Le Cavalier de la mort (Man in the Saddle) – d’Andre De Toth – 1951
Avant de tourner son fameux cycle westernien avec Budd Boetticher, Randolph Scott a eu une collaboration aussi dense et fructueuse avec Andre De Toth, l’autre grand borgne d’Hollywood. Ce Cavalier de la mort donne furieusement envie de voir tous leurs films communs. Il y a dans ce western une tension dans les séquences d’action, une inventivité dans les cadres, une manière aussi d’utiliser des décors familiers… Bref, un vrai ton, un enthousiasme radical dans l’appropriation de thèmes pourtant archi rabâchés dans le genre.
Randolph Scott, donc, impérial jusque dans la douleur, que l’on découvre noyant dans l’alcool ses peines de cœur : celle qu’il aime s’apprête à épouser le puissant propriétaire d’un grand ranch (Alexander Knox). Propriétaire qui s’est mis en tête d’absorber toutes les fermes alentours, en utilisant tous les moyens à sa disposition. Le thème est à peu près aussi vieille que le western, mais le film de De Toth le radicalise d’une manière surprenante, en faisant des jeunes mariés une sorte de nouveaux Macbeth, couple d’une froideur et d’une détermination glaçantes.
Il y a ainsi une certaine épure dans le traitement des personnages, quasiment réduits à des stéréotypes. Mais des stéréotypes pleins de vie, pleins de passions. Ce western, c’est un peu un chant d’amour pour le western en général. De Toth s’empare de thèmes et de situations classiques, pour les transcender par son seul amour immodéré pour le cinéma. Le film frappe ainsi constamment par la dramatisation des scènes, l’utilisation des décors naturels ou de studio, l’ajout d’une tempête au moment le plus dramatique, ou les contrastes entre la lumière et l’obscurité.
L’une des fusillades les plus spectaculaires se déroule d’ailleurs dans une obscurité complète, d’où ne surgissent que les explosions des coups de feu. Et c’est une scène d’une puissance (et d’une beauté formelle) exceptionnelle. Plus tard, c’est une bagarre à mains nues dans un chalet de montagne, littéralement détruit sous les coups des deux protagonistes. Et peu importe si Scott et son antagoniste joué par John Russell sont dans la plupart des plans remplacés par des doublures très visibles, la brutalité et la vivacité de la mise en scène font tout oublier.
Il y a comme ça des tas de moments forts : une longue fusillade utilisant les moindres recoins d’un ranch, une pause musicale dans la nuit… Pur plaisir de cinéma que ce western qui se joue des codes du genre avec gourmandise. Il y a dans ces séries B des trésors à redécouvrir, et De Toth vaut bien Boetticher.