Notre pain quotidien (Our daily bread) – de King Vidor – 1934
Grand, grand film sur la Grande Dépression. Cinq ans avant Les Raisins de la colère, King Vidor signe déjà une grande ode à la solidarité, et un superbe chant d’amour à ses individus oubliés par la société. Mais Vidor n’est pas Ford. Sa vision à lui converge constamment vers l’idée de foule, comme dans son chef d’œuvre de 1928, et toujours en ancrage dans le contexte qu’il filme.
Il y a aussi parfois un peu de naïveté dans le cinéma de Vidor, en particulier dans cette décennie 1930. Mais cette naïveté est d’une pureté qui emporte tout : la beauté de celui qui ne peut s’empêcher de croire en l’être humain, tout en ayant conscience de ses limites et de ses faiblesses.
Le héros de Notre pain quotidien, car il y en a un quand même, est un chômeur pauvre mais bien marié, qui hérite d’une ferme abandonnée. Les deux amoureux n’y connaissent pas grand-chose à la terre, mais ils ont du cœur. Et ils ne tardent pas à ouvrir la porte à un fermier (John Qualen, qui sera aussi des Raisins…) chassé de ses terres avec sa famille, puis à d’autres laissés pour compte, jusqu’à créer une sorte de communauté idéale.
Vidor est sans doute un plus grand utopiste que Ford. C’est ainsi qu’il filme la foule : non pas comme une masse inhumaine et déshumanisante, mais comme une utopie, une accumulation de personnalités, qui trouve son apogée dans la séquence finale, magnifique et dramatique, et cette eau qui surgit du haut d’une colline pour irriguer le champ et le cœur des personnages.
Tout converge vers ce geste sublime et ultime, presque comme un programme social, politique et humain : la volonté de renverser l’ordre établi qui exclut tant de personnes, et qui a tant tendance à titiller les pires instincts de chacun. Mais l’humanité est la plus forte. Notre pain quotidien, film profondément américain par un certain évangélisme, est aussi et surtout une grande œuvre universelle qui continue à faire rêver d’un monde meilleur.
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