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Archive pour août, 2021

Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West) – de Sergio Leone – 1968

Posté : 22 août, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, LEONE Sergio, WESTERNS | Pas de commentaires »

Il était une fois dans l'Ouest

Après Le Bon, la brute et le truand, grande fresque d’une ampleur impressionnante, Leone signe ce que beaucoup considèrent comme le sommet du western spaghetti, l’aboutissement d’un style, un film plus important encore. Il était une fois dans l’Ouest est pourtant un film extraordinairement plus simple, en tout cas d’un point de vue narratif : un tueur à la solde du puissant patron d’une société de chemin de fer doit abattre une veuve dont la présence gène l’avancée de la voie, mais trouve sur son chemin deux aventuriers qui, chacun à sa manière, se dresse contre lui.

Si on résume le film, on en arrive à une quasi-épure westernienne. Leone semble avoir condensé les thèmes les plus éculés du genre, revisitant les passages obligés de tout western jusqu’à se citer lui-même dans la mise en place des duels au début et à la fin du film. Une simplification à l’extrême qui n’a rien d’un abandon, bien au contraire : dans ses meilleurs moments, Il était une fois dans l’Ouest représente même l’aboutissement de la geste cinématographique de Leone.

La séquence d’ouverture, célèbre, est réjouissante : Leone y étire l’action d’une manière plus extrême que jamais. Longues minutes, interminables et envoûtantes à la fois, faites de très gros plans et de plans très larges, des gueules de Woody Strode, Jack Elam et Al Muloch tout en sueurs, attendant le train dans des paysages qui semblent ne pas avoir de fin. Moment en suspens dont Leone avait le secret, et que seules les notes d’harmonica viennent bousculer.

La première partie du film est extraordinaire, d’une puissance visuelle (et sonore) assez sidérante. La tuerie de la famille McBain, étouffante avec ce sourire si cruel d’Henry Fonda, dans le plus grand contre-emploi de sa carrière. La rencontre d’Harmonica et de Cheyenne (Charles Bronson et Jason Robards, impériaux), superbement éclairée dans la taverne paumée. L’apparition de Claudia Cardinale, dont la beauté filmée par Leone est tout simplement bouleversante. Ou ce fameux mouvement de caméra qui la suit dans la gare avant de s’élever et de dévoiler cette ville qui se construit au milieu d’un Ouest très sauvage.

Ce plan là est l’un des plus beaux de toute l’histoire du western. Un moment de pur cinéma qui semble être ce vers quoi toute l’œuvre de Leone tendait jusqu’à présent : un mélange de simplicité et d’ampleur, l’humanité du personnage et l’importance du point de vue… Là, dans ces quelques instants, la puissance émotionnelle du langage cinématographique vous met les larmes aux yeux.

Ce qui frappe surtout, c’est à quel point la musique d’Ennio Morricone fait partie intégrante de la narration et du langage cinématographique. Elle souligne, voire crée l’émotion, s’arrêtant pour accentuer un effet, se faisant douce ou grandiose. Plus que jamais, sans doute, Morricone et Leone sont les coauteurs indissociables de ce film, mariage idéal de l’image et du son.

Les deux heures quarante ne sont pas tout à fait à la hauteur de cette première partie sidérante. Le film, si beau soit-il, n’est sans doute pas aussi tenu que Le Bon, la brute et le truand. Mais cet ultime spaghetti de Leone est une merveille, volontiers dérangeante, avec le plus beau rôle de femme du cinéma de Leone (loin pour autant d’être un plaidoyer féministe), avec une humanité et une cruauté qui annoncent le chef d’œuvre total du cinéaste, son chant du cygne, Il était une fois en Amérique.

Le Souper – d’Edouard Molinaro – 1992

Posté : 21 août, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, MOLINARO Edouard | Pas de commentaires »

Le Souper

En 1815, après la défaite de Waterloo, le peuple français attend fébrilement l’issue d’une discussion au sommet entre Fouché et Talleyrand, qui décidera de l’avenir de la Nation : République ou retour de la monarchie, tout repose sur ce souper qui réunit les deux hommes d’état. Souper qui n’a jamais vraiment eu lieu : cette adaptation d’une pièce de théâtre à succès met en scène une rencontre hautement symbolique, confrontation guère reluisante de deux aspects viciés de la politique.

Vice, corruption, ambition, cynisme… Deux siècles après les faits, et trente ans après le film, on pourrait dire que le propos reste furieusement d’actualité. Il n’est pourtant pas totalement convaincant. Les dialogues, parfois lourdement évocateurs, qui tentent maladroitement de retrouver l’éloquence de Talleyrand surtout… La mise en scène aussi, qui se résume dans la première partie à une succession de champs-contrechamps trop mécaniques… Edouard Molinaro a ici une jolie ambition, mais un talent limité.

Le Molinaro du Souper n’est pas le Mankiewicz de Jules César, c’est un fait. L’ambition est belle, donc, pour un film qui mise sur les mots et sur la confrontation de deux comédiens, Claude Rich et Claude Brasseur, qu’on a rarement vus aussi bien. Molinaro enferme ces deux là dans un décor quasi-unique, une simple pièce plongée dans une semi-obscurité, où leur face à face tourne au jeu de massacre cynique. On se sourit, on en appelle à l’amitié, et on ne s’épargne rien…

Deux beaux acteurs, même si Brasseur se laisse emporter dans quelques envolées lyriques pas toujours très maîtrisées. Le talent de Molinaro, au moins, c’est de capter la tension qui les attire autant qu’elle les sépare. Et de filmer ça sans grand effet facile, avec une musique comme en sourdine, à l’image de cet orchestre qui joue à l’étage du dessus, pour créer une atmosphère. Si le propos est tantôt confus, tantôt convenu, l’atmosphère, elle, est bien là.

Et Molinaro est un réalisateur tellement pas tellement passionnant que cette quasi-fin de carrière a quelque chose d’un chant du cygne qui a de la gueule.

Paris Blues (id.) – de Martin Ritt – 1961

Posté : 20 août, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, NEWMAN Paul, RITT Martin | Pas de commentaires »

Paris Blues

Paul Newman et Sidney Poitier, musiciens de jazz américains, piliers des nuits des cabarets parisiens… Arrivent Joanne Woodward et Diahann Carroll, touristes américaines de passage à Paris (et amoureuses dans la vraie vie des deux acteurs), qui vont ravir leur cœur, et les sortir de cette parenthèse enchantée que représente ce Paris mythique, coupé du temps et de son époque.

Aux manettes : Martin Ritt, l’homme qui a créé le plus beau couple du cinéma américain deux ans plus tôt (Woodward et Newman, donc, dans Les Feux de l’été), qui signe ici l’une de ses plus belles mises en scène. C’est un Paris de carte postale, c’est vrai, où chaque plan met en valeur Notre-Dame, la Tour Eiffel, les Champs Elysées, ou l’un des décors d’Alexandre Trauner.

Un travelling magnifique, au début du film, donne d’ailleurs l’une des clés du film, révélant un décor digne des classiques français du « réalisme poétique ». Le choix de Trauner n’est pas innocent : c’est un Paris idéalisé que Ritt met en scène, un Paris qui flirte constamment avec la caricature, comme lors de ce bœuf improvisé sur les toits, d’une beauté irréelle.

Le parti-pris est totalement assumé. Paris Blues, c’est une sorte de rêverie, l’histoire de deux hommes réfugiés dans un Eden improbable, et forcément éphémère, loin du « vrai monde », que Diahann Carroll rappelle régulièrement à Sidney Poitier : cette Amérique où la couleur de peau est encore un problème, et où les musiciens n’ont pas la même liberté. Paris Blues raconte un réveil, un retour à la réalité. Beau film nostalgique.

On pardonne volontiers à Ritt les quelques facilités, la vision trop pittoresque de ce Paris-là (pittoresque d’ailleurs revendiquée dans un dialogue), peut-être un peu moins la manière dont Serge Reggiani est mis en scène en drogué, franchement excessive. Le film, d’ailleurs, est surtout précieux pour la place qu’il réserve à la musique.

Omniprésente, jusqu’à l’obsession, la musique est l’essence des personnages, et du film. Martin Ritt la filme longuement, intensément. Beaux moments, libres et simplement vivants, que Newman et Poitier incarnent avec enthousiasme, surtout lorsqu’ils donnent la réplique à Louis Armstrong himself. Ce Louis Armstrong comme un symbole de la liberté et d’une certaine insouciance, dont l’image est recouverte dans le dernier plan du film, là encore comme un rude retour à la réalité.

La Chute d’un caïd (The Rise and fall of Legs Diamond) – de Budd Boetticher – 1960

Posté : 19 août, 2021 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1960-1969, BOETTICHER Budd | Pas de commentaires »

La Chute d'un caïd

Chant du cygne pour Budd Boetticher qui, après son formidable cycle de westerns avec Randolph Scott, renoue avec le film criminel de ses débuts pour l’un des sommets du genre : l’ascension et la chute d’un gangster, pour une histoire que n’aurait pas reniée James Cagney vingt-cinq ou trente ans plus tôt.

Le film s’inscrit clairement dans la lignée de ces films de gangsters des années 30, comme une nouvelle version des Fantastiques années 20 qui serait dénuée de tout romantisme. « Legs » Diamond, inspiré librement d’un authentique gangster, est un cynique absolu, un ambitieux qui décide de ne s’attacher à personne pour ne pas avoir à s’inquiéter de qui que ce soit.

C’est le rôle d’une vie pour Ray Danton, qui ne retrouvera jamais un rôle aussi marquant, ni de près ni de loin. Il semble, c’est vrai, taillé uniquement pour ce rôle précis. Son aspect glacé, son jeu minimaliste (c’est une manière de dire qu’il ne fait vraiment pas grand-chose) et son regard dur et décidé collent parfaitement au personnage, mais aussi à la mise en scène totalement dans le ton de Boetticher.

Mise en scène elle aussi glacée, d’une précision mécanique, soulignée par un noir et blanc sans aspérité. Dans ce décor, la violence a un impact tout particulier. C’est là aussi que le film se démarque le plus nettement des films de gangster des années 30. La violence y était souvent suggérée, totalement hors champs. Elle est ici frontale, froide, et brutale.

Excellents seconds rôles aussi. Et si Karen Steele, qui était encore l’épouse de Boetticher, ressemble tout de même à une erreur de casting (entendre cette femme sublime reconnaître qu’elle n’est pas belle fait comprendre que, sur le papier, le personnage était écrit pour une actrice au physique plus commun), sa moue de petite fille brisée fait des merveilles.

Grande réussite, donc, dont Boetticher sortira avec la ferme intention de réaliser enfin le film de corrida dont il rêvait depuis si longtemps. Un projet qui lui coûtera cher, et le tiendra éloigner des studios pendant presque une décennie. Hélas.

Quelque part dans la nuit (Somewhere in the night) – de Joseph L. Mankiewicz – 1946

Posté : 18 août, 2021 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MANKIEWICZ Joseph L. | Pas de commentaires »

Quelque part dans la nuit

Imaginons juste ce que ce film aurait donné avec de grands acteurs en tête d’affiche… Parce que John Hodiak et Nancy Guild, franchement, on a fait plus glamour et plus intense, question couple de cinéma. Imaginons juste ce qu’un tel scénario mis en scène avec autant d’inspiration aurait donné avec de vrais grands acteurs. Un authentique chef d’œuvre, sans doute.

En l’état, ce deuxième film de Mankiewicz, changement de registre assez radical après Le Château du Dragon, est déjà une grande réussite, que seul l’aspect franchement terne du couple star vient, justement, ternir. Encore que le jugement est un peu rude : Mankiewicz est un grand directeur d’acteur, et Hodiak, très loin du Lifeboat d’Hitchcock, n’a peut-être jamais été aussi bien.

Et puis il y a une poignée de seconds rôles remarquables : Richard Conte en propriétaire de bar trop charmant (ce regard, quand même, n’est-il pas un rien trop flagrant?), et surtout Lloyd Nolan, réjouissant en flic brillant sans avoir l’air d’y toucher. Le scénario, brillant, lui réserve peut-être les meilleures scènes, et les meilleures répliques lorsqu’il s’interroge sur la raison pour laquelle les flics de cinéma gardent toujours leur chapeau…

Mankiewicz, surtout, signe un grand film noir où tout passe par l’image. Un pur film de cinéma, où l’obscurité qui entoure constamment le héros est une mise en image de l’amnésie du personnage, vétéran de guerre qui part sur la piste de sa propre identité. Une forme visuellement superbe qui est une sorte de mise en abîme, ou une manière de plonger viscéralement le spectateur dans le même trouble que le personnage.

Quelque part dans la nuit pourrait ressembler à un tour de chauffe pour un cinéaste qui sera plus habitué à un cinéma plus ouvertement psychologique. C’est quand même bien plus que ça : un pur film de genre qui prend le parti de mettre la forme au service de la psychologie, comme une virée dans le cerveau foutraque du héros. C’est passionnant, tendu comme un vrai film noir, troublant et fascinant. Brillant.

Libre comme le vent (Saddle the wind) – de Robert Parrish (et John Sturges) – 1958

Posté : 17 août, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, PARRISH Robert, STURGES John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Libre comme le vent

Deux frères très différents qui finiront par s’affronter, une femme trop belle entre les deux, des barbelés qui viennent remettre en cause le principe des grands espaces ouverts, un grand propriétaire face à de petits fermiers, un gunman qui débarque en ville pour affronter le héros, auréolé d’une réputation de fine gâchette… Rarement un western aura brassé autant de thèmes si classiques avec une telle originalité.

Avec ce film, ramassé et d’une intensité folle, Parrish transcende littéralement le genre qu’il donne l’impression, sur le papier, de servir aveuglement. Tout, en fait, est surprenant, audacieux, fracassant. Le tueur qui débarque au début du film, joué par un Charles McGraw toujours parfait, étonnamment digne, et au destin totalement inattendu, presque grotesque. Le puissant propriétaire, dont le grand Donald Crisp fait une sorte d’incarnation de la justice et de la sagesse. Et puis ces deux frères si différents, campés par deux comédiens effectivement très différents : Robert Taylor, d’un classicisme instinctif, et John Cassavetes, très Actor’s studio.

D’emblée, Robert Parrish sème une espèce de trouble dans sa manière de mettre en scène le premier duel, comme un acte fondateur dont la violence ne cessera d’avoir des effets tragiques. Superbement réalisé, ce duel fait surtout éclater la dimension morale et désespérée de ce western, en apparence si classique, qui se révèle en fait être une véritable tragédie familiale. Tout, dans le comportement des deux frères comme dans la pure mise en scène de leur relation, semble annoncer le dénouement.

Parrish sème des petits cailloux, comme ça. Mais en nous faisant croire qu’il nous mène en terrain connu, il nous guide en fait dans un monde dont la violence a quelque chose de tristement banale. La figure du fermier vêtu de son uniforme de vainqueur nordiste, incarné par Royal Dano, est particulièrement forte, « vainqueur » dont la pauvre destinée renvoie directement à l’absurdité d’une guerre qui n’a en fait engendré que victimes et chaos.

Petite production d’une intensité folle, et vraiment ambitieux dans sa peinture de la violence et de ses effets. Sans rien dévoiler de la conclusion, disons simplement qu’elle est probablement unique dans l’histoire du western, et qu’elle confirme la profonde empathie que le cinéaste a pour ses personnages, et le dégoût profond qu’il témoigne à la violence, dont personne, jamais, ne sort vraiment vainqueur.

Le Dîner de cons – de Francis Véber – 1997

Posté : 16 août, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, VEBER Francis | Pas de commentaires »

Le Dîner de cons

Francis Véber voit la comédie comme une mécanique dont il faut maîtriser parfaitement les moindres aspects : le rythme est parfaitement maîtrisé, les gags interviennent à des intervalles bien réfléchis, les effets sont rapides mais laissent au spectateur le temps de comprendre et d’emmagasiner avant de passer à la suite… Moins un métronome qu’un scientifique du rire. Sans doute manque-t-il d’un rien de spontanéité, quand même.

Le Dîner de cons, dans la logique Vébérienne, est l’une de ses plus grandes réussites. Un film, aussi, qui confirme ce qu’on pensait depuis longtemps : le gars est un scénariste à la mécanique discutable ou imparable, mais ce n’est pas un cinéaste. Pas un créateur de forme en tout cas : purement fonctionnelle, sa mise en scène ici n’a pas la moindre prétention, pas la moindre envie formelle, juste celle de filmer des acteurs dire des dialogues.

La vraie force de ce film-ci, c’est Jacques Villeret bien sûr. Sa réjouissante capacité à incarner les crétins. Sa tête face à un Thierry Lhermitte qui lui explique que Just Leblanc a tout de même un prénom est assez hilarante. Comme sa manière de se fondre dans le décor tel un gamin quand il réalise qu’il a viré la femme de son nouvel « ami ». Ou lorsqu’il raccroche heureux d’avoir décroché les droits d’un roman, embarqué par sa propre imposture…

Grand Villeret, face à un Lhermitte très bien, pour des dialogues parfois très drôles, et avec un Daniel Prévost dans le rôle de sa vie (un contrôleur fiscal, taillé pour lui, avec ses excès), Francis Huster étonnamment attachant tout en jouant faux, Alexandra Vandernoot charmante en potiche, et Catherine Frot amusante en nymphomane. C’est que Véber, en plus d’être un réalisateur plan-plan, a un sens très personnel et assez peu avant-gardiste du féminisme…

On sourit par moments, à tous les moments les plus connus du film (un peu comme pour Les Bronzés, disons). Mais la logique si parfaitement huilée de Véber sonne faux dès les premières scènes. La musique semble promettre une comédie enlevée et folle. Le résultat reste hélas constamment dans le carcan que se crée un Véber obnubilé par le contrôle et la maîtrise. Et qui aurait beaucoup à gagner à lâcher la bride.

Des enfants gâtés – de Bertrand Tavernier – 1977

Posté : 15 août, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Des enfants gâtés

Après trois premiers longs métrages qui sont autant de petits classiques, dans des genres très différents (L’Horloger de Saint-Paul, Que la fête commence, Le Juge et l’assassin), Bertrand Tavernier signe avec Des enfants gâtés son premier film ouvertement politique. Pas que ses premiers pas aient été dénués d’engagement, loin de là. Mais cette fois, le jeune cinéaste se débarrasse des atours du film de genre ou des costumes pour un film social et contemporain, presque totalement dénué d’une véritable intrigue.

C’est aussi son premier film sans Philippe Noiret, dont les deux comparses de Que la fête commence, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle, chantent la formidable chanson générique (signée Caussimon, comme un clin d’œil à Le Juge et l’assassin) sans pour autant apparaître dans le film. Comme s’il lui fallait se priver de son meilleur alter ego pour s’engager frontalement. En l’occurrence contre le mal logement et les abus de propriétaires exploiteurs, dans un Paris dont Tavernier ne filme que les tours et les barres d’immeubles, et les chantiers gigantesques qui, déjà en 1977, semblent chasser les habitants vers les quartiers périphériques.

Tavernier se débarrasse tellement des atours du film de genre qu’il fait de Michel Piccoli, son personnage principal, un cinéaste occupé à écrire son prochain film. Un cinéaste dont le plus grand succès s’appelle La mort en direct, qui sera justement le film suivant de Tavernier. Pour écrire ce film, donc, Piccoli s’installe dans un appartement qu’il espère tranquille pour pouvoir travailler au calme loin de sa famille, mais qui se retrouve embarqué dans le combat des locataires contre les excès de leur puissant propriétaire.

Sitôt le générique terminé, Tavernier confronte Piccoli à toute une galerie de parasites : un agent immobilier bien décidé à ne faire aucun effort pour placer des appartements qui, de toute façon, trouveront preneurs (Michel Blanc, toute la bande masculine du Splendid suivra, Lhermitte, Clavier et surtout Jugnot dans un beau rôle de premier plan) ; le notaire hautain et arrogant pour les mêmes raisons ; et un agent dont on ne sait trop ce qu’il vient faire si ce n’est encaisser une commission…

Les portraits sont féroces, frôlant même le trop-plein, dans quoi Tavernier versera d’ailleurs brièvement lors de la confrontation finale avec le tout puissant propriétaire. Sans doute manque-t-il d’un rien de mesure (même si j’avoue ne pas maîtriser la réalité du logement dans ces années 70), mais la charge est efficace, et réjouissante. Le film trouve un bel équilibre entre une certaine ironie et une vraie gravité : Tavernier a ce talent pour filmer des personnages fragiles et en souffrance, qui restent debout malgré tout, ne baissant la garde que subrepticement, par des regards soudain déchirants.

Celui accablé de Gérard Jugnot justement, qui prend conscience d’avoir cherché à profiter d’une situation à son avantage, en prêtant de l’argent à la jolie Christine Pascal. Un brave type, qui l’espace d’un instant s’est laissé aller à vouloir donner un peu d’air à son existence. Avec ces tours, ces immeubles qui bouchent l’horizon et contraignent le ciel, Tavernier crée un sentiment d’étouffement constant, voire d’aliénation. Un film plein d’empathie, passionné et généreux, à l’image de son réalisateur.

Les Mariés de l’an II – de Jean-Paul Rappeneau – 1971

Posté : 14 août, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, RAPPENEAU Jean-Paul | Pas de commentaires »

Les Mariés de l'an II

Jean-Paul Belmondo qui renoue avec le film d’aventures, après Cartouche ou L’Homme de Rio… Chouette ! Sauf qu’il a l’air de s’ennuyer ferme, Bébél, dans ces Mariés… au scénario pourtant prometteur, comédie d’aventures tournant autour des conséquences de la révolution française. OK, son personnage n’a aucune envie d’être là, pris au piège par les remous d’un pays qui n’est plus vraiment le sien. Mais quand même… Son ennui est tellement profond qu’il en devient contagieux.

Difficile de s’attacher à un personnage aussi dénué de passion que celui-ci. On a connu Belmondo plus habité. Même dans Les Tribulations d’un Chinois en Chine, où il jouait pourtant un homme flirtant avec la mort pour échapper à l’ennui, il semblait plus habité, plus impliqué. Sans doute Rappeneau en a-t-il voulu ainsi : le réalisateur n’est pas connu pour laisser quoi que ce soit au hasard. Mais ce détachement si flagrant, si constant de Belmondo finit (rapidement) par laisser de marbre.

L’histoire est généreuse, la mise en scène est ample et ne lésine pas sur les moyens. Mais on reste toujours aussi étranger au film que Belmondo semble l’être de sa propre histoire. Bizarrement lointain, y compris dans les séquences d’action pourtant elles aussi amples et généreuses. On s’attendrait presque à le voir bailler en affrontant une poignée d’adversaires dans un escalier, tout en bondissant d’un étage à l’autre.

Marlène Jobert a cette fougue qui manque étrangement à Belmondo. Elle ne suffit pas à ranimer la flamme, qui semble éteinte avant même que le film commence. Une curiosité quand même, comme un rendez-vous plein de promesses dont on on ne comprend pas bien pourquoi on est à ce point passé à côté. De quoi donner l’idée d’un autre rencard, d’une autre chance…

La Vie et rien d’autre – de Bertrand Tavernier – 1989

Posté : 13 août, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

La Vie et rien d'autre

Oh le sujet fun que voilà ! Deux ans après la Grande Guerre, des soldats sont chargés d’exhumer les victimes des champs de bataille, d’identifier les cadavres, de donner un nom aux blessés amnésiques… Tâche immense, inhumaine. Bien avant Capitaine Conan, Bertrand Tavernier signe un grand film sur la Grande Guerre, sans rien en montrer d’autre que les fantômes, les effets, les dégâts.

Il offre à Philippe Noiret, son compagnon des premiers temps, le beau rôle du commandant de cette unité d’identification. Un vétéran, marqué dans sa chair et dans son âme, pour qui la guerre ne peut pas être finie. Pas avec les horreurs qui continuent à être son quotidien. Il est magnifique, Noiret, regard triste comme incapable de tourner cette page si lourde.

De ce sujet austère et lourd, Tavernier signe un film beau et puissant. Un film grave, bouleversant, et pourtant plein de vie. Jamais pesant, jamais misérabiliste, Tavernier saisit l’horreur absolue de la guerre sans le bruit et la fureur. L’effet n’en est que plus saisissant : il passe par la dignité des douleurs, par ces silhouettes lourdes qui hantent les champs de bataille à la recherche de proches disparus, mais aussi par cette vie qui cherche constamment son chemin.

Une séquence, surtout, est d’une beauté renversante. Le commandant, Noiret, est dans un cabaret avec Sabine Azéma, femme d’un soldat disparu, dont il est tombé raide dingue. Une « chanteuse parisienne » est sur scène, et tous deux échangent des premiers regards amoureux, dévoilant sans rien dire leurs sentiments respectifs. Les regards se croisent, puis se fuient, Noiret, au premier plan, devient flou… Plus tard, dans leur voiture qui traverse la nuit, elle l’invite à prononcer les trois mots qui changeront tout. Et lui, enfin : « Je vous… écoute ». C’est bouleversant.

C’est le genre de moments qui font la beauté du cinéma Tavernier : des regards, des dialogues qui frappent, une musique qui emporte tout. Comme lors de la scène, historique, où le cercueil du Soldat inconnu est choisi, et où le personnage de Noiret arriver en retard. « J’étais en retard », justifie-t-il. « En retard de quoi ? » interroge son supérieur. « De tout. »

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