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Archive pour août, 2021

Un dimanche à la campagne – de Bertrand Tavernier – 1984

Posté : 12 août, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Un dimanche à la campagne

Bertrand Tavernier était un immense passeur. Si sa mort a eu un tel impact sur le cinéphile que je suis, c’est avant tout parce que sa disparition ressemble à une grande et belle porte que l’on referme sur le cinéma de patrimoine. Sale année pour le septième art. Mais Tavernier était aussi un grand cinéaste. Revoir Le Juge et l’Assassin et Coup de torchon était déjà une belle manière de s’en assurer. Découvrir (très tardivement, certes) Un dimanche à la campagne l’est encore d’avantage.

C’est peut-être le plus beau de ses films, et pourtant il ne s’y passe rien. Ou presque. C’est le récit d’une simplicité totale d’un dimanche à la campagne, au début du XXe siècle, de ces dimanches d’aimable ennuie que les enfants devenus grands viennent passer avec leur père devenu vieux. Et où les fantômes de la jeunesse disparue affleurent, de cette vie de famille depuis longtemps disparue, et que le vieux père tente de rattraper par bribes.

C’est simple, remarquablement dépourvu d’effets spectaculaires, et c’est d’une beauté stupéfiante. En état de grâce, Tavernier (et sa voix off à la Truffaut) capte l’émotion, le temps qui a passé, les petits malaises, les rancœurs mal ravalées, l’harmonie passée, l’angoisse du temps qui passe… Dans le rôle du patriarche, Louis Ducreux trouve le rôle de sa vie, celui d’un peintre habité par son art, et par les souvenirs de ce temps où sa femme était vivante et ses enfants autour de lui.

Il est une sorte de figure de sagesse, mais qui peine à accepter le temps qui passe… et les nouveaux venus qu’il apporte. « J’ai toujours voulu vivre avec mon temps, mais… » Mais sa bru, pourtant si aimante, fait un peu figure d’intruse. Comme ces petits-enfants qui l’agacent bien un peu lorsqu’ils se mettent à courir partout, ou qu’il ignore lorsque la fillette lui tend un dessin.

Tavernier capte ces failles, ces moments en suspens, ces douleurs tues. Sans éclat, sans excès, il filme un dimanche qui s’écoule sans histoire, et attrape au vol les signes de fêlures. Le regard du fils, Michel Aumont, qui encaisse sans rien dire les petites réflexions de son père. Celui de Sabine Azéma surtout, dans la guinguette, gros plan bouleversant de son visage derrière la voilette de son chapeau.

L’émotion apparaît parfois sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Comme dans ce court flash-back d’un pique-nique en famille, où la caméra se dirige vers une assiette blanche et vide, posée sur un drap blanc. Pourquoi donc ce simple mouvement prend-il à ce point aux tripes ? Peut-être parce qu’il manque quelque chose, soudain : les couleurs, la richesse des compositions d’image.

Louis Ducreux incarne un peintre amoureux de Renoir, Caillebote ou Van Gogh. Et c’est loin d’être anodin : Un dimanche à la campagne est aussi le plus pictural des films de Tavernier, véritable manifeste impressionniste où chaque plan semble donner vie à un tableau, ou former un tableau. Un plan, notamment, révèle l’inspiration de Tavernier : Sabine Azéma, qui vient d’arriver chez son père, est filmée seule dans la maison, à la fenêtre, avec des mouvements de caméra qui donnent le sentiment de passer d’un tableau à un autre, comme si les arts de Renoir père et fils ne faisaient plus qu’un.

Coup de torchon – de Bertrand Tavernier – 1981

Posté : 11 août, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Coup de torchon

Amoureux de la culture américaine et tellement Français… Bertrand Tavernier signe l’un de ses chefs d’œuvre avec cette adaptation tellement inattendue d’un (grand) roman noir. Avec son coscénariste Jean Aurenche, Tavernier transpose l’action du 1275 de Jim Thompson du Texas le plus profond à une petite ville de l’Afrique coloniale. Pari audacieux, et coup de génie scénaristique dont le cinéaste fait une sorte de rêverie cynique et une critique acide de l’arrogance coloniale.

Tavernier cinéaste est également au top, flirtant constamment avec le film de genre, signant mine de rien l’un des films les plus mordants sur la France coloniale, avec ces gueules pitoyables ou ridicules. Des gueules soigneusement choisies. Tavernier, qui ne dirigeait pas vraiment ses acteurs, sait pourtant en tirer le meilleur. Philippe Noiret, forcément, est formidable dans le rôle de ce « shérif » passif et un rien pathétique.

« Je ne dis pas que tu as tort, mais je ne dis pas non plus que tu as raison. »… « Alors là, je ne suis pas sûr d’être tout à fait d’accord avec toi. » se défend-il en se faisant humilier à longueur de journée. Le récit intime d’un humilié qui en a trop longtemps encaissé, et qui s’imagine une âme de chevalier blanc. Cynique, cynique, cynique…

Cynique et réjouissant. Coup de torchon est un film d’une noirceur hallucinante. C’est aussi l’un des plus ouvertement réjouissants, avec son humour noir tranchant et ses personnages très hauts en couleurs. Le tandem Jean-Pierre Marielle / Gérard Hernandez est délicieusement odieux. Mais c’est surtout la chouette maisonnée de Noiret que l’on retient : l’horrible épouse Stéphane Audran (géniale) et son « frère » Eddy Mitchell (son rôle le plus marquant?). Inoubliable famille castratrice… Ajoutons Isabelle Huppert, belle incarnation d’une certaine innocence…

Coup de torchon est un film formidable, un pur plaisir de cinéma qui ne cesse de surprendre par son esprit et sa méchanceté, vision après vision. Le genre de films qui vous accompagne toute la vie.

Los Angeles 2013 (Escape from L.A.) – de John Carpenter – 1996

Posté : 10 août, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, CARPENTER John, FANTASTIQUE/SF | 2 commentaires »

Los Angeles 2013

Suite ? Remake ? John Carpenter et Kurt Russell (co-scénariste du film) revisitent leur classique New York 1997. On retrouve bien sûr le mythique Snake Plissken, personnage devenu icône en un unique film. On retrouve aussi les mêmes motifs dramatiques, la même construction, les mêmes enjeux, la même intro presque, et un décor qui ressemble à un étrange copié-collé. L’île de New York était transformée en île-prison dans le classique de 1981… Los Angeles est transformée en île et en prison ici.

Doit-on prendre cette suite vraiment au sérieux. That is the real question. Le doute est longtemps permis. La réponse intervient tardivement, et prend (réellement) l’allure d’une vague. Là, le doute n’est plus permis. Los Angeles 2013 peut être vu comme une suite, un remake, un reboot ou quel que soit le terme, mais aussi comme une parodie, et comme une manière de dresser un fier doigt d’honneur à l’industrie hollywoodienne.

OK, on me saoule depuis des années pour que je surfe sur le succès de New York 1997, avec une suite qui serait forcément plus spectaculaire, plus dense, plus riche en effets spéciaux, plus tout… eh bien je vais vous en donner, du surf, et il n’y aura pas de limite à la surenchère. Un doigt d’honneur, vraiment, qui flirte avec le grand n’importe quoi, et qui séduit malgré tout par cette liberté jusqu’au-boutiste.

La plus grande séquence de suspense ? Un défi de basket totalement improbable. La plus grande scène d’action ? L’attaque d’un stade bondé par une poignée d’assaillants en deltaplane. Carpenter se délecte du mauvais goût ambiant, et fait de cette pure commande mercantile un film ouvertement brouillon qui se libère de toute obligation en terme de réalisme, de crédibilité, ou même d’efficacité.

Plus que jamais, Kurt Russell / Snake Plissken est l’alter ego de Carpenter : un électron libre fatigué d’être aux ordres, de faire ce qu’on attend de lui. A l’époque, le cinéaste rappelait dès qu’il avait l’occasion qu’il était devenu un spécialiste du fantastique un peu par hasard, et que son truc à lui c’était le western, ce western qu’il ne réalisera jamais mais vers lequel il n’a cessé de tendre. C’est finalement tout le sujet de Los Angeles 2013.

Plissken, ou Carpenter, suffoque dans cette Amérique aseptisée. La scène finale, qu’on soupçonne être l’unique raison pour laquelle Carpenter a accepté le projet, est une baffe radicale et définitive donnée aux tenants du bon goût, un cri de rage et un doigt d’honneur à l’ordre et à la modernité. Une main tendue vers une forme de liberté liée au western, dans une sorte de superbe« rien à foutre ».

La Fille de D’Artagnan – de Bertrand Tavernier – 1994

Posté : 9 août, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

La Fille de D'Artagnan

Inattendu dans la carrière de Tavernier (qui ne manque pas de surprises, c’est vrai), ce film de cape et d’épées était conçu comme un hommage cinéphile au genre, et comme une manière pour le cinéaste de redonner du travail à Riccardo Freda, qui n’avait plus tourné depuis quatorze ans. Mais le vétéran italien n’avait plus la fougue nécessaire pour canaliser une Sophie Marceau très impliquée, et très désireuse de s’offrir un écrin à sa mesure.

Du coup, Tavernier a dû remplacer Freda, l’occasion pour lui de diriger une dernière fois son vieux complice Philippe Noiret. Ce qui est quand même l’aspect le plus enthousiasmant du film, dynamique mais mineur. La musique (de Philippe Sarde) est chouette, comme toujours dans les films de Tavernier. Les acteurs sont formidables, comme toujours dans les films de Tavernier. Noiret est surprenant et joyeusement gouleyant, Marceau est belle et investie, Claude Rich fait un méchant irrésistible…

Il faut saluer la générosité de l’entreprise, cette manière de s’ancrer dans une tradition du cinéma populaire depuis longtemps tombée aux oubliettes : des rebondissements, des scènes d’action, des poursuites, des duels à l’épée, des faux-semblants, une escalade clin-d’œil au Capitan… Un hommage décomplexé, mais qui manque aussi de ce supplément d’âme que l’on retrouve dans quasiment tous les Tavernier. Quasiment.

A vrai dire, le cinéaste semble moins intéressé par le personnage principal de son film, la fameuse fille de D’Artagnan, que par les mousquetaires eux-mêmes, vieilles badernes vieillissantes qui renouent avec l’aventure après des années de repos. Dans cette sympathique suite tardive, Noiret en D’Artagnan, quand même, voilà une idée de casting aussi inattendue qu’excitante, qui domine de loin les autres mousquetaires (Sami Frey quand même, est très bien en Aramis arrogant).

Petite curiosité fort sympathique, disons, et petite madeleine incontournable pour les quadra d’aujourd’hui.

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