Mr. Majestyk (id.) – de Richard Fleischer – 1974
Mr. Majestyk est à la fois très con, et très réussi. L’un des derniers excellents films de Fleischer avant une fin de carrière assez problématique, et l’un des meilleurs « véhicules » pour un Charles Bronson au sommet, qui venait de tourner le premier Justicier dans la ville. Tout en reprenant le thème du citoyen qui n’est jamais mieux protéger que par lui-même, le film de Fleischer est nettement plus intéressant, et percutant, que celui de Michael Winner.
S’il y a une comparaison à faire, elle se tournerait plutôt vers Rambo, dont Mr. Majestyk est probablement une influence majeure. Dans les deux cas, le héros est un vétéran du VietNam qui ne demande rien à personne, mais qui devient la proie de prédateurs… avant de renverser la situation et de devenir lui-même le chasseur, en utilisant le terrain qui l’entoure. On l’imagine bien : avec son visage rude et sa carrure massive, Bronson fait un pré-Rambo très convainquant.
Il parle peu, Bronson, mais c’est hélas encore trop. Taiseux, il est un parfait en vétéran avide de tranquillité. Quand il ouvre la bouche, c’est pour sortir une réplique lourdement cool qui ruine immanquablement la crédibilité de son personnage. C’est étonnant (le scénar est signé Elmore Leonard, pas un manchot pourtant), et c’est très con, donc. Etonnant aussi : le personnage du flic (joué par Frank Maxwell), qui semble avoir 20 ans de trop pour l’être (flic), et qui se contente d’apparaître de loin en loin en traversant l’écran tranquillement, les mains dans les poches. « Vous ne voulez pas connaître ma version ? » s’étonne Bronson. Ben non…
Assez con aussi, le grand méchant, tueur bas du front (Al Lettieri, une gueule à défaut d’être un grand acteur) qui prend constamment les plus mauvaises décisions, et qu’un génial avocat réussit à blanchir malgré une évasion très sanglante. Evasion qui constitue le premier gros coup de fouet du film : là, avec une violence aussi cinglante que sèche, Fleischer rappelle brillamment qu’il a été l’un des grands spécialistes du film noir sec et tendu au tournant des années 1950.
Mais c’est surtout dans sa manière d’inscrire le thriller dans un contexte westernien que Fleischer marque des points avec son film. Le décor principal d’abord, autour d’immenses champs de pastèques dépouillés de tout attrait de carte postale. Bronson est l’interprète idéal dans cette Amérique profonde très éloignée du folklore hollywoodien habituel. Rien de glamour ici : juste l’Amérique laborieuse, dont Bronson est une parfaite incarnation.
Dans ce décor westernien, Fleischer signe une longue séquence de poursuite assez formidable, entre canyon et grandes étendues désertes. Cette scène, brillamment réalisée et d’une intensité folle, mérite à elle seule de découvrir ce Mr. Majestyk imparfait, mais passionnant.