Clockers (id.) – de Spike Lee – 1995
Un quartier noir de New York, drogue, violence, destin… Spike Lee en terrain connu ? Oui, mais avec ce film en forme de polar, le cinéaste surprend et séduit malgré tout, avec une sorte de mélancolie désespérée qui dépasse la colère et la morgue, et qu’on ne lui connaissait pas.
Le film s’ouvre sur des photos de cadavres dans les rues, clichés pris sur des scènes de crimes, froids et bruts. Mais la musique que l’on entend est totalement décalée : une chanson soft presque lounge. Le genre de musique que l’on entend presque constamment au cours du film, malgré la violence ambiante latente.
Dans ce quartier où les destins semblent tout tracés, deux personnages tranchent par leurs regards un peu paumés. Strike, un jeune noir dont on sent bien qu’il aurait pu être un type bien dans une autre vie. Un dealer, avec du cœur, mais qui a le don de prendre les mauvaises décisions et de concentrer les rancœurs. l’autre, c’est un flic, le verbe raciste (« no offence ! »), mais l’acte généreux, et l’envie que son travail fasse la différence.
Le premier, c’est Mekhi Phifer, révélation du film, regard dur et brisé à la fois. Le second, c’est Harvey Keitel, l’intensité du flic qui en a trop encaissé. Spike Lee installe autour d’eux la sensation d’une spirale infernale, sans issue. Clockers n’est pas un film sur le racisme, qui n’est qu’une toile de fond, mais sur la prédestination, sur la difficulté de s’arracher à son destin.
Strike s’accroche à ses modèles réduits de train pour s’extirper de cette réalité insupportable, et c’est une idée à la fois naïve et très belle. Idée qui débouche sur une fin inattendue et superbe, d’une douceur presque irréelle.
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