Play it again, Sam

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Archive pour septembre, 2021

Dans la ligne de mire (In the line of fire) – de Wolfgang Petersen – 1993

Posté : 19 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, EASTWOOD Clint (acteur) | Pas de commentaires »

Dans la ligne de mire

Wolfgang Petersen n’est pas un grand metteur en scène, ni un grand directeur d’acteurs : beaucoup, ici, semblent par moments comme figés. Mais il peut compter sur le beau travail du directeur de la photo, qui réussit en particulier les scènes d’intérieur et de nuits, pour donner à ce thriller une tonalité assez fascinante par intermittence.

Ces moments ont un côté franchement cliché, certes, surtout avec Clint se la jouant une nouvelle fois pianiste amateur, pour la beauté du geste. Mais pourquoi se priver de ce plaisir, toujours bien réel : les scènes de bar avec Clint au piano sont parmi les plus belles, celles où l’atmosphère est la plus réussie dans ce film de genre par ailleurs plutôt calibré.

John Malkovich, grand méchant, en fait une nouvelle fois beaucoup dans le côté « regardez comme je suis un grand acteur caméléon capable d’endosser n’importe quelle identité, et comme je le fais avec un naturel exceptionnellement… naturel ». Bref, il cabotine éhontément en se la pétant intériorisation. Mais ça fonctionne, parce que ça colle bien au personnage.

Clint, lui, est impérial. Dans ce qui a longtemps été son ultime film en tant que simple interprète (avant Une nouvelle chance, presque vingt ans plus tard), sortant du triomphe de Impitoyable, il trouve un rôle taillé pour lui, pour ce qu’il a incarné et pour ce qu’il est alors : l’ancien inspecteur Harry (il s’appelle Horrigan, sans doute pas un hasard si les deux patronymes sont si proches), à l’âge de raccrocher les armes.

Un héros marqué par son passé : garde du corps de JFK qui était à ses côtés à Dallas… Curieux hasard, Eastwood enchaînera avec Un monde parfait, dont l’action se déroule les jours précédents ce fameux 22 novembre 1963. Mais un héros fatigué, qui sue et souffle dans l’effort, qui attrape la crève sous la pluie…

Pourtant, il a rarement été aussi séducteur. Il n’y a pas tant de films où il apparaît si souriant, si charmeur, lançant des sourires enjôleurs irrésistibles à Rene Russo, que l’on voit effrayée à l’idée de coucher avec un vieux qui pourrait être son père, un type que l’on traite de dinosaure. Séduisant, sans tricher sur son âge… Clint Eastwood est la raison d’être de ce thriller fort efficace, son pivot.

Absence de malice (Absence of Malice) – de Sydney Pollack – 1981

Posté : 18 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, NEWMAN Paul, POLLACK Sydney | Pas de commentaires »

Absence de malice

Sydney Pollack, cinéaste engagé, aime associé le film de genre et la critique du système américain. C’est une constante, qui a souvent donné d’excellents films, des Trois Jours du Condor à Havana (oui, j’aime Havana). Absence de malice n’est pas son film le plus connu, pas le plus célébré, pas le plus intense non plus, il faut le reconnaître. Mais il trouve sa place dans une filmographie très cohérente (même si pleine de surprises).

Paul Newman est excellent dans le rôle d’un petit chef d’entreprise que le FBI et les journalistes désignent comme l’héritier naturel de son truand de père. Un homme normal et sans histoire, emporté dans la spirale infernale du « système », thème pollackien par excellence. Le film manque d’intensité, disais-je. Mais Pollack excelle à décrire un univers inhumain, d’où personne ne surnage vraiment.

Newman lui-même, victime de moins en moins conciliante, qui comprend vite que pour garder la tête hors de l’eau dans cette Amérique-là, il faut adopter le point de vue et les méthodes de ceux qui vous détruisent. Et que dire de Sally Field, très bien en journaliste dont l’idéalisme fait si peu de cas des dégâts collatéraux de ses scoops ? Cynique, cruel, sans concession, Absence de malice s’inscrit dans la lignée des grands films de Pollack, à la fois film noir passionnant et miroir tendu à un certain système, déshumanisé et dénué d’empathie.

Les politiques, les forces de l’ordre, les journalistes, personne ne sort grandi de ce jeu de massacre fort bien écrit, et réalisé avec une certaine efficacité… mais oui, sans cette flamme qui aurait fait la différence, sans cette passion qui aurait fait de la « croisade » de Paul Newman une sorte de porte-étendard, un film majeur sur un certain journalisme, plus tourné vers les « coups » que vers la vérité. Un rendez-vous manqué, tout de même…

Port étranger (Främmande hamn) – de Hampe Faustman – 1948

Posté : 17 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FAUSTMAN Hampe | Pas de commentaires »

Port étranger

A la veille de la seconde guerre mondiale, un bateau suédois attend depuis des semaines dans un port miteux de Pologne. Tandis que l’hiver durcit et que la glace menace d’empêcher un départ avant des mois, l’équipage tue le temps en s’enivrant dans une taverne mal famée. La cargaison attendue finit par arriver, mais son contenu par réveiller les consciences des marins.

Il faut un peu de temps pour se laisse entraîner dans ce film signé par le Suédois Hampe Faustman. Quelques minutes dispensables au cours desquelles Faustman nous présente tous les personnages de l’histoire, y compris ceux qui n’auront une réelle importance que bien plus tard. Un long moment aussi avant que la caméra s’installe vraiment dans ce groupe de marins dont on suivra les doutes, les inquiétudes, les prises de conscience.

Une autre petite réserve, aussi : la propension de Faustman à glisser sans que l’on sache pourquoi des plans alambiqués, souvent filmés à travers un hublot, ou quelque chose d’équivalent. Curieuse afféterie totalement inutile et injustifiée qui n’apporte franchement rien. Quelques comédiens approximatifs aussi, surtout du côté des « méchants » : l’inquiétant voyageur allemand n’est pas le plus convaincant des personnages.

Cela étant dit, et une fois évacuée la crainte de voir un ersatz du très beau Ville portuaire tourné par Bergman l’année précédente (mais non, rien à voir malgré le titre et le générique fort semblables), Port étranger frappe surtout par la crudité et le réalisme glauque de ce port, comme une sorte d’entre-deux sans horizon. Un ivrogne tombe dans la neige à moitié-mort, et des gamins se précipitent pour lui faire les poches. Un policier raquette une prostituée juive vivant dans la clandestinité après avoir dû fuir l’Allemagne. Le cuisinier d’un bateau balance ses restes aux pauvres du port qui se précipitent comme le faisaient les mouettes quelques instants plus tôt…

Faustman excelle à dépeindre ce lieu bouffé par la misère aussi bien que par la suspicion, la menace constante et plus ou moins diffuse de la barbarie nazie. Il excelle aussi à filmer la camaraderie des marins, les virées nocturnes sur le port comme les échanges agités dans la chambrée. Ou l’affection entre le marin Hakan et la prostituée Mimmi, deux âmes semblables, appartenant tous deux à la cohorte des opprimés.

« Nous qui partageons les mêmes épreuves, nous devrions nous épauler, et non pas nous exploiter l’un l’autre », lance Hakan, refusant les avances intéressées de Mimmi. Et c’est assez beau cette scène, comme l’est le sacrifice du capitaine, qui n’est pas sans évoquer celle de Pierre Fresnay dans La Grande Illusion : même sens du devoir et de l’honneur, et même conscience de ne pas être l’un des leurs malgré tout. Belle aussi, la scène dans le cimetière, avec cette Internationale entonnée par des marins de toutes nationalités, où les langues de tous les pays s’entremêlent.

Le Masque de Zorro (The Mask of Zorro) – de Martin Campbell – 1998

Posté : 16 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, CAMPBELL Martin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Masque de Zorro

Entre deux bons James Bond (Goldeneye et Casino Royale, de loin ses meilleurs films), Martin Campbell s’empare d’un autre mythe, celui de Zorro, qu’il dépoussière à sa manière explosive et spectaculaire. C’est parfois réussi, parfois lourdingue, parfois épique, parfois approximatif. Bref, inégal.

Surtout, Campbell donne l’impression d’hésiter constamment sur le ton à donner. Sombre ? La séquence de la prison est rude. Cartoonesque ? Les nombreuses séquences d’action sont particulièrement vivifiantes, et se moquent pour le coup totalement du réalisme ou même de la vraisemblance.

Anthony Hopkins est un Diego de la Vega vieillissant mais toujours bondissant, qui nous réserve des enchaînements de gym qu’on aurait presque envie de noter comme un jury de J.O. Merci les doublures, dont le temps de présence à l’écran est très important : celle d’Hopkins comme celle d’Antonio Banderas qui, dans le rôle de l’héritier de Zorro, se révèle lui aussi très acrobate. Des scènes entières que Banderas a pu observer depuis sa caravane tandis que la doublure faisait le job !

Mais il y a les scènes plus intimes, qui sont souvent très réussies. Parce que l’alchimie entre les deux acteurs fonctionne bien, et que les scènes d’entraînement sont franchement drôles. Et parce que la rencontre entre Banderas et Catherine Zeta-Jones fait des étincelles. On leur doit d’ailleurs le plus beau moment du film : un tango sexy et sous tension auquel Campbell apporte un vrai soin. Le cinéaste est d’ailleurs très inspiré lorsque l’action se fait musicale, comme lorsque l’entraînement du nouveau Zorro épouse le rythme d’un danseur de claquettes.

Pour le reste, c’est assez convenu. Vengeance, manipulation, suspense, passage de flambeau… et une longue séquence tournée dans une immense mine pour l’unique raison que c’est un terrain de jeu parfait pour un final spectaculaire, comme un hommage appuyé au Steven Spielberg d’Indiana Jones et le Temple maudit. Pour un peu, on s’attendrait à entendre les notes de John Williams retentir. Ce n’est pas le cas : c’est James Horner qui s’y colle. Et sa partition est pour beaucoup dans le plaisir que l’on prend au film.

Winchester ’73 (id.) – d’Anthony Mann – 1950

Posté : 15 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, MANN Anthony, STEWART James, WESTERNS, Wyatt Earp / Doc Holiday | Pas de commentaires »

Winchester 73

Glissons rapidement sur l’épisode « indien » de Winchester 73, sur un Rock Hudson un peu engoncé sous un faux nez et un maquillage pas franchement convaincant de Sioux. Etrange et courte séquence qui détonne même par ses transparences approximatives… Ce petit préambule pour souligner que Winchester 73 n’est pas un western parfait. Voilà pour les réserves. Pour le reste, Winchester 73 n’est peut-être pas un western parfait, donc. Mais c’est un grand, un très grand western.

Un western historique déjà, qui marque la première collaboration de James Stewart avec Anthony Mann, qui deviendrait son réalisateur de prédilection, et avec qui il tournerait surtout une série impressionnante de formidables westerns. Et qui contribue aussi à cette mutation du genre vers une atmosphère plus sombre, plus profonde aussi, en même temps qu’il contribue au renouveau de James Stewart, qui s’engageait alors dans une nouvelle partie de sa carrière plus axée sur des rôles tourmentés.

Le rôle qu’il tient dans Winchester 73 n’est pas si loin de celui qu’il tiendra dans L’Appât du même Mann. Il n’est pas encore totalement passé du côté obscur, et garde une certaine pureté. Mais il est déjà mû par la soif de vengeance. Une vengeance basée d’ailleurs sur un quasi-poncif du genre : l’opposition de deux frères radicalement opposés, qui se vouent une haine mortelle. Stewart et Stephen McNally, en l’occurrence.

De ce postulat de départ, le scénariste Borden Chase tire une merveille de construction, magnifiée par la mise en scène tendue et sèche de Mann. Un film qui suit une sorte de cercle fascinant, à travers le parcours d’une winchester 73, considérée comme l’arme la plus précise du monde, qui passe de main en main pour revenir à son premier propriétaire, et accomplir la vengeance qui ne cesse d’être différée.

Et quelles mains : celles de John McIntire, Dan Duryea, Rock Hudson, et même brièvement celles d’un tout jeune Tony Curtis. On croise aussi Shelley Winters, le précieux Millard Mitchell (grand second rôle oublié), Will Geer qui fait un truculent Wyatt Earp, et des tas de gueules incontournables du western. Mann est encore un nouveau venu dans le genre (la même année, il réalise Les Furies et La Porte du Diable), mais il en maîtrise déjà totalement les codes.

Il en magnifie aussi les situations, donnant une dimension incroyable à ses séquences de ville (superbe plan en plongée d’une brutalité extrême, vue de la chambre d’un hôtel), comme aux longs moments dans les vastes paysages. Il joue aussi avec le poids des grands mythes : l’apparition de Wyatt Earp bien sûr, mais aussi l’omniprésence dans les dialogues de la tuerie de Little Big Horn, comme un traumatisme qui annonce la fin d’une époque. Le thème central de tout bon western, finalement.

Misery (id.) – de Rob Reiner – 1990

Posté : 14 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, REINER Rob | Pas de commentaires »

Misery

En écrivant Misery, Stephen King donnait corps à ses angoisses d’écrivain trop marqué par le genre dans lequel il excelle. Grand fan de l’écrivain, Rob Reiner n’est pas dans la même position que lui quand il tourne cette adaptation, sa seconde du maître après le très beau Stand by me. Mais il partage peut-être cette angoisse, qu’il traduit bien différemment, en changeant ouvertement et radicalement de genre film après film.

Ce qui lui réussit bien à cette époque, sa plus glorieuse : il vient de tourner une évocation douce-amère de l’adolescence (Stand by me, donc), un réjouissant pastiche de conte pour enfants (Princess Bride) et un fleuron de la comédie romantique (Quand Harry rencontre Sally), et il enchaînera avec un film de procès (Des hommes d’honneur)… Cinq succès d’affilée dans autant de genres très différents.

Misery est peut-être le plus réussi de tous ses films. Trente ans après, il garde en tout cas toute sa force, et reste à la fois une adaptation brillante d’un excellent roman, et un bel exercice de style : c’est toujours une gageure de filmer l’angoisse d’un type cloué dans un lit, enfermé dans une chambre dont il ne sort quasiment jamais. Paul Sheldon donc, écrivain d’une série à succès sauvé d’un accident par sa « fan numéro 1 » qui le soigne et l’enferme en même temps, et découvre avec horreur que dans son dernier livre, Sheldon a tué son héroïne. Avec horreur et colère.

Il faut dire qu’elle n’est pas très équilibrée, cette fan numéro 1. On s’en rend compte assez vite, Paul aussi. Elle est interprétée par Kathy Bates, et c’est l’un des coups de génie de Reiner. Parce que c’est peut-être bien le rôle de sa vie, qu’elle est absolument terrifiante dans le rôle de cette vieille fille au col Claudine, qui vit seule avec un cochon et envoie des baisers à un homme qu’elle prive de sa liberté et à qui elle vient de… Mais non, pas de spoiler.

L’autre coup de génie, c’est James Caan, choix totalement inattendu : acteur physique, voire bondissant, souvent incapable de rester immobile, entravé dès la cinquième minute du film. Il est remarquable, lui aussi, faisant de ses contraintes inhabituelles un moteur pour l’une de ses prestations les plus mémorables. Ajoutez une apparition de Lauren Bacall, et surtout le beau rôle de shérif de Richard Farnsworth (futur héros de Une histoire vraie de Lynch)…

Il n’y a pas beaucoup d’acteurs, dans Misery, mais la distribution frise la perfection. Avec un Rob Reiner en pleine forme, très à l’aise pour faire monter la tension, pour filmer l’absence et les éclats de violence. Petit classique qui n’a pas pris une ride.

Brelan d’as – d’Henri Verneuil – 1952

Posté : 13 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, d'après Simenon, Maigret, VERNEUIL Henri | Pas de commentaires »

Brelan d'as

Monsieur Wens, Lemmy Caution et le commissaire Maigret : trois grands enquêteurs de la littérature policière, à l’affiche d’un même film. J’avoue que cette curiosité m’avait totalement échappé jusqu’à présent. Le projet, pourtant, est particulièrement séduisant. Le résultat l’est aussi, ne serait-ce que pour sa forme, déclaration d’amour à une certaine littérature populaire : la série noire, le polar, le thriller… Peu importe comment elle l’appelle, puisqu’elle brasse des univers très différents.

Le film s’ouvre donc sur une série de plans de Paris, où on découvre une employée du métro, un gamin, un vieil homme digne, un homme d’affaires… Tous plongés dans des lectures de la fameuse Série Noire de Gallimard, tandis qu’une voix off malicieuse ironise sur le caractère honteux de ce sous-genre. Avant d’introduire les trois héros que l’on s’apprête à voir en action : trois héros qui ont connu, connaissent ou vont connaître leur heure de gloire sur grand écran. Et qui ne se croisent pas hélas, dans cette succession de trois sketchs indépendants, que réalise le tout jeune Henri Verneuil d’après trois nouvelles.

Le principe, donc, est très sympathique. Les sketchs, eux, sont franchement inégaux, allant du médiocre à l’excellent. Allons y dans l’ordre…

C’est par un héros qui fut très populaire que commence le film : Monsieur Wens, l’enquêteur surdoué créé par S.A. Steeman, dont c’est l’une des dernières apparitions au cinéma après une demi-douzaine de films au cours de la décennie précédente. Pas que du bon, certes, mais le personnage reste mémorable pour l’interprétation qu’en donne Pierre Fresnay dans Le Dernier des Six et surtout L’Assassin habite au 21 (Pierre Jourdan dans Le Furet, aussi…). Pierre Fresnay à qui un clin d’œil amusant est réservé, par le biais d’une mystérieuse imitatrice.

Ici, c’est Raymond Rouleau qui interprète Wens, détective (et pas inspecteur cette fois) chargé de protéger une richissime femme, qui meurt quasiment sous ses yeux, lui-même devenant le parfait alibi de son mari, qui aurait fait un suspect idéal. Intrigue maline, rythme parfait, mélange de suspense et de légèreté pour une enquête prenante à défaut d’être renversante. Et un Rouleau parfait en Wens gentiment égocentré et franchement goujat.

Le segment central est, de loin, le plus faible : celui consacré à Lemmy Caution, héros de romans qui n’allait pas tarder à connaître une gloire cinématographique sous les traits d’Eddie Constantine, dans une bonne dizaine de longs métrages. Pour l’heure, il apparaît sous les traits de John Van Dreelen, acteur néerlandais trop lisse et pas bien convaincant en Américain mal dégrossi. Pas aidé par un scénario bâclé, une mise en scène paresseuse et des dialogues aberrant. Difficile de prendre du plaisir à cette traque à travers l’Europe.

Difficile même d’imaginer que c’est le même réalisateur, et les mêmes scénaristes, qui ont adapté une nouvelle de Simenon pour le dernier segment, un excellent Maigret à la fois rude et tendre, où le commissaire prend sous son aile un gamin témoin d’un meurtre mais enfermé dans un mensonge par peur des représailles. Verneuil, qui avait déjà adapté Simenon pour son précédent film, Le Fruit défendu (d’après Lettre à mon juge), apporte un soin particulier à ce troisième sketch, comme si, au fond, il n’avait tourné le film que pour celui-ci.

Michel Simon, pour son unique incarnation du commissaire, est formidable, balayant le souvenir d’Albert Préjean, et disputant le titre de meilleur Maigret à Pierre Renoir et Harry Baur (en attendant Gabin). Un Maigret fort, instinctif, mais aussi fragile et humain, que l’on découvre dépassé, angoissé, physiquement malade aussi, alité et houspillé par une Mme Maigret nettement moins docile qu’à l’accoutumée. Simon, sur le papier, est un Maigret discutable. A l’écran, il est une évidence. Et ce court métrage est une grande réussite. Pour lui, Brelan d’as mérite d’être redécouvert.

Les Naufrageurs des mers du Sud (Reap the Wind Will) – de Cecil B. De Mille – 1942

Posté : 12 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, De MILLE Cecil B., WAYNE John | Pas de commentaires »

Les Naufrageurs des mers du Sud

Très original, et très ambitieux (forcément, c’est De Mille), cette grosse production nous plonge dans un univers rarement montré au cinéma : celui des premiers temps des bateaux à vapeur, et d’une époque où le commerce passait encore essentiellement par la mer, avant l’essor du chemin de fer. L’univers des naufrageurs, aussi, que De Mille dévoile dans une séquence d’ouverture qui impressionne autant par la pure mise en scène, dense, tendue et spectaculaire, que par son incroyable cynisme.

Sur les côtes de Floride, les bateaux sont nombreux à prendre la mer dès que l’un d’entre eux est sur le point de couler. Bien sûr, il y a l’urgence de sauver les marins en péril. Mais il y a surtout cette prime au premier arrivée, qui peut s’approprier 50 % de la marchandise transportée par le bateau échoué. Une fortune, bien souvent, surtout quand les naufrages se multiplient, sans doute causés par l’un des « sauveteurs ». On le reconnaît au premier coup d’œil : c’est Raymond Massey, la lippe odieuse et machiavélique, un pur méchant.

Autour de lui, les autres personnages sont, heureusement, nettement plus nuancés. John Wayne surtout, héros affiché qui révèle au fil du film une part d’ombre bien corsée, et assez inattendue. Un homme, un vrai, comme répète sans cesse Paulette Goddard, dont le cœur balance sans qu’elle s’en rende vraiment compte entre Duke et Ray Milland, un peu précieux et un peu antipathique au début du film. Mais la vision que l’on a de la plupart des personnages change du tout au tout au fil de l’histoire. A l’image de Robert Preston, trouble et passionnant dans le rôle du frère de Massey. Un rôle plus en retrait mais aussi intéressant que celui qu’il tenait dans Pacific Express, du même De Mille.

Belles séquences en mer en tout cas, magnifiquement filmées malgré quelques trucages qui ont peu vieilli : des transparences bien visibles surtout, et un calamar géant en latex du plus bel effet ! Pour le reste, De Mille réussit à se réinventer à chaque moment marquant, jouant tantôt du chaos, tantôt de l’invisible, glissant habilement quelques éléments comiques (le chien et son ventriloque) et une vraie tension dramatique (la disparition de la cousine jouée par Susan Hayward). A vrai dire, De Mille semble embrasser une quantité de genres différents dans ce film d’aventure : le thriller, la romance contrariée, le film de procès… Un film généreux, pour le moins.

Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray) – d’Albert Lewin – 1945

Posté : 11 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, LEWIN Albert | Pas de commentaires »

Le Portrait de Dorian Gray

Il y en a eu, des adaptations de l’œuvre d’Oscar Wilde au cinéma. Au moins sept avant 1945, et combien après ? Pourtant, il semble n’en exister qu’une, pour toujours, définitivement : celle d’Albert Lewin, cinéaste méconnu souvent présenté comme le plus cultivé, le plus lettré de tous les réalisateurs. Non sans raison. C’est lui, Lewin, qui signe seul l’adaptation du roman. Sur le papier, il en saisit toutes les nuances, toute la profondeur. A l’écran, il signe une œuvre au moins aussi forte que l’originale, chef d’œuvre d’une intensité rare.

Dorian Gray, ce dandy mystérieux qui semble ne jamais vieillir, mais dont le portrait porte à sa place tous les signes de sa décrépitude physique et morale… Sorte de variation sur les thèmes de Faust et de Jekyll and Hyde, évocation aussi du fantasme de la jeunesse éternelle, dont Lewin tirera aussi un autre chef d’œuvre, Pandora. L’œuvre de Lewin, d’ailleurs, est d’une cohérence folle : six films seulement, mais qui se répondent et se complètent les uns les autres.

Dorian Gray est son deuxième, et reprend un parti-pris de son premier film, The Moon and Six Pence : ce portrait dévoilé dans les uniques plans en couleurs du métrage, comme si Lewin cherchait à rendre visible le contraste entre la réalité crue et les apparences derrière lesquelles se réfugie désespérément Dorian.

Intense, disais-je, Le Portrait de Dorian Gray est aussi un film d’une extraordinaire richesse visuelle, où le moindre plan fait sens. Albert Lewin, cinéaste exceptionnellement intelligent, construit chacune de ses images avec la double ambition de raconter son histoire le plus simplement possible, et de confronter les apparences et la réalité, ce que veulent montrer les personnages et ce qu’ils sont vraiment.

Lewin joue sur le contraste entre le premier et le second plan, ajoutant souvent un troisième plan, un reflet, une ombre évocatrice : le fouet d’un cocher qui semble entourer le cou de Dorian tel une potence, une lumière dessinant une croix annonçant le crime à venir… Des images puissantes et d’une élégance absolue.

George Sanders, déjà à l’affiche du premier film de Lewin, trouve un nouveau grand rôle à sa mesure : celui d’un jouisseur cynique, symbole d’une société qui n’est digne qu’en apparence, et par qui le drame arrive. Angela Lansbury trouve peut-être son plus beau rôle, celui, tragique, d’une jeune artiste de music-hall qui est comme l’image d’un idéal possible. Mais la révélation du film, c’est Hurd Hatfield, dont le visage lisse et immobile, comme pétrifié dans une jeunesse déshumanisée, fait de lui un Dorian Gray idéal. Comment pouvait-il espérer seulement trouver un autre rôle marquant après celui-ci…

Quand Harry rencontre Sally (When Harry met Sally) – de Rob Reiner – 1989

Posté : 10 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, REINER Rob | Pas de commentaires »

Quand Harry rencontre Sally

Un film dont les personnages principaux sont des amoureux de Casablanca ne peut pas foncièrement être mauvais. C’est un fait qui se vérifie avec ce modèle de comédie romantique, qui continue à infuser son influence pas loin de trente-cinq ans plus tard. Quand Harry rencontre Sally reste un modèle du genre, une love story au long cours, l’histoire d’un homme et d’une femme qui se rencontrent, ne s’aiment pas, se perdent de vue, se recroisent, se reperdent de vue, se retrouvent, deviennent amis, et mettent un temps fou à admettre qu’ils s’aiment.

Plus d’une heure trente pour arriver à un constat évident dès les premières images ? Oui, mais il y a dans cette comédie romantique une justesse des sentiments qui vous transporte quand vous avez 16 ans, qui vous retransporte quand vous en avez 25, puis 35, puis 45… Bref. Cette histoire là garde toute sa fraîcheur, toute sa vérité aujourd’hui, dans le regard d’un ancien ado devenu père de famille.

Au scénario : Nora Ephron, une spécialiste du genre, pas toujours dans la nuance. Derrière la caméra : Rob Reiner, un cinéaste touche à tout qui à cette époque transforme tout ce qu’il touche en réussite hollywoodienne (de Princess Bride à Misery, que du bon alors). Devant : Meg Ryan et Billy Cristal, pas exactement les acteurs les plus glamours du monde, mais dont l’alchimie est si parfaite. Elle, le nez qui coule et pleine de manie. Lui, cynique et un rien hautain. Deux êtres mal formatés, qui ensemble dégagent une sorte de plénitude.

Reiner capte cette osmose en misant sur le temps long, dans une histoire qui s’étale sur plus de dix ans ans. C’est ce refus de l’urgence qui fait du film une rom’com’ si intemporelle, et si marquante. Plus encore que les quelques moments forts, comme le fameux orgasme simulé par Meg Ryan dans le bar, ou la soirée à quatre avec les meilleurs amis Carrie Fisher et Bruno Kirby. Il n’y a pas de tant de films qui ont su donner corps à une telle relation, à une telle intimité entre un homme et une femme.

Le film est beau, aussi, pour la manière dont Reiner filme Harry et Sally ensemble, au cœur de New York, dans une intimité que rien ne peut mettre à mal malgré la ville grouillante. Quand ils sont ensemble, rien d’autre n’existe. Quand ils se parlent au téléphone, c’est comme s’ils étaient côte à côte : le split screen a rarement été aussi joliment utilisé. Comme ces interludes, avec de vieux couples qui témoignent face caméra, évoquant chacun la même évidence qui unit Harry et Sally : « It had to be you »

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