Qu’elle était verte ma vallée (How green was my valley) – de John Ford – 1941
Dernier film tourné avant l’engagement militaire de Ford, How green… est une sorte de couronnement de cette période, tant dans le fond que pour le style. Ford enchaîne alors les films immenses. Comme Les Raisins de la colère, Les Hommes de la mer et quelques autres, cette adaptation d’un roman de Richard Llewellyn est à la fois un film d’un réalisme total dans sa manière de filmer les mineurs, et une sorte de fable, à sa manière.
Contrairement à ses précédents films, disons « sociaux », celui-ci se détache d’une réalité trop actuelle. L’histoire est racontée par un homme qui quitte la vallée où il a grandi, et qui évoque ses souvenirs d’enfance : ceux de l’harmonie familiale, des premiers émois, des drames et des joies, tous nombreux et immenses.
La clé du film repose dans une phrase que prononce le narrateur, évoquant le souvenir de ces caramels dont le goût se prolongeait des heures… « C’est en tout cas le souvenir que j’en ai. » Tout est ainsi, comme exacerbé par la mémoire d’un enfant devenu grand, avec la sensibilité et l’innocence du regard enfantin.
Visuellement splendide, dans ce décor quasi unique du coron menant à la mine, How green… est aussi l’un des plus beaux films sur l’enfance qui s’achève. Belle prestation du débutant Roddy McDowall, pierre angulaire autour duquel tout le film s’articule. C’est son monde à lui qui s’effrite, c’est sa vision de cette vallée idéale que l’on découvre, cette gaieté qui s’évapore en même temps que l’innocence…
Donald Crisp, Barry Fitzgerard, Anna Lee, Sara Allgood, et Maureen O’Hara qu’il dirige pour la première fois… Ford réunit quelques-uns de ses acteurs de prédilection, dans une communauté comme il les aime. Mais une communauté où la joie (et la comédie parfois) cache aussi des rancœurs, des mesquineries, et une vraie cruauté.
Grand film plein de paradoxes, où la religion est omniprésente, bienfaisante… et capable des pires cruautés. Où l’école est le seul moyen d’espérer un avenir meilleur, mais s’avère un lieu de sévices. Ou la tradition est la garantie de l’unité… mais pousse au malheur. Eloge de la famille et de l’individu, qui évoque la grandeur naissante des syndicats…
How green… est une merveille, belle à pleurer, c’est aussi l’un des films qui dit le mieux la complexité et la sincérité de Ford, traditionaliste humaniste. Un cinéaste qui filme en tout cas mieux que quiconque le temps qui passe, et les cendres qu’il laisse.