Le Ciel peut attendre (Heaven can wait) – d’Ernst Lubitsch – 1943
Un homme arrive aux portes de l’enfer, où il est sûr d’être admis après une vie qu’il estime avoir été pleine d’écarts. Il raconte quelques grandes étapes de cette vie au Diable, qui écoute avec un regard plein d’une tendresse amusée ce qui, au bout du compte, ressemble quand même beaucoup à une grande et belle histoire d’amour.
De cette introduction rigolarde et ironique, qui sert aussi de fil rouge au récit, Lubitsch retient moins la dimension fantastique qu’une occasion d’égratigner, comme il l’a souvent fait, le moralisme et le puritanisme tellement installés dans l’Amérique qui l’a adopté et dont il est devenu l’un des cinéastes les plus importants.
Il s’en sert aussi pour raconter cette histoire d’amour avec des ellipses audacieuses, qui lui donnent une dimension rarement vu : une histoire à l’échelle d’une vie. Il y a des drames, des grands événements, qui rythment cette vie, mais on n’en voit le plus souvent rien, ou si peu. En retrouvant les personnages systématiquement plusieurs années après, c’est l’effet du temps passé que l’on découvre.
Entre Gene Tierney et Don Ameche, Lubitsch saisit l’infinie tendresse, sous le regard bienveillant et roublard de Charles Coburn. Il n’est pas parfait, Don Ameche, tellement attaché à son idée de l’anticonformisme. Mais elle est si belle, Gene Tierney, avec ce regard si plein de liberté. D’ailleurs, a-t-elle été filmée aussi bien (en couleurs, en tout cas) ? On comprend que ce nigaud de Don Ameche soit prêt à se damner pour elle, et on comprend que ce bon bougre de Diable (Laird Cregar) soit si compréhensif…
Lubitsch a fait des films plus élégants, d’autres plus drôles, certains même plus inventifs. Mais il y a dans ce Heaven can wait une simplicité, une tendresse et une pureté qui vous emportent, toujours et encore.