Ready Pleayer One (id.) – de Steven Spielberg – 2018
Roi du pop-corn movie ou grand auteur… Spielberg ne choisit pas. Sa filmographie témoigne même d’une envie folle de passer d’un extrême à l’autre, particulièrement ses dernières années : Le BGG succède au Pont des Espions… Ready Player One succède à Pentagon Papers. Deux cinémas qui semblent aux opposés l’un de l’autre : le premier renvoyant vers les rêves et la folie de l’enfance, le second s’ancrant dans une réalité plus rude, plus amère même.
Avec Ready Player One, quand même, Spielberg semble franchir un nouveau pas. Visuellement d’abord, ce film de science-fiction bourré d’effets spéciaux et de furie s’inscrit dans la lignée esthétique des grands films « adultes » de Spielberg. Cette image comme saturée, presque monochrome, évoque aussi bien Pentagon Papers… que Minority Report, autre film de SF au ton pourtant bien différent.
Ready Player One, adaptation d’un roman que Spielberg voulait porter à l’écran depuis des années, multiplie les clins d’œil au pop-corn movie qu’il a en grande partie inventé. On ne va pas se lancer dans un listing des références qui défilent à l’écran : de la DeLorean de Retour vers le Futur aux dinosaures de Jurassic Park, en passant par King Kong, Alien, Terminator (et j’arrête là), il y en a des dizaines… des centaines peut-être. Mais c’est un peu plus qu’une simple ode aux années 80, ou à un certain cinéma dont Spielberg fut le meilleur ambassadeur.
Il est question de réalité virtuelle, d’un univers numérique dont les humains, dans un avenir relativement proche, sont des captifs volontaires. C’est dans ce monde de jeux vidéos où chacun se réfugie que l’univers pop devient une sorte de réalité de substitution, et où toutes les références sont possibles. Spielberg en dénonce les dangers sans cracher dans la soupe. L’homme est un grand amoureux des jeux vidéos. C’est aussi un vrai lucide qui, derrière le gigantisme de l’entreprise, semble se livrer comme rarement.
Le personnage de Mark Rylance, inventeur de « l’OASIS », le fameux monde virtuel, est un homme dépassé par sa création, qui regrette le temps d’avant, quand tout était… comme avant. En gros quand l’univers des jeux vidéos servait à jouer, pas à se réfugier. Un homme qui tente de revenir à l’essence essentiellement légère de sa création… Et on jurerait qu’il s’agit de Spielberg lui-même, créateur d’un cinéma de pur divertissement qui n’a cessé depuis quarante ans de s’asphyxier, Spielberg lui-même devenant paradoxalement une exception dans un cinéma formaté autour de ses propres films.
Ready Player One claironne son message un peu naïvement au final : rien ne vaut la réalité, parce qu’elle est réelle. La virtuosité de Spielberg, si spectaculaire soit-elle, trouve ses limites dans un cinéma où les effets numériques rendent possibles tous les excès. Mais il y a ce supplément d’âme que l’on attend dans tout bon Spielberg, une manière de renouveler le genre, de jouer avec les allers-retours entre virtualité et vraie vie, avec une dextérité folle, et surtout de réinventer les grandes figures du cinéma pop pour un trip plein de surprises. La virée dans l’Overlook de Shining mérite à elle seule le voyage…