Coup de torchon – de Bertrand Tavernier – 1981
Amoureux de la culture américaine et tellement Français… Bertrand Tavernier signe l’un de ses chefs d’œuvre avec cette adaptation tellement inattendue d’un (grand) roman noir. Avec son coscénariste Jean Aurenche, Tavernier transpose l’action du 1275 de Jim Thompson du Texas le plus profond à une petite ville de l’Afrique coloniale. Pari audacieux, et coup de génie scénaristique dont le cinéaste fait une sorte de rêverie cynique et une critique acide de l’arrogance coloniale.
Tavernier cinéaste est également au top, flirtant constamment avec le film de genre, signant mine de rien l’un des films les plus mordants sur la France coloniale, avec ces gueules pitoyables ou ridicules. Des gueules soigneusement choisies. Tavernier, qui ne dirigeait pas vraiment ses acteurs, sait pourtant en tirer le meilleur. Philippe Noiret, forcément, est formidable dans le rôle de ce « shérif » passif et un rien pathétique.
« Je ne dis pas que tu as tort, mais je ne dis pas non plus que tu as raison. »… « Alors là, je ne suis pas sûr d’être tout à fait d’accord avec toi. » se défend-il en se faisant humilier à longueur de journée. Le récit intime d’un humilié qui en a trop longtemps encaissé, et qui s’imagine une âme de chevalier blanc. Cynique, cynique, cynique…
Cynique et réjouissant. Coup de torchon est un film d’une noirceur hallucinante. C’est aussi l’un des plus ouvertement réjouissants, avec son humour noir tranchant et ses personnages très hauts en couleurs. Le tandem Jean-Pierre Marielle / Gérard Hernandez est délicieusement odieux. Mais c’est surtout la chouette maisonnée de Noiret que l’on retient : l’horrible épouse Stéphane Audran (géniale) et son « frère » Eddy Mitchell (son rôle le plus marquant?). Inoubliable famille castratrice… Ajoutons Isabelle Huppert, belle incarnation d’une certaine innocence…
Coup de torchon est un film formidable, un pur plaisir de cinéma qui ne cesse de surprendre par son esprit et sa méchanceté, vision après vision. Le genre de films qui vous accompagne toute la vie.