Le Souper – d’Edouard Molinaro – 1992
En 1815, après la défaite de Waterloo, le peuple français attend fébrilement l’issue d’une discussion au sommet entre Fouché et Talleyrand, qui décidera de l’avenir de la Nation : République ou retour de la monarchie, tout repose sur ce souper qui réunit les deux hommes d’état. Souper qui n’a jamais vraiment eu lieu : cette adaptation d’une pièce de théâtre à succès met en scène une rencontre hautement symbolique, confrontation guère reluisante de deux aspects viciés de la politique.
Vice, corruption, ambition, cynisme… Deux siècles après les faits, et trente ans après le film, on pourrait dire que le propos reste furieusement d’actualité. Il n’est pourtant pas totalement convaincant. Les dialogues, parfois lourdement évocateurs, qui tentent maladroitement de retrouver l’éloquence de Talleyrand surtout… La mise en scène aussi, qui se résume dans la première partie à une succession de champs-contrechamps trop mécaniques… Edouard Molinaro a ici une jolie ambition, mais un talent limité.
Le Molinaro du Souper n’est pas le Mankiewicz de Jules César, c’est un fait. L’ambition est belle, donc, pour un film qui mise sur les mots et sur la confrontation de deux comédiens, Claude Rich et Claude Brasseur, qu’on a rarement vus aussi bien. Molinaro enferme ces deux là dans un décor quasi-unique, une simple pièce plongée dans une semi-obscurité, où leur face à face tourne au jeu de massacre cynique. On se sourit, on en appelle à l’amitié, et on ne s’épargne rien…
Deux beaux acteurs, même si Brasseur se laisse emporter dans quelques envolées lyriques pas toujours très maîtrisées. Le talent de Molinaro, au moins, c’est de capter la tension qui les attire autant qu’elle les sépare. Et de filmer ça sans grand effet facile, avec une musique comme en sourdine, à l’image de cet orchestre qui joue à l’étage du dessus, pour créer une atmosphère. Si le propos est tantôt confus, tantôt convenu, l’atmosphère, elle, est bien là.
Et Molinaro est un réalisateur tellement pas tellement passionnant que cette quasi-fin de carrière a quelque chose d’un chant du cygne qui a de la gueule.