Le Mystère de la chambre jaune – de Bruno Podalydès – 2003
Grande adaptation du roman de Gaston Leroux, grande comédie très personnelle de Podalydès, mais pas seulement : cette énième version du Mystère de la chambre jaune (L’Herbier et Tourneur père s’y sont collés bien avant les frangins Podalydès) est aussi la meilleure mise en images de l’univers de Tintin. Avec L’Homme de Rio, disons. Si, si.
C’est tout le génie de Podalydès : rester fidèle à son propre univers, à l’esprit et à l’intrigue du roman originel, tout en invoquant une imagerie tirée de tout autre chose, en l’occurrence l’œuvre de Hergé, dont il est un grand admirateur revendiqué. Le journaliste Rouletabille, sous les traits de Denis P., est évidemment une variation autour du reporter à la houppette. Quant à Sinclair, son fidèle photographe qui le suit comme une ombre, il fait un Milou tout à fait convainquant, profitant d’un arrêt de la voiture pour aller pisser dans un bosquet comme le bon chien qu’il est.
Cette voiture : bricolage improbable inventé par un pseudo-Tournesol vivant dans un château qui évoque furieusement Moulinsard. Où on croise au hasard deux policiers à chapeau melon, un chanteur à la voix crissante, une espèce de gitan inquiétant, et un mystère insondable, bien sûr… Plus qu’une simple adaptation, Podalydès fait de ce Mystère de la chambre jaune un réjouissant grand écart, parfaitement cohérent, réjouissant, et inventif.
Ça se joue dans les petits détails : les quatre personnages qui tournent les pages de leur journal au même moment au début du film, les grognements à peine articulés de Michael Lonsdale, la raideur irrésistible d’Olivier Gourmet, le jeu de coq que se livrent Denis Podalydès et Pierre Arditi, les petits commentaires de Claude Rich (génial)… Et cette bille qui se trimballe dans ce génial interlude évocateur et ludique.
L’intrigue elle-même est d’un autre temps. « C’est décevant », lance même le juge Claude Rich en découvrant la vérité. Tout se joue dans le mouvement, dans la manière dont Podalydès s’amuse avec ses décors, ses comédiens. Tout est jeu, faux semblants, et plaisir pur de cinéma. Les univers de trois grands auteurs (un romancier, un dessinateur et un cinéaste) ne font plus qu’un, et c’est enthousiasmant.