Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West) – de Sergio Leone – 1968
Après Le Bon, la brute et le truand, grande fresque d’une ampleur impressionnante, Leone signe ce que beaucoup considèrent comme le sommet du western spaghetti, l’aboutissement d’un style, un film plus important encore. Il était une fois dans l’Ouest est pourtant un film extraordinairement plus simple, en tout cas d’un point de vue narratif : un tueur à la solde du puissant patron d’une société de chemin de fer doit abattre une veuve dont la présence gène l’avancée de la voie, mais trouve sur son chemin deux aventuriers qui, chacun à sa manière, se dresse contre lui.
Si on résume le film, on en arrive à une quasi-épure westernienne. Leone semble avoir condensé les thèmes les plus éculés du genre, revisitant les passages obligés de tout western jusqu’à se citer lui-même dans la mise en place des duels au début et à la fin du film. Une simplification à l’extrême qui n’a rien d’un abandon, bien au contraire : dans ses meilleurs moments, Il était une fois dans l’Ouest représente même l’aboutissement de la geste cinématographique de Leone.
La séquence d’ouverture, célèbre, est réjouissante : Leone y étire l’action d’une manière plus extrême que jamais. Longues minutes, interminables et envoûtantes à la fois, faites de très gros plans et de plans très larges, des gueules de Woody Strode, Jack Elam et Al Muloch tout en sueurs, attendant le train dans des paysages qui semblent ne pas avoir de fin. Moment en suspens dont Leone avait le secret, et que seules les notes d’harmonica viennent bousculer.
La première partie du film est extraordinaire, d’une puissance visuelle (et sonore) assez sidérante. La tuerie de la famille McBain, étouffante avec ce sourire si cruel d’Henry Fonda, dans le plus grand contre-emploi de sa carrière. La rencontre d’Harmonica et de Cheyenne (Charles Bronson et Jason Robards, impériaux), superbement éclairée dans la taverne paumée. L’apparition de Claudia Cardinale, dont la beauté filmée par Leone est tout simplement bouleversante. Ou ce fameux mouvement de caméra qui la suit dans la gare avant de s’élever et de dévoiler cette ville qui se construit au milieu d’un Ouest très sauvage.
Ce plan là est l’un des plus beaux de toute l’histoire du western. Un moment de pur cinéma qui semble être ce vers quoi toute l’œuvre de Leone tendait jusqu’à présent : un mélange de simplicité et d’ampleur, l’humanité du personnage et l’importance du point de vue… Là, dans ces quelques instants, la puissance émotionnelle du langage cinématographique vous met les larmes aux yeux.
Ce qui frappe surtout, c’est à quel point la musique d’Ennio Morricone fait partie intégrante de la narration et du langage cinématographique. Elle souligne, voire crée l’émotion, s’arrêtant pour accentuer un effet, se faisant douce ou grandiose. Plus que jamais, sans doute, Morricone et Leone sont les coauteurs indissociables de ce film, mariage idéal de l’image et du son.
Les deux heures quarante ne sont pas tout à fait à la hauteur de cette première partie sidérante. Le film, si beau soit-il, n’est sans doute pas aussi tenu que Le Bon, la brute et le truand. Mais cet ultime spaghetti de Leone est une merveille, volontiers dérangeante, avec le plus beau rôle de femme du cinéma de Leone (loin pour autant d’être un plaidoyer féministe), avec une humanité et une cruauté qui annoncent le chef d’œuvre total du cinéaste, son chant du cygne, Il était une fois en Amérique.
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