African Queen / L’Odyssée de l’African Queen / La Reine africaine (The African Queen) – de John Huston – 1951
J’ai toujours eu un faible pour ce Huston là, sans doute moins parfait que Le Faucon maltais, Quand la ville dort ou Le Trésor de la Sierra Madre, mais tellement attachant. Sans doute surtout parce que le film est avant tout une histoire d’amour comme il n’y en a peu dans l’histoire du cinéma. Malgré le contexte guerrier, Huston raconte là une romance d’une tendresse rare, totalement dénuée de mesquinerie, ou même d’ego. La rencontre au bout du monde, dans un univers qui sombre dans le chaos, de deux êtres radicalement différents, mais tous deux d’une innocence pure.
Humphrey Bogart a décroché un Oscar pour le rôle de « Mr. Allnut », le capitaine mal dégrossi et mal rasé d’un petit vapeur qui transporte le courrier sur une rivière paumée d’Afrique noire. Katharine Hepburn est une vieille fille un peu rigide, missionnaire vivant là depuis dix ans, loin de leur Angleterre natale. Deux solitudes que tout oppose, mais que les premiers soubresauts de la guerre « enferment » sur l’African Queen (le nom du bateau) le temps d’un voyage vers l’inconnu.
Qu’importe le but même du voyage. Pour Huston, c’est le voyage lui-même qui compte, et comment il va marquer les existences de ces deux là. Ce qui frappe avant tout dans leurs rapports, ce sont les marques de respect, la douceur même de leurs échanges, malgré les aspects grossiers de l’un et le côté un rien tyrannique de l’autre. Ce qui les oppose est évident. Ce qui les rapproche l’est finalement tout autant, mais tout en délicatesse.
Il arrive à Huston de prendre ses films à la légère. Ici, il se montre d’une délicatesse rare, visiblement sous le charme de ses deux personnages et de l’étrange histoire d’amour qui se noue. Il a raison. C’est très beau, d’une sensibilité et d’une douceur extrêmes, avec un mélange de dérision et d’émotion constamment juste.
A voir et à revoir African Queen, on reste envoûté par cette love story, comme par la fluidité du récit, à peine troublé par quelques transparences techniquement discutables. Mais l’essentiel a été tourné en Afrique, dans des décors réels (comme le racontera Clint Eastwood en interprétant un certain John Wilson dans son très beau Chasseur blanc, cœur noir) qui font beaucoup pour la réussite picturale du film. On sent l’humidité, la chaleur et la moiteur comme on sent l’émotion qui étreint les personnages. Sous le charme, une fois de plus.