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Archive pour septembre, 2021

La Marseillaise – de Jean Renoir – 1938

Posté : 9 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

La Marseillaise

C’est peut-être le plus inattendu des projets de Renoir, au moins sur le papier : le cinéaste des Bas-Fonds et de La Grande Illusion (ses deux précédents films) qui signe une fresque en costumes sur la Révolution française. Etrange. La Marseillaise fait effectivement un peu l’effet d’intrus dans une série exceptionnelle de chefs d’œuvre (La Bête humaine et La Règle du Jeu suivront), mais le résultat est bel et bien une œuvre très personnelle.

Loin de la fresque en costumes telle qu’on se l’imagine, en fait. La construction, succession de moments plus ou moins clés de la Révolution, paraît classique, mais Renoir est, définitivement, l’anti-Eisenstein par excellence. Son film (son récit plutôt, comme il l’annonce dans les cartons qui ouvrent et ferment le film) suit certes le souffle de l’époque, mais il ne s’intéresse au fond qu’aux individus.

La prise de la Bastille, qui ouvre le film, est un bon exemple : avec de tels moyens, n’importe quel cinéaste aurait reconstitué l’événement. Lui n’en montre rien, si ce n’est la faible réaction d’un Louis XVI (joué par son frère Pierre Renoir) trop occupé à calmer une fringale d’après partie de chasse. Jusqu’aux Tuileries, deux heures ou quelques années plus tard, Renoir ne se départira jamais de ce credo : filmer les hommes et les femmes. C’est par leurs regards, leurs réactions, leurs sentiments, que se raconte et que se fabrique l’Histoire.

Ce choix de rester au plus près de l’humain, Renoir l’assume pleinement, évitant consciencieusement d’adopter un ton grandiloquent, ou trop spectaculaire. Souvent, l’action se passe à l’arrière plan, telles ces volutes de fumée que voient au loin quelques-uns des personnages principaux reclus dans leur montagne, dans les hauteurs de Marseille. Eisenstein filmait la foule, Renoir, lui, filme des êtres humains, dont chacun à sa propre humanité.

Film personnel, dans lequel on retrouve la vision des rapports humains chère à l’auteur de La Grande Illusion. Cette camaraderie qui dépasse la couleur de l’uniforme, les hasards de la naissance, le poids des traditions… Le film est tourné quelques mois après le Front Populaire, et il n’est évidemment question que de ça dans La Marseillaise, que Renoir reconnaissait avoir tourné parce que c’était la période qui se rapprochait le plus de ce que les Français venaient de vivre.

Il livre un regard enthousiaste, plein d’espoirs mais pas dupes : une sorte de rêve d’universalité et d’émancipation qui se heurte à la violence du monde et des hommes, et aux dérives des rêveurs. Son film flirte par moments avec la naïveté, et on se demande même s’il ne va pas allégrement tordre la vérité historique pour mieux parler de 1936. Jusqu’à la conclusion des Tuileries et l’apparition du personnage de Louis Jouvet qui, avec amertume et gravité, annonce les heures sombres de la Terreur.

Indiscrétions (The Philadelphia Story) – de George Cukor – 1940

Posté : 8 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, CUKOR George, STEWART James | Pas de commentaires »

Indiscrétions

Magique. Tout simplement magique, le mouvement que donne Cukor à cette merveilleuse comédie du remariage. Sommet de la comédie de l’âge d’or, chef d’œuvre, un film à peu près parfait. Que peut-on même ajouter à ça ?

D’où, quand même, vient que Indiscrétions est à ce point une réussite exceptionnelle. Après tout, Cukor aborde un genre qu’il connaît très bien, celui de la comédie sophistiqué. Katharine Hepburn incarne une héritière un rien hystérique qui rappelle sa collaboration avec Howard Hawks. Cary Grant à ce mélange de raffinement et de faux détachement qui lui va si bien. James Stewart trouve l’un de ces rôles qu’il connaît par cœur, où il met maladroitement le pied dans un monde qui n’est pas le sien… Bref : un film presque routinier, sur le papier.

Alors peut-être est-ce la convergence de tous ces talents au sommet de leur talent, chacun atteignant l’apogée de ce qui le caractérise le mieux. Mais Indiscrétions est un chef d’œuvre qui domine ce genre alors très en vogue. Un film qui atteint un équilibre parfait de la première à la dernière image, dans un mouvement totalement irrésistible.

Hepburn, donc, riche héritière sur le point de se remarier avec un parvenu guère séduisant (Cukor semble quand même très attaché à une certaine forme de noblesse, gentiment patriarcale). Son ex Cary Grant qui débarque dans la fête pour réveiller les consciences, embarquant avec lui un grand benêt de journaliste à scandale (Stewart) et sa photographe qui n’a de lieu que pour lui.

Ces personnages se croisent, avec une légèreté qui n’est finalement qu’apparence. Il y a de la cruauté, un peu. Il y a surtout une douleur sourde : celle qui accompagne la prise de conscience des personnages, tirés de la tour d’ivoire qu’ils se sont créés pour se protéger des déceptions du monde. Le rythme du film évoque Lubitsch. L’humour rappelle Hawks. Mais Cukor est un vrai, grand romantique, qui au fond ne filme que l’amour qui se reconstruit.

Une double histoire d’amour, même, qui se trompe, prend des chemins de traverse, des impasses même, avant que les deux couples que l’on attend depuis les premières minutes ne se forment enfin, ou presque, lors d’un mariage qui n’était pas fait pour eux. Une merveille, vraiment.

Dunkerque (Dunkirk) – de Christopher Nolan – 2017

Posté : 7 septembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Dunkerque

En mai 1940, 400000 soldats alliés se retrouvent encerclés autour de Dunkerque, à portée de vue ou presque des côtes anglaises. Acculés sur terre, attaqués par les avions et les sous-marins allemands, ils tentent en vain de prendre la mer. L’Angleterre organise une vaste opération de sauvetage qui incluse l’intervention de centaines de bateaux civils qui, tous, convergent vers Dunkerque.

Cette défaite glorieuse, qui marque en quelque sorte la deuxième partie de la guerre, a inspiré plusieurs films à travers les décennies (dès 1942, dans Mme Minniver, et jusqu’à Week-end à Zuytcoot ou Reviens-moi). Forcément, Christopher Nolan ne pouvait pas en filmer une simple relecture. Sur le fond, rien de bien nouveau en fait. Nolan raconte l’histoire à travers les regards croisés de plusieurs personnages, trois essentiellement : un soldat coincé sur la plage (Fionn Whitehead), un marin à bord de son bateau de plaisance (Mark Rylance), et un pilote de la Royal Air Force (Tom Hardy).

Que Christopher Nolan nous plonge littéralement au cœur de la bataille n’est pas étonnant. D’abord parce que Spielberg et son Soldat Ryan, tous les réalisateurs qui s’attaquent à la seconde guerre mondiale s’inscrivent dans cette même ambition. Et puis parce que Nolan est avant tout un cinéaste de la perception. Dès les premières scènes, il nous y plonge totalement, avec une maîtrise de son art assez impressionnante, d’une efficacité et d’une fluidité de mouvement extraordinaires.

Une maîtrise presque trop parfaite, même : passées les premières minutes, volontairement foutraques, on ne ressent plus vraiment cette sensation de chaos qui nous saisit lorsque les premières bombes explosent, ce sentiment que les personnages ne savent pas vraiment ce qui se passe autour d’eux. L’action est toujours parfaitement compréhensible, et la tension d’une densité rare, qui vous serre le cœur jusqu’à la dernière image.

Les meilleurs films de Nolan sont souvent ceux dans lesquels il réfrène ses penchants aux scénarios emberlificotés. Dunkerque, pour le coup, est un film d’une simplicité extrême, si on cherche à en résumer l’histoire. Pas pour autant un recul dans les ambitions de Nolan. A la perception liée à la bataille à proprement parler, avec ses morts, ses explosions et ses peurs, s’ajoute une perception temporelle étonnante : les trois points de vue qui s’entremêlent ont chacun leur propre échelle de temps.

Sur la plage, le film raconte une semaine de survie ; sur le bateau, une journée ; dans l’avion, une heure. Parti-pris audacieux que Nolan introduit un peu lourdement par des surtitres introductifs, mais qu’il aborde là aussi avec une étonnante fluidité. Il joue avec ces échelles de temps différentes, qui prennent tout leur sens lorsqu’elles s’entrecroisent et se rejoignent. Et qui participent à l’intensité de ce nouveau trop sensoriel de Nolan, moins tape-à-l’œil et tout aussi brillant que son Interstellar.

La Bête s’éveille (The Sleeping Tiger) – de Joseph Losey (sous le pseudonyme de Victor Hanbury) – 1954

Posté : 6 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, 1950-1959, LOSEY Joseph | Pas de commentaires »

La Bête s'éveille

Sur la liste noire du McCarthysme, Losey s’exile en Europe, où il continue à tourner sous divers pseudonymes. Son nom ne figure donc pas au générique de ce Sleeping Tiger, attribué à un « Victor Hanbury », mais bel et bien l’œuvre de Losey. C’est aussi le premier de ses cinq films avec Dirk Bogarde, à qui il offrira son rôle le plus marquant dans The Servant, presque dix ans plus tard.

Ce premier film anglais a une filiation évidente avec les films américains de Losey, particulièrement avec son M. Dans les deux cas, le cinéaste dissèque les rouages du mal, avec une approche psychologique qui peut sembler simpliste par moments, et sous le couvert d’un film de genre. Et c’est vrai qu’on peut reprocher au film une psychologie un peu facile, voire discutable. Ou considérer que les trois personnages principaux ne sont, en fait, que des manipulateurs.

Bogarde, donc, en jeune délinquant « recueilli » par un grand psy qu’il a tenté de braquer, et qui a préféré l’héberger pendant six mois pour l’étudier « dans un cadre favorable ». Le samaritain ensuite, scientifique d’une placidité à toute épreuve (Alexander Knox, le héros du Vaisseau fantôme, lui aussi sur la liste noire d’Hollywood). Et l’épouse de ce dernier, modèle de femme aimante et dévouée (Alexis Smith, l’amoureuse d’Errol Flynn dans Gentleman Jim).

Un équilibre parfait, dont Losey filme les failles qui apparaissent, et ne cessent de grandir, dans ce qui s’apparente à un grand jeu de massacre, cruel et sous tension. Losey est un maître pour installer une atmosphère angoissante, de plus en plus étouffante, jusqu’au point de rupture. Chacun des trois personnages aura le sien, à sa manière, dans une succession de paroxysmes assez glaçants.

Plus glaçants que réellement convaincants d’ailleurs. Mais pas sûr que le réalisme à tout prix soit la priorité de Losey, qui semble transformer la belle maison familiale en décor de film d’horreur gothique au fur et à mesure que le drame se met en place, comme un piège qui se refermerait sur les personnages. C’est finalement dans le plaisir du pur film de genre que The Sleeping Tiger prend toute sa dimension.

Premiers pas dans la mafia (The Freshman) – d’Andrew Bergman – 1990

Posté : 5 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, BERGMAN Andrew | Pas de commentaires »

Premiers pas dans la mafia

Un étudiant en cinéma débarque à New York et rencontre un personnage fascinant, sosie du Parrain de Coppola. Scénariste chevronné et cinéaste quasi-débutant, Andrew Bergman a une grande idée doublée d’une chance incroyable : le film tourne autour d’un sosie de Brando ? Brando lui-même accepte d’endosser le rôle et de parodier son rôle le plus iconique, dont il reprend l’apparence, la gestuelle et la voix voilée.

Film événement donc, forcément, sorti comme un clin d’œil pas anodin la même année que Le Parrain 3. L’ombre du Parrain premier du nom et du Parrain 2 plane constamment sur cette comédie aussi anodine que maline : à la fois sur l’imagerie qui entoure le personnage de Brando, et sur l’étudiant joué par Matthew Broderick, à qui des extraites des deux films sont régulièrement projetés. Les parallèles entre les films de Coppola et l’intrigue de celui-ci sont importants, révélateurs de l’engrenage dans lequel le jeune homme se laisse entraîner.

Malin, mais limité dans son ambition, le film se résume quand même assez largement à la rencontre de ces jeunes gens cinéphiles biberonnés aux Parrains avec cet ersatz de Don Corleone. Le reste est sympathique, frais et enlevé, mais aussi un peu vain. Chouette clin d’œil d’un Brando en bout de course, grand souvenir pour un Broderick déjà à l’acmé de sa carrière.

La Cible (Targets) – de Peter Bogdanovich – 1968

Posté : 4 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, BOGDANOVICH Peter | Pas de commentaires »

La Cible

Cinéaste cinéphile, Peter Bogdanovich offre à Boris Karloff son baroud d’honneur, à la fois clin d’œil à la longue filmographie du grand comédien d’horreur, et belle manière de l’inscrire de son vivant dans l’histoire du cinéma. Byron Orlock, s’appelle-t-il dans le film, mais ce patronyme sonne d’emblée comme un double pas peine déguisé de Karloff, d’autant plus que Byron Orlock est un acteur vieillissant, spécialiste de l’horreur, dont on voit des extraits de films : Criminal Code de Howard Hawks (premier grand rôle de Karloff) et surtout The Terror de Corman, dont de longs extraits ouvrent et referment le film.

La Cible a des allures de série B imaginée pour donner à Karloff un dernier rôle à sa mesure. C’est bien plus que ça : cri d’amour à un cinéma déjà disparu (« Tous les bons films ont déjà été faits », se désole Peter Bogdanovich, acteur de son propre film) et vision assez terrifiante de l’Amérique contemporaine. « Que cette ville est devenue laide », lance Karloff/Orlock avec dégoût dans une rue de Los Angeles dominée par les usines et les voitures. Et que l’âge d’or d’Hollywood semble loin.

Bogdanovich, c’est vrai, a une tendance à avoir le regard braqué vers le passé. Et ce n’est pas sur ce blog qu’on lui lancera la première pierre. Mais en confrontant ce regard plein de déférence à celui qu’il porte sur une société moderne malade, il fait de son film une œuvre assez radicale, un rien dérangeante. La violence du cinéma n’a rien à voir avec celle de la vraie vie, assure-t-il tout en réalisant un film sur la violence de la vraie vie.

Karloff/Orlock se sent dépassé, parce que la terreur qu’il incarnait à l’écran depuis bien des décennies est devenue « kitsch » face à celle qui occupe les journaux. Bogdanovich confronte ces deux violences radicalement opposées, d’abord en parallèle, jusqu’à une rencontre assez formidable où la frontière entre la vie et l’écran semble se dissoudre.

Deux hommes, deux générations : le vieil acteur, fatigué et dépassé par le monde qui l’entoure, tel qu’il est devenu. Et le jeune homme bien comme il faut, qui mène une vie tellement propre et aseptisée qu’il en perd toute humanité : une maison de banlieue comme tant d’autres, qu’il partage avec des parents parfaitement réactionnaires, des soirées passées devant des émissions de télévision idiotes (et pas devant des films), une femme très souriante… et un malaise qui ne cesse de croître.

Le personnage de Karloff est très réussi, celui de Bobby (Tim O’Kelly), inspiré par l’auteur de la tuerie de l’université d’Austin en 1966, est particulièrement marquant, et dérangeant : Bogdanovich, en le filmant au plus près du visage, capte et fait partager la sensation d’étouffement du personnage, ses idées noires, sa pulsion meurtrière qui affleure et qu’il n’ose d’abord pas laisser éclater. Il y a dans ses scènes une tension rare, qui bouscule et qui ne laisse pas indemne. Belle fin de carrière pour Karloff, beaux débuts pour Bogdanovich, qui ne fera guère mieux.

Le Retour de la Panthère Rose (The Return of the Pink Panther) – de Blake Edwards – 1975

Posté : 3 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, EDWARDS Blake | Pas de commentaires »

Le Retour de la Panthère rose

Onze ans après Quand l’Inspecteur s’emmêle, ce troisième volet de la saga La Panthère rose marque aussi le début de ce qui devait être une fin de carrière largement dominée par l’inspecteur Clouseau, à la fois pour le réalisateur Blake Edwards et pour son interprète Peter Sellers, tous deux n’échappant plus au personnage qu’épisodiquement jusqu’à la mort de Sellers en 1980 (on peut quand même retenir Bienvenue Mister Chance pour l’acteur).

C’est le début d’une sorte de facilité peut-être, aussi, même s’il faudrait revoir les épisodes suivants pour s’en assurer. Ce Retour de la Panthère Rose marque en tout cas une nette régression par rapport à La Party, précédente collaboration du tandem, chef d’œuvre comique dont on sent encore l’influence sur ce film. Le Clouseau de cet opus n°3 doit finalement autant au Hrundi V. Bakshi de La Party qu’au Clouseau de La Panthère Rose version 1964.

Beaucoup de gags reposent ainsi sur l’accent (français ici) improbable de Clouseau/Sellers, au moins autant finalement que sur sa maladresse légendaire. On rit bien sûr, franchement par moments : lorsque Sellers se laisse dominer par un aspirateur, lorsqu’il prend appui avec superbe sur un chariot à roulettes, ou lorsqu’il course sa valise dans une porte à tourniquet… On rit, mais grâce à Peter Sellers lui-même, et à peu près uniquement grâce à lui.

Le scénario, basé sur une nouvelle disparition du plus gros diamant du monde, multiplie les clins d’œil à La Main au collet (avec ce cambrioleur retiré des affaires joué par Christopher Plummer), et surtout à Casablanca (le « Gros », « here’s luking at yu, kid »…). Mais la scène de cambriolage est inutilement longue, et l’histoire n’a finalement aucun intérêt. Même les seconds rôles déjà bien installés semblent de trop : Herbert Lom en inspecteur-chef Dreyfus au bord de la crise de nerf, Kurt Kwouk dans le rôle de Cato, le serviteur porté sur la bagarre… Bof.

Un écrin pour Peter Sellers donc, qui mérite tout de même mieux que cette comédie poussive et datée. Dans mon souvenir, le n°4, Quand la Panthère Rose s’emmêle, était nettement plus convaincant. A vérifier…

Le Blues de Ma Rainey (Ma Rainey’s Black Bottom) – de George C. Wolfe – 2020

Posté : 2 septembre, 2021 @ 8:00 dans 2020-2029, WOLFE George C. | Pas de commentaires »

Le Blues de Ma Rainey

Ma Rainey fut une authentique pionnière du blues au début du XXe siècle. Le dramaturge August Wilson en a fait la figure centrale d’une pièce, portée à l’écran pour Netflix avec Viola Davis dans le rôle de la chanteuse, et Chadwick Boseman (le héros de Black Panther mort peu après) dans celui d’un jeune trompettiste avide de se sortir de sa condition de « jeune musicien noir accompagnant une chanteuse noire pour de la musique noire pour les noirs ».

La musique, omniprésente, est pleine de vie. Les répétitions, comme les sessions d’enregistrement, sont pleines de vie. Mais les visages, souvent filmés en très gros plan, disent autre chose : l’envie viscérale de s’extirper de cette condition de noir, mais aussi la résignation, ou la rage, c’est selon. Un symbole, un peu facile mais fort : cette lourde porte fermée à clé que Levee, le personnage joué par Chadwick Boseman, ne cesse de vouloir franchir, longtemps en vain, et qui s’ouvre finalement sur une minuscule cour intérieur entourée de hauts murs.

Oui, c’est un peu facile, mais la mise en scène joue habilement avec la sensation d’enfermement et la moiteur ambiante. Le film est adapté d’une pièce de théâtre, et le scénario adopte largement le principe de l’unité de lieu : la caméra reste la plupart du temps, et longuement, entre quatre murs. Mais il y a dans la mise en scène de George C. Wolfe (lui-même dramaturge et homme de théâtre avant d’être cinéaste) une intensité, une urgence même, dans la manière de confronter les personnages, qui semblent souvent au bord de la rupture. Le réalisateur peine quand même à capter la fièvre de cette musique envoûtante : les images paraissent un peu sages et lisses sur la voix graves et profondes de Viola Davis/ Ma Rainey.

L’intrigue est réduite au minimum : une session d’enregistrement, une Ma Rainey capricieuse et comme engoncée dans un physique trop généreux, des musiciens d’accompagnement conscients d’être des faire-valoirs, et un jeune qui, lui, n’a pas cédé, s’imagine un destin au-delà de sa condition de noir venu du Sud : on est en 1927, à New York, une terre qu’il imagine pleine de promesses, où un jeune noir plein de talent peut se faire un nom avec ses propres chansons. La chute sera rude.

L’Alibi – de Pierre Chenal – 1937

Posté : 1 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, CHENAL Pierre | Pas de commentaires »

L'Alibi

Erich Von Stroheim, Jany Holt, Albert Préjean et Louis Jouvet : superbe distribution pour ce thriller tendu et original signé Chenal, qui venait déjà de diriger Jouvet dans La Maison du Maltais. Chenal s’y connaît lorsqu’il s’agit de créer une atmosphère de film noir : il le prouvera encore avec sa belle adaptation du Facteur sonne toujours deux fois (Le Dernier Tournant). Cet Alibi s’inspire d’une histoire de Marcel Achard, belle idée de suspense qui tourne autour du sentiment de culpabilité d’une femme empêtrée dans un faux témoignage.

C’est Jany Holt, entraîneuse d’un club plutôt chic, à qui un charmant homme de scène (Stroheim) propose une petite fortune pour un simple mensonge. Elle réalisera trop tard que ce petit mensonge apparemment sans conséquence fait d’elle l’alibi de ce type pas si charmant, qui a dézingué un vieil ennemi.

Chenal ressert le cadre autour du visage de Jany Holt, qui comprend qu’elle s’est engouffrée dans un piège dont elle ne peut plus s’extraire. Ce moment est particulièrement fort, dans le bureau d’un inspecteur de police lui aussi très original : Louis Jouvet, fin limier d’une suavité parfaite et d’une clairvoyance digne des meilleurs flics de l’histoire du cinéma. Mais un flic adepte de la tromperie, qui apparaît d’abord auprès de la jeune femme en mentant sur son identité.

C’est alors que débarque Albert Préjean, et qu’on n’en dira pas plus pour ne pas gâcher le plaisir des surprises. Qui sont nombreuses, dans ce film malin et intense, admirablement construit. Il y a bien sûr quelque chose d’Hitchcockien, et pas seulement à travers ce personnage de « télépathe » qui semble tout droit sorti des 39 Marches. Le thème du faux coupable, le mélange de suspense et de romance, une touche de légèreté (le personnage de Préjean) associée à une vraie gravité…

Chenal s’en tire plus qu’avec les honneurs, et met en scène quelques très beaux moments de cinéma, notamment en confrontant ses (grands) acteurs. Jouvet qui ne cesse de répéter « habile ! » face à un Stroheim tout en suffisance ; le même Jouvet qui observe une simple poignée de porte s’abaisser et se relever ; Préjean cachant son mensonge sous un chapeau melon trop grand pour lui ; et Jany Holt, merveilleuse en femme trompée et perdue, au bord de la rupture…

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