment réalisée et d’une intensité folle, mérite à elle seule de découvrir ce Mr. Majestyk imparfait, mais passionnant.

Seuls les anges ont des ailes (Only angels have wings) – de Howard Hawks – 1939

Posté : 16 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Seuls les anges ont des ailes

Voilà du Hawks pur jus, et du meilleur cru. Disons-le franchement : Seuls les anges ont des ailes est à classer au rang des immenses réussites du gars, à côté de classiques comme Le Port de l’angoisse, et plus encore Rio Bravo. C’est dire. Vingt ans avant son superbe western, Hawks signe avec cette ode à l’aéropostale (trois ans après Brumes) l’un de ces films d’homme comme il les aime tant. Pas un film misogyne, non, mais un film sur un univers purement masculins, où il est bien difficile pour une femme de trouver sa place.

Cary Grant en sait quelque chose, lui qui trimballe derrière un cynisme radical une blessure de cœur causée, on l’apprendra tardivement, par Rita Hayworth. Toute jeune, et déjà d’une beauté foudroyante. Cette douleur, Grant la noie sous un autoritarisme brutal, avec lequel il dirige ce petit aérodrome dans les montagnes, loin semble-t-il de la civilisation. Sa première apparition déconcerte d’ailleurs, l’élégant et rigolard héros de comédies se transformant en aventurier au regard sombre et au blouson de cuir. Même la tigresse Jean Arthur, jeune femme indépendante échouée par hasard dans ce coin paumé aura bien du mal à percer l’armure.

Un univers d’hommes, avec son équilibre si imparfait, bouleversé par l’arrivée d’une femme, puis de deux… C’est peut-être, avec Rio Bravo donc, le plus hawksien de tous les films de Hawks. L’un des plus parfaits, avec son rythme trépidant, et sa construction tellement parfaite qu’elle frise l’abstraction. Les 120 minutes du film coulent avec une évidence absolue, à tel point qu’on en oublie les énormes ficelles scénaristiques…

Un nouveau pilote débarque dans ce microcosme si fermé ? Le hasard veut que ce soit l’homme qui a provoqué par lâcheté la mort du frère de l’un des personnages principaux, le toujours attachant Thomas Mitchell. Et ce nouveau pilote (Richard Barthelmess, qui avait déjà joué les hommes de l’air pour Hawks dans La Patrouille de l’aube) arrive avec sa femme… qui ne peut être que Rita, celle qui a brisé le cœur de Cary.

Improbable, oui, mais qu’importe : seul compte la fluidité, le rythme, et l’émotion toujours contenue, en tout cas jusqu’à un gros plan sur des yeux enfin humides. Seuls les anges ont des ailes est un chef d’œuvre à tous les niveaux : dans la manière de mettre en scène cet univers d’hommes, et d’y confronter deux femmes très différentes, pour la qualité et la simplicité de ses scènes aériennes, mais aussi et surtout pour les moments en creux.

Cette atmosphère si typique des films d’Hawks, cette capacité qu’il a de créer un cocon de bien-être au cœur d’un drame, par la grâce de quelques plans resserrés autour d’un petit groupe, d’une lumière tamisée, et de quelques notes de musique. Un chef d’œuvre, du genre de ce qu’Hollywood peut faire de mieux…

Trahison à Athènes (The Angry Hills) – de Robert Aldrich – 1959

Posté : 15 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Espionnage, 1950-1959, ALDRICH Robert, MITCHUM Robert | Pas de commentaires »

Trahison à Athènes

Il y a des films miraculeux, où rien ne devrait fonctionner mais qui touchent simplement à la grâce (au hasard : Casablanca). Trahison à Athènes est un peu l’inverse. Cet Aldrich méconnu devrait être un grand film, mais rien ne fonctionne vraiment, sans que l’on sache exactement pourquoi. Bizarrement, il est plus facile d’évoquer toutes les qualités du film que ses défauts intrinsèques. Et pourtant non, ça ne marche pas.

Les qualités, donc, qui tiennent avant tout à la personnalité d’Aldrich, cinéaste jeune mais loin d’être débutant alors : il a déjà à son actif une demi-douzaine de petits classiques comme Vera Cruz ou En quatrième vitesse. Trahison à Athènes porte bien la marque du réalisateur, à la fois dans les thèmes évoqués (la porosité entre le bien et le mal) que dans la forme, avec de nombreuses fulgurances de mise en scène, des moments où la caméra nous embarque dans des accès de violence.

Un contexte inhabituel et passionnant, aussi : la Grèce de 1941, que les Nazis occupent depuis peu, et où la Résistance tente de s’organiser. C’est là que débarque Robert Mitchum, reporter américain revenu de tout, qui affiche ostensiblement un manque flagrant d’empathie, mais qui se retrouve malgré lui la cible de tous les Allemands et des collabos du coin. Pas courant non plus de faire du chef de la Gestapo un homme tiraillé par ses sentiments, presque plus humain que le héros…

Le film est comme ça rempli de détails surprenants et enthousiasmants, de parti-pris radicaux (la mort d’un personnage majeur, qui n’est que mentionné au détour d’un dialogue), d’une violence brutale et soudaine… Et à de multiples moments, il est effectivement saisissant. Mais tout ça ne fait pas un film réussi. Il manque quoi ? Un liant, un rythme, un ton… Aldrich semble souvent hésiter entre le drame le plus sombre et le simple film d’aventures.

Surtout, il est bien difficile de croire à la sincérité de personnages qui ne donnent jamais le sentiment d’être dans l’émotion vraie. La faute au scénario ? A la direction d’acteurs ? Un peu des deux, sans doute. Mais c’est bien d’un film bâtard et frustrant qu’accouche Aldrich.

L’Or de McKenna (McKenna’s Gold) – de Jack Lee Thompson – 1969

Posté : 14 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, THOMPSON Jack Lee, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Or de McKenna

Gregory Peck, Omar Sharif, Eli Wallach, Raymond Massey, Lee J. Cobb, Burgess Meredith, Telly Savalas, et même Edward G. Robinson… Ce n’est pas si courant, une telle accumulation de grands noms dans un western. Une affiche qui fait sens quand on voit le nom du réalisateur : Jack Lee Thompson, qui a quelques années plus tôt lancé la mode des gros films de guerre prestigieux avec Les Canons de Navarone.

L’Or de McKenna procède à peu près de la même ambition pour le western hollywoodien, genre en nette perte de vitesse, largement concurrencé par la télévision et par le western spaghetti. La solution pour lui redonner du peps ? Signer un grand spectacle, un très grand spectacle, en multipliant les têtes d’affiche et en offrant des paysages grandioses.

Sur ce dernier point, on n’est qu’en partie servi. La première séquence, surprenante, laisse espérer un spectacle original et un rien psychédélique à défaut d’être franchement convainquant : les paysages de canyons et le personnage principal sont introduits par une voix off évoquant une légende indienne, et surtout par le regard d’un aigle qui surplombe la scène… Longue, très longue introduction pour un film qui saura prendre son temps. Ce qui, dans certains cas, peut être une qualité.

Avec ces plans très larges, on peut espérer le meilleur. Lorsque la caméra se rapproche, il ne faut pas longtemps pour attendre le pire. Le personnage principal, ce shérif qui patrouille seul dans le désert, c’est Gregory Peck, qui deviendra sans le vouloir le seul dépositaire du secret le mieux gardé de l’Ouest : l’emplacement d’un canyon légendaire qui contiendrait des torrents d’or, et que des tas de gens veulent retrouver. Voilà pour l’histoire.

Gregory Peck dans un western : on repense à La Cible humaine, à Duel au soleil ou à La Ville abandonnée, et on se dit chouette ! Et puis on déchante. Peck n’a à peu près rien à jouer, il passe le plus clair du film prisonnier du méchant Omar Sharif (très bien, d’ailleurs) à ne rien décider, à tenter de vagues évasions sans trop y croire, et à susciter l’envie chez les deux personnages féminins : une Indienne folle d’amour et fortement caricaturale (Julie Newmar, pas du tout Indienne dans la vraie vie) et une otage très passive (Camilla Sparv, rarement vu une actrice aussi inexpressive).

Alors on s’ennuie, assez fermement. Puis arrive Eli Wallach flanqué d’une demi-douzaine de personnages attirés par l’or, et on se dit que Edward Robinson, Lee J. Cobb et Burgess Meredith vont dynamiser le récit. Mais non. Ils ont en gros droit à une longue scène de présentations autour d’un feu de camp, quelques apparitions en arrière-plan, et une débâcle sanglante pour clore rapidement leur cachetonage.

Alors on se re-ennuie, jusqu’à l’arrivée au fameux canyon, où se déclenche la colère divine, où le western flirte allégrement avec le fantastique, et où une vague curiosité pointe le bout de son nez. Vague, très vague. Et on voit arriver la fin en se disant que la télévision et le western spaghetti ont du bon.

Mélodie pour un meurtre (Sea of Love) – de Harold Becker – 1989

Posté : 13 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, BECKER Harold, PACINO Al | Pas de commentaires »

Mélodie pour un meurtre

Le sexe comme arme du crime… Paul Verhoeven a une approche tellement frontale dans Basic Instinct qu’on a un peu le sentiment qu’il a inventé le thriller érotique. Ce qui, évidemment, est faux. En 1992, son film s’inscrivait même dans une tradition très ancrée, du Body Double de De Palma au Hot Spot de Dennis Hopper (deux grandes réussites), en passant par Liaison fatale et bien d’autres.

Sea of love n’est pas le plus sulfureux, loin s’en faut. Pas non plus celui où la température monte le plus haut. Harold Becker se montre un peu trop sage, à la fois dans la mise en scène du désir (les scènes de sexe sont passionnées, mais relativement prudes) et dans le trouble qu’il accorde au personnage principal. Al Pacino, qui étrenne ici le genre de flics qu’il retrouvera régulièrement dans les vingt années suivantes, lorsqu’il sera en manque d’inspiration.

Il est d’ailleurs très bien, Pacino. Mais à ce stade de sa carrière, l’inspecteur Frank Keller est sans doute le personnage le plus lisse qu’il a eu à interpréter. Ce qui est un comble : tout l’intérêt de ce thriller repose sur le fait que le flic, obsédé par son enquête et par sa principale suspecte, est constamment sur le fil du rasoir. Sans déflorer la conclusion du film, soulignons simplement qu’elle flanque par terre toutes les bonnes intentions initiales.

Passons. Sea of love reste, malgré tout, un polar diablement efficace, qui se voit et se revoit avec un plaisir intact. L’histoire est suffisamment retorse pour assurer le suspense. Pacino enquête sur des meurtres d’hommes, tués pendant l’acte sexuel après avoir répondu à des petites annonces de rencontre. Pour démasquer la tueuse, il décide avec son partenaire (le grand John Goodman) de passer lui-même des petites annonces… et tombe sur Ellen Barkin, étonnante, convaincante et sexy, qu’il soupçonne rapidement mais qu’il ne peut s’empêcher de désirer.

Ce jeu constant entre le désir et la peur, entre le sexe et la mort, sera traité de manière nettement plus frontale et troublante par Verhoeven. Mais même dans cette version sage et grand public, il donne un thriller très recommandable.

L’Ange exterminateur (El Ángel exterminador) – de Luis Bunuel – 1962

Posté : 12 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, BUNUEL Luis, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

L'Ange exterminateur

A la fin d’une soirée de la grande bourgeoisie, les hôtes « oublient » de rentrer chez eux. Le lendemain, ils réalisent qu’ils sont incapables physiquement de quitter la pièce où ils ont tous passé la nuit… Difficile de ne pas penser au Huis-clos de Sartre avec cette intrigante intrigue, mais Bunuel prend bien garde de prendre ses distances en insérant des images du monde extérieur. Pas question pour lui d’expliquer les causes de cette situation, qui doit finalement plus au pur fantastique du Village des damnés de Wolf Rilla. Qu’importe les causes, donc, seules les conséquences comptent vraiment.

Le parti-pris fantastique, avec ses incursions surréalistes (des moutons et un ours qui traversent la maison, une main qui s’anime), est surtout l’occasion de confronter des grands bourgeois à eux-mêmes. Et il ne faut pas longtemps pour que le vernis craque, d’abord par petites touches sournoises : des répliques acerbes, une absence d’empathie de plus en plus assumée… Puis avec une radicalité qui ne cesse de grandir.

Derrière son aspect de fable un peu poétique, parfois loufoque, Bunuel pointe du doigt le phénomène de caste, la frontière absurde que décide une certaine catégorie sociale autoproclamée supérieure. Que les domestiques « quittent le navire » dans les premières minutes, comme un réflexe naturel de défense, n’est pas un détail : il est temps de laisser ses grands hommes et ses grandes femmes si dignes révéler ce qu’ils sont réellement.

Et ce n’est pas bien glorieux, assène Bunuel, révélant derrière les apparences de ces bourgeois ce que l’humanité peut avoir de plus mesquine, ou de plus minable. Le poétique et le burlesque ont fait long feu : c’est alors l’extrême cruauté du regard qui domine. Et lorsque les dernières apparences sont tombées, et que Bunuel « lâche » enfin ses personnages, le voilà qui semble reprendre son dispositif dans l’enceinte d’une église, prêt à s’attaquer à sa nouvelle cible, tout aussi hypocrite et méprisable à ses yeux. Cruel, brillant, et grinçant.

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