L’Homme de la Tour Eiffel (The Man on the Eiffel Tower) – de Burgess Meredith – 1949
Burgess Meredith a une trajectoire quand même étonnante, partant de Lubitsch (Illusions perdues) pour se terminer chez Stallone (le Mickey de Rocky, c’est lui), en passant par une adaptation inattendue d’un excellent Maigret, La Tête d’un homme, qu’il réalise lui-même seize ans après la version de Julien Duvivier (il ne signera qu’un autre long métrage, l’obscur Le 3ème œil, vingt ans plus tard) sous le titre L’Homme de la Tour Eiffel.
Un titre qui semble annoncer une « carte-postalisation » de l’œuvre de Simenon, vue par un Américain. Un bête a priori qui se justifie, tout en étant injuste. Le film ne fait pas partie des meilleures adaptations de Simenon, en tout cas pas des plus fidèles à l’esprit. Charles Laughton est assez convaincant dans l’imperméable de Maigret, mais il incarne bien davantage le Laughton tel qu’on l’attend (et qu’on l’aime) que le plus célèbre des commissaires de romans.
Cela étant dit, une fois accepté que Maigret n’est, comme la Tour Eiffel, qu’un attribut incontournable de Paris, vue comme le personnage principal du film, L’Homme de la Tour Eiffel révèle un charme très original. Paris, dont Burgess Meredith nous offre une vision à la fois d’Epinal et criante de vérité, pour une enquête qui ressemble bien plus à une virée trépidante des beaux quartiers aux bas-fonds.
Meredith filme les monuments parisiens, sans en oublier aucun : du Sacré Cœur aux Tuileries en passant par l’Obélisque… Mais le regard qu’il porte n’est pas celui d’un Américain énamouré. D’un étranger, peut-être, mais d’un étranger qui connaît et aime Paris, qui n’en cache pas les quartiers plus glauques, ni le danger, qui appréhende la ville comme un tout à la fois horizontal et vertical. La poursuite sur les toits est particulièrement frappante (et réussie), captant comme peu d’autres films ce Paris-du-dessus si typique, magnifique assemblage de bric-à-brac qui semble totalement anarchique.
Burgess Meredith nous offre également une belle poursuite en voitures sur les grandes avenues et dans les tunnels, figure devenue classique mais très en avance pour son époque. Et une poursuite sur la Tour Eiffel, clou du film que n’aurait pas renié le René Clair de Paris qui dort. Franchot Tone est très bien en tueur névrotique (un rôle qui évoque forcément Les Mains qui tuent), Burgess Meredith lui-même est attachant dans le rôle du faux coupable, et Laughton bien sûr. Mais malgré ce trio d’acteurs, c’est bien Paris qui happe le regard et l’attention. C’est pour Paris que le film est vraiment réussi.