Le Rebelle (The Fountainhead) – de King Vidor – 1949
Du roman d’Ayn Rand, énorme succès lors de sa sortie six ans plus tôt, King Vidor tire un grand film aussi simple en apparence qu’ambitieux sur le fond. Une allégorie, en fait, dont la construction ne doit rien au réalisme, et tout à la signification. Tout un symbole, Gary Cooper, créateur qui semble d’une froideur à toute épreuve : un pur, incorruptible, imperméable à toutes les pressions, toutes les concessions, tout ce qui n’est pas son art et sa vision propre de l’art. Un individu absolu.
The Fountainhead est un beau film sur la création, sur l’art, sur la conviction et sur l’honnêteté intellectuelle. C’est aussi, et surtout, un film sur l’individu face à la foule, un thème que connaît bien Vidor, le réalisateur de l’immense La Foule bien des années plus tôt. Tout dans ce film converge vers ce thème. Les facilités de l’intrigue, ces rencontres impromptues si improbables à travers New York et les Etats-Unis qui ponctuent la relation si complexe entre Cooper et Patricia Neal tournent ouvertement le dos à la vraisemblance. Comme la détermination jusqu’au-boutiste du héros, cette manière qu’il a d’aller au procès sans une goutte de sueur, ou de se dresser au sommet du gratte-ciel, tel qu’il doit être, tout simplement.
Le film est remarquablement construit, ce qui est le moins quand il est question d’architectes. Il est direct, passionnant, riche en rebondissements, et simple. Mais d’une richesse qui ne cesse de surprendre par la justesse et la profondeur qui s’en dégage. En faisant fi de la vraisemblance, Vidor n’hésite pas à forcer le trait, faisant de la « foule » une bête sans visage et sans volonté propre, une force qui terrasse tout, sans sentiment.
Il flirte dangereusement avec l’anticommunisme primaire, fait craindre le pire dans cette direction. Mais non. En confrontant l’architecte Cooper à ses détracteurs, à ceux qui lui reprochent son droit d’être unique, et qui s’interrogent sur l’utilité d’un homme qui ne répond pas aux attentes de la foule, le film dézingue tout système niant l’individu, ici ou là, sans notion géopolitique. Une allégorie, une fable presque, d’une beauté radicale.
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