Une gamine charmante (The Patsy) – de King Vidor – 1928
Voilà un Vidor totalement inattendu. Léger, charmant et drôle : des mots que l’on n’associe pas forcément immédiatement à l’œuvre du cinéaste, souvent nettement plus sombre et engagé. Vidor sort d’ailleurs de La Foule, l’un de ses chefs d’œuvre, film social et engagé d’une ampleur rare, où la légèreté n’est pas vraiment de mise. The Patsy, avec lequel il enchaîne la même année, a donc tout d’une simple récréation.
C’est un peu rapide : cette « récréation » dévoile surtout le talent insoupçonné de Vidor pour la comédie, qu’il filme avec la même intensité, la même science du rythme et de la dramaturgie que ses grands drames. L’histoire, pourtant, semble réduite à la plus grande simplicité, débarrassée de tout artifice dramaturgique trop facile. C’est donc d’une simplicité confondante.
Une toute jeune femme, amoureuse du fiancée de sa sœur. Sœur pas sympa d’ailleurs, qui prend un malin plaisir, tout comme leur mère, à harceler et martyriser la pauvrette, défendue timidement par un papa gentiment soumis. Et le fiancé ? Il n’a d’yeux, comme tous les hommes, que pour la méchante sœur, la trop douce héroïne passant presque inaperçue.
Elle est pourtant charmante, cette jeune femme, incarnée par Marion Davies, la pauvre starlette réduite à jamais dans l’histoire du cinéma à la maîtresse de William Randolph Hearst. The Patsy prouve qu’elle est bien plus que ça : une vraie actrice, une star en puissance même, craquante et pleine de malice, frêle silhouette qui dévore l’écran face à la sœur interprétée par Jane Winton, et tout le reste du casting.
Il y a aussi Marie Dressler, l’imposante, le dragon, gargantuesque comme toujours en mère castratrice et odieuse. Une relecture tout à fait crédible de la marâtre de Cendrillon… A ceci près que le prince charmant est à baffer, et que Vidor est un humaniste que rien n’intéresse tant que les sursauts de bonté des plus affreux de ses personnages.
The Patsy est donc un film vraiment léger, triangle amoureux plein de drôlerie, véritable tourbillon superbement réalisé par un Vidor qui ne renonce en rien à ses ambitions esthétiques avec cette bluette. Un travelling savant dans un club, le parallèle très évocateur de deux couples en formation à bord d’un yacht pour l’un et d’un canot à rames pour l’autre, des imitations saisissantes de quelques stars de cinéma (dont Lilian Gish, pour qui Vidor avait une passion)… Léger et presque anodin sur le fond, The Patsy est une merveille, digne des grands classiques du cinéaste.