Des gens sans importance – d’Henri Verneuil – 1956
Henri Verneuil, cinéaste fasciné par le film de genre américain, a souvent souffert cruellement de la comparaison avec ses grands modèles. Avec Des gens sans importance, la première ses quatre collaborations avec Jean Gabin, ses références sont clairement assumées, mais ce qu’il en fait est magnifique. Et en mot, son film est un chef d’œuvre. Si.
La toute première image est saisissante. Un restaurant isolé au bord d’une route balayée par les vents, relai routier qui semble sorti du Facteur sonne toujours deux fois… C’est d’emblée une ambiance de film noir qu’installe Verneuil. Pas de crime, ni de femme fatale, mais le destin implacable, et quotidien d’un homme comme les autres.
C’est Gabin, fatigué, superbe, dont on se demande s’il tient plutôt de Robert Mitchum, de John Garfield ou de John Wayne. Gabin, immense, homme entre deux âges qui trimballe au volant de son camion le poids d’une vie sans joie et sans satisfaction. Une épouse avec qui il ne partage plus que de la rancœur, sans rien avoir à lui reprocher, des enfants qui sont comme des étrangers, une vie qui se limite au bitume qu’il avale… Et cette rencontre avec une femme, Françoise Arnoul, qui pourrait être sa fille. Comme la promesse d’une nouvelle jeunesse.
Tout somme juste et vrai. Le sens de la camaraderie, les soirées trop longues sur la route, les repas minables au coin d’une table, la fatigue, l’espoir d’un nouveau départ, et le couple de Gabin et de sa femme, pathétique et déchirant, superbe incarnation de la jeunesse envolée.
Verneuil s’inspire du cinéma américain, mais signe un film que l’on sent très personnel, et très français. Il s’approprie l’esthétique des grands cinéastes de l’âge d’or, citant John Ford dans un plan d’une beauté sidérante, signe de son modèle : Françoise Arnoul, serveuse maltraitée par ses clients, ouvre la porte qui donne sur une sorte de no man’s land, plan fordien qui semble l’isoler du monde… Magnifique.
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