La Minute de vérité – de Jean Delannoy – 1952
Scènes de la vie conjugale… Jean Delannoy se prend pour Ingmar Bergman et, miracle, ça fonctionne plutôt bien. Sans crier au génie, le film explore de manière convaincante les affres d’un couple confronté à l’infidélité. Et pas n’importe quel couple : celui de Quai des brumes et Remorques, Michèle Morgan et Jean Gabin. Pour eux, La Minute de vérité est en quelque sorte les Noces rebelles de Kate Winslet et Di Caprio, après Titanic.
Un couple mythique du cinéma français, donc, que l’on a découvert dans l’euphorie tragique du coup de foudre, et que l’on retrouve en mari et femme bien installés, dont l’équilibre qui semble si parfait s’écroule lorsqu’une vérité bien cachée apparaît, par hasard. Gabin donc, médecin qui découvre sur la table de chevet d’un suicidé une photo de sa propre épouse. Coup de massue, pilier qui s’effrite…
Le face-à-face qui suit entre Michèle Morgan et Jean Gabin est à la fois d’une grande force, et d’une grande justesse. Grâce aux dialogues d’Henri Jeansson notamment, qui soulignent bien la complexité de la situation : la fragilité de la femme adultère, et l’arrogance patriarcale du mari bafoué, qui balaye d’un revers de la main ses propres infidélités, forcément bénignes à côté de la vraie trahison. Sans doute le film aurait-il été plus fort s’il s’était focalisé sur ce seul face-à-face, plutôt que de se perdre (un peu) dans de longs flash-backs qui nous dévoilent tout du drame.
Parce que c’est là que le film est le plus convainquant, et le plus beau : dans ce face-à-face entre le mari et la femme, Gabin et Morgan, deux acteurs formidables, confrontés pour une fois à un drame parfaitement quotidien. Jeansson, décidément, a un talent exceptionnel pour donner du corps aux affres du couple, lui à qui on devait déjà le superbe Les Amoureux sont seuls au monde, de Decoin. La Minute de vérité n’est pas tout à fait de ce niveau, mais il offre à Gabin l’un de ses très beaux rôles de ces années-là, et l’un de ses premiers très gros succès populaires d’après-guerre, deux ans avant Touchez pas au grisbi.