La Chute d’un caïd (The Rise and fall of Legs Diamond) – de Budd Boetticher – 1960
Chant du cygne pour Budd Boetticher qui, après son formidable cycle de westerns avec Randolph Scott, renoue avec le film criminel de ses débuts pour l’un des sommets du genre : l’ascension et la chute d’un gangster, pour une histoire que n’aurait pas reniée James Cagney vingt-cinq ou trente ans plus tôt.
Le film s’inscrit clairement dans la lignée de ces films de gangsters des années 30, comme une nouvelle version des Fantastiques années 20 qui serait dénuée de tout romantisme. « Legs » Diamond, inspiré librement d’un authentique gangster, est un cynique absolu, un ambitieux qui décide de ne s’attacher à personne pour ne pas avoir à s’inquiéter de qui que ce soit.
C’est le rôle d’une vie pour Ray Danton, qui ne retrouvera jamais un rôle aussi marquant, ni de près ni de loin. Il semble, c’est vrai, taillé uniquement pour ce rôle précis. Son aspect glacé, son jeu minimaliste (c’est une manière de dire qu’il ne fait vraiment pas grand-chose) et son regard dur et décidé collent parfaitement au personnage, mais aussi à la mise en scène totalement dans le ton de Boetticher.
Mise en scène elle aussi glacée, d’une précision mécanique, soulignée par un noir et blanc sans aspérité. Dans ce décor, la violence a un impact tout particulier. C’est là aussi que le film se démarque le plus nettement des films de gangster des années 30. La violence y était souvent suggérée, totalement hors champs. Elle est ici frontale, froide, et brutale.
Excellents seconds rôles aussi. Et si Karen Steele, qui était encore l’épouse de Boetticher, ressemble tout de même à une erreur de casting (entendre cette femme sublime reconnaître qu’elle n’est pas belle fait comprendre que, sur le papier, le personnage était écrit pour une actrice au physique plus commun), sa moue de petite fille brisée fait des merveilles.
Grande réussite, donc, dont Boetticher sortira avec la ferme intention de réaliser enfin le film de corrida dont il rêvait depuis si longtemps. Un projet qui lui coûtera cher, et le tiendra éloigner des studios pendant presque une décennie. Hélas.