Le Singe qui parle (The Monkey talks) – de Raoul Walsh – 1927
Voilà une curiosité à plus d’un titre. D’abord parce que le film est particulièrement méconnu dans l’œuvre foisonnante de Raoul Walsh, et qu’il n’en reste qu’une copie légèrement incomplète et surtout en très mauvais état. Et puis parce qu’on se demande un peu ce que Walsh est venu faire dans cette entreprise si improbable.
En fait non, on imagine bien ce qui a pu séduire le cinéaste : cette amitié indéfectible entre hommes, qui donne d’ailleurs sans doute le plus beau plan du film. Un plan tout simple, d’une sobriété qui tranche radicalement avec l’exubérance générale : l’un des personnages principaux qui jure à son meilleur ami, en lui posant une main sur l’épaule, que lui-même ne déclarera pas sa flamme à la femme qu’ils aiment tous les deux tant que l’autre n’aura pas pu retirer son masque de singe…
Et là je sens bien qu’il est temps d’évoquer l’histoire de The Monkey talks. On a donc quatre hommes qui se retrouvent sans le sou après que la police a saisi le cirque dans lequel ils travaillaient, et qui décident de s’unir à la vie à la mort autour d’une idée géniale : et si on faisait passer l’un de nous pour un singe qui parle ? Fortune assurée… On appelle ça une idée « What the fuck », et c’est un Français qui l’a eue : René Fauchois, l’auteur de la pièce (à succès), qui sera aussi celui de Boudu sauvé des eaux.
Avec un tel postulat, difficile de prendre le film vraiment au sérieux. Surtout que le dernier tiers est une succession de rebondissements plus improbables encore. On y voit un vrai singe par lequel des jaloux aigris remplacent le faux. Le vrai singe qui s’échappe très habilement, libère un lion féroce, et agresse la jolie héroïne de l’histoire… On assiste à ça assez fasciné, un peu par le rythme impeccable (on n’en attend pas moins de Walsh), beaucoup par ce grand n’importe quoi totalement revendiqué.
Pourtant, The Monkey talks ne penche jamais vraiment du côté de la franche rigolade. Ce qui domine malgré tout, et c’est là surtout qu’on reconnaît la touche du cinéaste, c’est la force de cette amitié masculine qui tremble à peine devant les charmes pourtant bien réelles des deux personnages féminins : la douce Olive Borden (vue l’année précédente chez Ford dans Trois sublimes canailles), et la vile Jane Winton (second rôle dans L’Aurore), toutes deux également sexy.
Les plus beaux moments du film n’évoquent d’ailleurs clairement pas la comédie : un superbe travelling vertical très romantique, ou une attaque filmée de manière très dramatique en ombre chinoise… The Monkey talks est une œuvre bien mineure dans la carrière de Walsh. Mais même là, l’intensité de son regard est bien présente.