Napoléon – de Sacha Guitry – 1955
Le grand œuvre de Guitry : trois heures d’une fresque ambitieuse consacrée à l’Empereur. Et rien ne manque, ou presque, de son parcours, de sa naissance en Corse à sa mort sur une autre île, celle de Sainte-Hélène.
Trois heures de déclaration d’amour, mais avec le cynisme rigolard de Guitry. Il oublie certains épisodes à dessein ? Il le reconnaît lui-même : « D’autres s’en souviendront ». Parce que Guitry, bien sûr, est omniprésent, s’accordant le rôle qui lui va le mieux : celui de raconteur. Talleyrand en l’occurrence, qui raconte à ses proches, à sa manière et en voix off, la vie d’un grand homme qui a mal fini.
Cette construction à la Guitry, avec cette voix qui donne le rythme et permet tous les raccourcis, permet aussi une pointe d’humour et d’audace, dans la manière parfois d’évoquer plus que de raconter, à l’image de ces batailles caricaturales, où le triomphe de Napoléon est symbolisé par les soldats qui avancent sans être même effleuré par le feu ennemi.
Le film est à la fois très ample et ambitieux, avec de nombreux décors et beaucoup de figurants, et très simples dans sa facture. Presque figé même, par moments. Avant d’être une grande fresque, Napoléon reste toujours un « Guitry », où le verbe est plus important que l’image. Le réalisateur, cela dit, est parfois très inspiré (la prise de Moscou en flammes, simple et belle). Lorsqu’il ne se contente pas d’une mise en scène purement fonctionnelle.
Le casting est évidemment exceptionnel. Beaucoup de stars ne font que passer (ou trépasser) : quelques minutes à peine pour Jean Gabin (tout en perruque en maréchal Lannes), Erich Von Stroheim (à peine reconnaissable en Beethoven) ou Orson Welles (ogresque en Hudson Lowe), un peu plus pour Serge Reggiani (Lucien Bonaparte) ou Yves Montand (le maréchal Lefebvre)… Les femmes de Napoléon ont finalement le beau rôle : Danielle Darrieux totalement libérée, et surtout Michèle Morgan, très émouvante dans le rôle de Joséphine.
La meilleure idée du film, c’est peut-être d’avoir confié le rôle titre à deux acteurs : Daniel Gélin pour la jeunesse de Bonaparte, Raymond Pellegrin pour la maturité de l’Empereur. Ils ne se ressemblent pas vraiment, mais ce procédé évoque plus qu’il ne montre vraiment l’évolution, la bascule de l’homme… Du pur Guitry, qu’on a quand même le droit de préférer plus intime (modeste n’étant pas le mot le plus juste).
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