Dunkerque (Dunkirk) – de Christopher Nolan – 2017
En mai 1940, 400000 soldats alliés se retrouvent encerclés autour de Dunkerque, à portée de vue ou presque des côtes anglaises. Acculés sur terre, attaqués par les avions et les sous-marins allemands, ils tentent en vain de prendre la mer. L’Angleterre organise une vaste opération de sauvetage qui incluse l’intervention de centaines de bateaux civils qui, tous, convergent vers Dunkerque.
Cette défaite glorieuse, qui marque en quelque sorte la deuxième partie de la guerre, a inspiré plusieurs films à travers les décennies (dès 1942, dans Mme Minniver, et jusqu’à Week-end à Zuytcoot ou Reviens-moi). Forcément, Christopher Nolan ne pouvait pas en filmer une simple relecture. Sur le fond, rien de bien nouveau en fait. Nolan raconte l’histoire à travers les regards croisés de plusieurs personnages, trois essentiellement : un soldat coincé sur la plage (Fionn Whitehead), un marin à bord de son bateau de plaisance (Mark Rylance), et un pilote de la Royal Air Force (Tom Hardy).
Que Christopher Nolan nous plonge littéralement au cœur de la bataille n’est pas étonnant. D’abord parce que Spielberg et son Soldat Ryan, tous les réalisateurs qui s’attaquent à la seconde guerre mondiale s’inscrivent dans cette même ambition. Et puis parce que Nolan est avant tout un cinéaste de la perception. Dès les premières scènes, il nous y plonge totalement, avec une maîtrise de son art assez impressionnante, d’une efficacité et d’une fluidité de mouvement extraordinaires.
Une maîtrise presque trop parfaite, même : passées les premières minutes, volontairement foutraques, on ne ressent plus vraiment cette sensation de chaos qui nous saisit lorsque les premières bombes explosent, ce sentiment que les personnages ne savent pas vraiment ce qui se passe autour d’eux. L’action est toujours parfaitement compréhensible, et la tension d’une densité rare, qui vous serre le cœur jusqu’à la dernière image.
Les meilleurs films de Nolan sont souvent ceux dans lesquels il réfrène ses penchants aux scénarios emberlificotés. Dunkerque, pour le coup, est un film d’une simplicité extrême, si on cherche à en résumer l’histoire. Pas pour autant un recul dans les ambitions de Nolan. A la perception liée à la bataille à proprement parler, avec ses morts, ses explosions et ses peurs, s’ajoute une perception temporelle étonnante : les trois points de vue qui s’entremêlent ont chacun leur propre échelle de temps.
Sur la plage, le film raconte une semaine de survie ; sur le bateau, une journée ; dans l’avion, une heure. Parti-pris audacieux que Nolan introduit un peu lourdement par des surtitres introductifs, mais qu’il aborde là aussi avec une étonnante fluidité. Il joue avec ces échelles de temps différentes, qui prennent tout leur sens lorsqu’elles s’entrecroisent et se rejoignent. Et qui participent à l’intensité de ce nouveau trop sensoriel de Nolan, moins tape-à-l’œil et tout aussi brillant que son Interstellar.