Le Fantôme de l’Opéra (The Phantom of the Opera) – de Rupert Julian – 1925
L’effroi qui vous prend, même quand on s’y attend, quand Lon Chaney se retourne et retire son masque… La spectaculaire beauté de cette cape roue (impressionnante utilisation des couleurs) qui domine le couple maudit sur les toits de l’opéra… Une impressionnante course poursuite dans la nuit parisienne…
Cette version du Fantôme de l’Opéra reste inégalée, pleine de grands moments de cinéma, d’une force qui n’a pas pris une ride en presque cent ans. Cent ans : c’est quasiment l’âge de cette adaptation de l’œuvre de Leroux, la plus célèbre de toutes. Et après en avoir vu un paquet, c’est incroyable de voir à quel point celle-ci garde toute sa puissance formelle et narrative.
Il y a le rythme, fou. Et la générosité d’un scénario qui laisse la part du roi au suspense, au mouvement, aux chausse-trapes et aux rebondissements les plus dingues. Il y a aussi cette gourmandise de l’image, ces ombres portées impressionnantes, l’omniprésence de l’opéra lui-même, non pas comme un personnage, mais comme un décor absolu qui s’élève dans le ciel autant qu’il s’enfonce dans les abymes, dévoilant d’innombrables recoins et pièces secrètes.
Les acteurs ont bien une tendance à l’emphase et à la grandiloquence (le « ballet » effrayé des danseuses dans les sous-sols de l’opéra fait un peu sourire). Mais cette emphase s’inscrit aussi parfaitement dans cette mise en scène toute tournée vers le spectaculaire théâtral.
Ce lustre qui s’écrase sur les spectateurs, les héros coincés dans un sous-sol inondé (digne d’un Indiana Jones), le « fantôme » qui s’approche de sa proie, invisible sous l’eau… Tout ici est tourné vers l’émotion, et le plaisir du spectateur. Du grand cinéma, populaire et enthousiasmant, qui continue cent ans après à procurer un plaisir sadique, immense.