Qui donc a vu ma belle ? (Has anybody seen my gal ?) – de Douglas Sirk – 1952
Dix ans après ses débuts hollywoodiens, Sirk peaufine ce style inimitable qui fera la beauté des grands mélos qu’il n’allait pas tarder à enchaîner avec bonheur. Une petite ville de province, des couleurs automnales, une manière si chaude et élégante d’utiliser les saisons… Le ton est encore très différent, mais une image, surtout, annonce presque à l’identique l’un des plus beaux plans de Tout ce que le ciel permet : la jeune héroïne, qui voit ses rêves s’envoler, observe avec mélancolie la neige qui se met à tomber derrière une large baie vitrée.
C’est beau. Triste et beau. Et ce court moment romantique mais chargé d’amertume porte la marque du grand cinéaste qu’est, déjà, Sirk. A partir de All I desire, l’année suivante, la comédie n’aura plus beaucoup de place dans son œuvre. Voire même plus du tout à vrai dire. Il s’y montre pourtant très à l’aise, avec un style qui lui est propre. On aurait un peu vite tendance à le comparer à Frank Capra ici, pour certains thèmes et motifs au cœur du film : cette petite ville qui évoque le Bedford Falls de La Vie est belle, le vieux grippe-sous qui se découvre un grand cœur, le pouvoir de l’argent… Mais non. Sirk le romantique filme certes une histoire pleine de bons sentiments, mais avec une bonne dose d’acidité franchement réjouissante.
Le vieux grippe-sou, donc, c’est l’excellent Charles Coburn, réjouissant dans le rôle (presque omniprésent) d’un homme richissime qui a l’intention de léguer sa fortune à la famille qu’a eu celle qu’il a aimé sans retour, bien des années plus tôt. Mais avant de signer son testament, il décide de mener incognito une sorte d’enquête de moralité auprès de cette famille qu’il ne connaît pas. Une famille parfaite, joyeuse, pleine de vie, de bonté, qu’un mystérieux chèque anonyme va bouleverser.
Le message n’est pas franchement léger. La manière dont cette famille si attachante est transformée par une soudaine fortune est mise en scène avec un excès assumé. Mais qu’importe : Sirk n’est pas là pour prendre son temps. Tout est mouvement dans son film. On ne cesse d’entrer ou de sortir du cadre, les groupes se font, se défont. On chante et on danse, même, comme dans une comédie musicale. Quand on gravit les échelons de la société, on le fait en gravissant une colline, et quand on touche le fond, c’est dans une cellule située au sous-sol…
En vieil ange gardien joyeusement indigne, Charles Coburn trouve l’un de ses très grands rôles. A ses côtés, Piper Laurie est une irrésistible bourrasque, que le pauvre Rock Hudson a bien du mal à retenir. Il est encore très en retrait, mais ce film contribuera à faire de lui une star. Il marque surtout le début d’une grande collaboration avec Sirk, qui le dirigera encore à six reprises (et pas dans n’importe quoi : du Secret magnifique à La Ronde de l’aube, que de chefs d’œuvre).
Et tant qu’on en est aux presque débutants, on remarquera le temps d’une très courte scène l’apparition d’un tout jeune James Dean, qui a droit à une dizaine de secondes de présence à l’écran, mais dans un plan rien que pour lui et avec un monologue très enthousiaste.
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