Mélodie pour un meurtre (Sea of Love) – de Harold Becker – 1989
Le sexe comme arme du crime… Paul Verhoeven a une approche tellement frontale dans Basic Instinct qu’on a un peu le sentiment qu’il a inventé le thriller érotique. Ce qui, évidemment, est faux. En 1992, son film s’inscrivait même dans une tradition très ancrée, du Body Double de De Palma au Hot Spot de Dennis Hopper (deux grandes réussites), en passant par Liaison fatale et bien d’autres.
Sea of love n’est pas le plus sulfureux, loin s’en faut. Pas non plus celui où la température monte le plus haut. Harold Becker se montre un peu trop sage, à la fois dans la mise en scène du désir (les scènes de sexe sont passionnées, mais relativement prudes) et dans le trouble qu’il accorde au personnage principal. Al Pacino, qui étrenne ici le genre de flics qu’il retrouvera régulièrement dans les vingt années suivantes, lorsqu’il sera en manque d’inspiration.
Il est d’ailleurs très bien, Pacino. Mais à ce stade de sa carrière, l’inspecteur Frank Keller est sans doute le personnage le plus lisse qu’il a eu à interpréter. Ce qui est un comble : tout l’intérêt de ce thriller repose sur le fait que le flic, obsédé par son enquête et par sa principale suspecte, est constamment sur le fil du rasoir. Sans déflorer la conclusion du film, soulignons simplement qu’elle flanque par terre toutes les bonnes intentions initiales.
Passons. Sea of love reste, malgré tout, un polar diablement efficace, qui se voit et se revoit avec un plaisir intact. L’histoire est suffisamment retorse pour assurer le suspense. Pacino enquête sur des meurtres d’hommes, tués pendant l’acte sexuel après avoir répondu à des petites annonces de rencontre. Pour démasquer la tueuse, il décide avec son partenaire (le grand John Goodman) de passer lui-même des petites annonces… et tombe sur Ellen Barkin, étonnante, convaincante et sexy, qu’il soupçonne rapidement mais qu’il ne peut s’empêcher de désirer.
Ce jeu constant entre le désir et la peur, entre le sexe et la mort, sera traité de manière nettement plus frontale et troublante par Verhoeven. Mais même dans cette version sage et grand public, il donne un thriller très recommandable.